- Vue de l’immeuble projeté à la place des
bâtiments du XIXe siècle (au fond, le Louvre)
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8/7/13 - Patrimoine - Paris, Samaritaine - Le 26 juin 2013, nous assistions à l’audience opposant, devant la juge des référés du Tribunal Administratif de Paris, la Samaritaine et la Ville de Paris aux associations contestant deux permis de démolir, l’un sur des éléments architecturaux du bâtiment inscrit aux monuments historiques d’Henri Sauvage, l’autre concernant plusieurs immeubles du XVIIIe et du XIXe siècle (voir notre article).
Alors que la juge avait évacué dès le début les moyens de recevabilité, et laissait les deux camps déployer leurs arguments, mettant le jugement en délibéré, elle a finalement rendu deux ordonnances d’irrecevabilité, ce qui signifie qu’elle ne jugera pas les recours en référé.
Les raisons données sont proprement stupéfiantes. Il faut, pour le comprendre, expliquer en détail de quoi il retourne.
Deux permis de démolir étant attaqués, qui étaient accordés à la fois à la Samaritaine et à la Ville de Paris, celles-ci devaient recevoir en temps et en heure chacune deux notifications, une par permis, par recommandé avec accusé-réception. Soit en tout quatre courriers.
Or, la Ville et la Samaritaine, qui ne nient pas avoir reçu ces recommandés portant sur les deux permis, prétendent avoir reçu respectivement deux fois la requête en annulation du même permis. La Ville aurait reçu, avec la lettre l’informant d’un recours contre le permis de construire n°0027 la requête en annulation du permis n°0026, tandis que la Samaritaine aurait reçu avec la lettre portant sur le permis n°0026 la requête en annulation du permis n°0027.
Ni la Ville, ni la Samaritaine ne sont bien sûr en mesure de prouver cette affirmation. Elles ont eu recours à un huissier après l’ouverture des lettres.
Non seulement cette prétendue confusion de pièces n’est pas prouvée, mais aurait-elle eu lieu qu’elle serait de toute façon insuffisante à déclarer l’irrecevabilité des requêtes comme une jurisprudence du Conseil d’État le démontre clairement (Avis en date du 3 mars 2009).
De plus, les deux courriers que la Ville et la Samaritaine admettent avoir reçus indiquaient clairement qu’y étaient jointes les copies des requêtes.
Pour résumer, cela revient à rendre nul tout envoi de lettre recommandée avec accusé-réception, puisqu’il suffirait au destinataire d’indiquer qu’elle ne contient pas le courrier et les pièces jointes qu’elle est censée délivrer. On a peine à croire qu’un juge puisse accepter de tels arguments, surtout lorsque l’on sait l’urgence de la décision qu’il devait rendre. Cela revient, en l’absence de tout jugement sur le fonds, mais aussi sur la forme (c’est l’objectif du référé), à donner le champ libre aux démolisseurs qui s’apprêtent à détruire des immeubles en parfait état au cœur de Paris, à deux pas du Louvre.
Les associations ont immédiatement saisi le Conseil d’État, mais celui-ci n’est pas tenu de rendre vite sa décision, d’autant que nous sommes au mois de juillet. Espérons que l’importance de cette affaire - et l’évidence de la décision à rendre - l’incitera à la rapidité.
L’ancien ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, fort prompt ces jours-ci à donner des leçons à son successeur, n’avait rien fait concrètement pour s’opposer à ce scandale. L’ABF a donné les autorisations de démolir. Aujourd’hui, le tribunal administratif refuse de juger en référé sous un prétexte ahurissant. Triste époque pour les défenseurs du patrimoine.