À propos de la statue de Voltaire

2 2 commentaires
Léon Drivier (1878-1951)
Statue de Voltaire, rue de Seine à Paris
Photo : Google Maps
Voir l´image dans sa page

Ce qui vient de se passer sur les réseaux sociaux, mais aussi chez un de nos confrères (en l’occurrence il s’agit du Huffington Post) est révélateur de la manière dont est parfois traitée l’actualité, en faisant passer pour une infox (ou fake news) ce qui est en réalité la vérité, parfaitement démontrable. Cela est particulièrement insupportable quand - et nous aimerions que tout le monde fasse pareil - nous nous appliquons à toujours vérifier nos informations, même quand nous nous contentons de les twitter. Il est toujours possible de faire une erreur, bien sûr, et nous avons, à chaque fois que cela nous est arrivé (et ceci est plus que rare), toujours apporté un rectificatif à ce que nous avions écrit. Ce n’est pas le cas ici.

L’affaire commence alors que deux tweets ont été largement partagés sur Twitter à propos de l’enlèvement de la sculpture de Voltaire rue de Seine (ill. 1). Il se trouve qu’apparemment le premier compte était de création récente (et a été depuis supprimé) et l’autre appartiendrait à quelqu’un qui relaierait des tweets d’extrême-droite. Sa description n’y faisait pas du tout allusion, mais ne le connaissant pas, nous nous sommes gardé de le retweeter.

L’information devenant virale, et ayant eu par ailleurs la confirmation par une source crédible que la sculpture avait bien été enlevée car elle était trop menacée, nous avons tweeté ceci en empruntant à titre illustratif l’image du deuxième tweet :

Plusieurs personnes indiquant que ce n’était pas du ressort d’Emmanuel Macron mais de la Mairie de Paris (nous nous sommes d’ailleurs vu accuser d’être un partisan d’Hidalgo, ce qui est savoureux) nous leur avons répondu ceci.

Mais ce n’est pas le plus grave, ni le plus scandaleux. C’est un article du Huffington Post qui a mis le feu aux poudres. Nous aurions relayé (via Twitter mais tout de même) une de ces fameuses « fake news » que nous passons pourtant notre temps à pourchasser.
L’article s’intitule : « Une statue de Voltaire déboulonnée à Paris ? La mairie dément ». Et comme, c’est bien connu, la Mairie de Paris dit toujours la vérité, et ceux qui pensent le contraire sont forcément d’extrême-droite, le journaliste prend clairement le parti de la mairie et s’imagine avoir débusqué une de ces fameuses infox.

2. Extrait de la fiche de l’œuvre sur la base de données du CNAP
Voir l´image dans sa page

Il cite pourtant clairement un tweet d’Emmanuel Grégoire, premier adjoint d’Anne Hidalgo, qui explique : « La statue de Voltaire rue de Seine dans le 6ème arrondissement a été nettoyée. Dépôt de l’État, elle a été rendue au Centre national des arts plastiques ». Ceci est confirmé par un autre tweet de la mairie du VIe.
La sculpture a donc été nettoyée, puis rendue à son propriétaire, le Centre national des arts plastiques. Ce qu’on oublie de dire, c’est qu’il l’avait mise en dépôt en 1960, soit il y a 60 ans, comme on peut le lire sur son site (ill. 2). C’est, sans doute, un hasard si la sculpture est rendue au CNAP juste au moment où se développe le vandalisme sur les sculptures, et notamment sur celle-ci qui était régulièrement la cible d’activistes.

En réalité, il est évident que la mairie de Paris n’a pas déboulonné Voltaire pour des raisons politiques, mais pour des raisons de conservation. Et on peut comprendre que le CNAP et les conservateurs en charge de cette œuvre soient inquiets des vandalismes répétés qu’elle subit. La responsabilité, nous l’avons écrit, et nous le répétons, est bien celle d’un État incapable de faire appliquer la loi et de faire respecter ce qu’a affirmé solennellement le président de la République : aucune statue ne serait déboulonnée. Il existe des moyens, qui sont la police et la justice, pour mettre un coup d’arrêt à cette vague de vandalisme. Cela s’appelle la tolérance zéro, mais pour appliquer une telle politique, il faut du courage, ce dont manque manifestement ce gouvernement. Cela renvoie à leur néant tous ceux qui nous ont affirmé sur Twitter que bien entendu l’État n’y était pour rien et que tout était de la responsabilité de la Mairie de Paris. Cela nous a donné par ailleurs l’occasion de constater combien les militants macronistes étaient actifs sur Twitter pour diffamer tous ceux qui oseraient émettre des critiques contre leur idole.

La Ville de Paris indique qu’elle souhaite que la sculpture soit réinstallée dans l’espace public, ce qui est certainement vrai, surtout compte tenu du tollé que cela a déclenché, mais ce qui ne résoudra pas le problème du vandalisme.
Tout cela est, bien sûr, extrêmement pénible. Le phénomène de meute sur Twitter est bien réel et soit on ne répond pas, ce qui n’est sans doute pas la bonne solution, soit on répond et cela prend énormément de temps. Il est par ailleurs assez insupportable d’être accusé de diffuser des fake news alors que tout ce que nous avons écrit est exact. Nous confirmons donc l’information que nous avons relayée : la statue de Voltaire a été déboulonnée, et même si les raisons n’en sont pas idéologiques de la part de la Ville ou de l’État (ce que nous n’avons jamais dit), cet enlèvement donne raison à tous les amateurs de la cancel culture, qui est l’une des pires idéologies actuelles.

Didier Rykner

P.-S.

C’est au tour du Parisien de publier un article intitulé « Non, cette statue de Voltaire n’a pas été déboulonnée ». Bien entendu, nous maintenons tout ce que nous avons écrit dans notre article.

19 août 2020 : alors que de nombreux médias ont repris, sans enquête autre que d’interroger officiellement la Mairie de Paris, la qualification infamante de "fake news", Arrêt sur Images a vraiment enquêté et nous rend justice. La journaliste n’a pas réussi à confirmer deux choses, et nous maintenons néanmoins nos affirmations : la réinstallation dans l’espace public n’était pas l’option privilégiée (au moins sans certitude qu’elle pourra être protégée), et le vandalisme à répétition de cette sculpture est bien due aux suites du mouvement "antiraciste".

Mots-clés

Vos commentaires

Afin de pouvoir débattre des article et lire les contributions des autres abonnés, vous devez vous abonner à La Tribune de l’Art. Les avantages et les conditions de cet abonnement, qui vous permettra par ailleurs de soutenir La Tribune de l’Art, sont décrits sur la page d’abonnement.

Si vous êtes déjà abonné, connectez-vous.