Nous avons pu nous procurer un rapport « confidentiel », daté de 2017, donnant les résultats d’un « audit "sûreté" » demandé par l’établissement public du musée du Louvre à l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice, un service dépendant du Premier ministre. Cet audit a été mené par son département Intelligence et sécurité économiques. Autant dire qu’il s’agit d’un document sérieux, que Libération a également pu consulter en se focalisation surtout sur les failles informatiques.
2017 : Jean-Luc Martinez était le président du musée. Nous sommes aujourd’hui en novembre 2025, et Laurence des Cars est présidente depuis plus de quatre ans. Autant dire que la non application de plusieurs recommandations faites dans ce rapport est de la responsabilité des deux dirigeants. Or, la plupart des failles qui se sont révélées lors du vol des bijoux sont décrites dans ce rapport, sans que rien, manifestement, n’ait jamais été fait pour les combler.
Dans le chapitre « La Protection des Sites », nous noterons que le poste de sécurité centralisé (Poste de Commande Centralisé, ou PCC) connaît de « graves dysfonctionnements », tandis que certains postes de commande de zones (PCZ) ont un « aménagement inadapté » et du « matériel vieillissant ». Soit exactement ce que dénonçaient les sénateurs après leur visite, ce qui démontre que pas grand-chose n’a été fait depuis cet audit.
Autre constat, celui sur « les dispositifs techniques de protection du site, intérieurs et extérieurs (protection mécanique, vidéo-surveillance, détection électronique et contrôle d’accès) ». Là encore, il est édifiant : « les dispositifs sont en majorité inadaptés et ne répondent à aucune cohérence globale ; les technologies sont vieillissantes et connaissent régulièrement des dysfonctionnements techniques (ex : déclenchements d’alarmes réguliers qui monopolisent les PC et les équipes d’intervention) ; des carences ont été constatées dans certaines zones (ex : Objets d’art) ». Sur le deuxième point, rappelons la défaillance signalée le 17 septembre de la fenêtre de la galerie d’Apollon, qui déclenchait des alarmes intempestives. Sur le deuxième, souvenons nous que le département touché est celui des Objets d’art.
L’insuffisance du parc de vidéo surveillance, rappelée à maintes reprises depuis le vol, était déjà parfaitement identifiée : « Vétusté du parc de vidéosurveillance (technologie obsolète, dysfonction-
nements) ; positionnement et volume ne répondant à aucune cohérence globale ; difficulté d’exploitation (fonctionnalités non adaptées ; enregistrement souvent impossible) »
Dans le chapitre « La Protection des Œuvres », on peut lire : « Certaines œuvres ne bénéficient pas d’une protection spécifique (mécanique ou DRO [1]) et cette carence n’est pas compensée par un dispositif électronique efficient (absence ou dysfonctionnement) ou une présence humaine adéquate » Là encore, il semble que pas grand-chose n’ait changé depuis 2017.
Quant aux protections mécaniques (du type de celles qui existaient pour la vitrine des joyaux de la couronne avant le remplacement par des vitrines moins sécurisées en 2019), là encore le constat est accablant : « Affaiblissement du niveau de protection mécanique des œuvres (choix des
moyens de protection parfois moins efficaces du fait notamment que la présentation des œuvres prime parfois sur la sûreté ; catalogue des protections mécaniques non à jour ; absence de veille sur les nouvelles techniques de protection ».
Nous ne parlerons pas des autres failles de sécurité listées par cet audit, tant elles sont nombreuses, et, surtout, parce que nous ne savons pas si elles ont été traitées ou non. Il est néanmoins évidemment peu probable que tout ait été résolu, à l’exception des manquements qu’a révélé le vol des bijoux.
Bref, une fois de plus, un document vient démontrer l’absence totale de prise en compte de la sécurité des œuvres par la direction du Louvre. Car personne ne peut imaginer une seconde que Laurence des Cars n’avait pas connaissance de ce rapport.