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Peinture flamande et goût ibérique aux XVe et XVIe siècles

Auteur : Didier Martens

Portée par la vogue actuelle des questions d’échanges et de dialogues entre cultures, ici entre Flandre et Espagne dans la peinture des XVe et XVIe siècles, l’enquête de Martens est un modèle d’exigence et de fine et minutieuse retenue. A une histoire de l’art fondée sur l’évidence d’écoles nationales nettement différenciées – grande conquête parfois risquée du XIXe siècle dans laquelle s’est encore complu le XXe – faut-il, se demande notre sagace et prudent spécialiste [1], substituer sans autre forme de procès une histoire de l’art délibérément transnationale, européiste en quelque sorte, toute en flatteuses affirmations interculturelles ? D’un excès d’accentuation, voire de crispation nationale, ne risque-t-on pas de tomber dans l’excès inverse d’un vague et facile, trompeur internationalisme officiel, à la manière des expositions du Conseil de l’Europe ? Quid ainsi d’un Gothique international trop élargi et bientôt mis à toutes les sauces ? Ne s’imposent alors que davantage la modestie critique de l’examen des faits, la vertueuse vérification historique qui seront les pierres angulaires de ce livre fort neuf. Pour percevoir, il est vrai, au bout du tunnel tout le jeu des nuances subtiles et attachantes, pleines de saveur, entre un « exotisme flamand intégral » – celui de peintures triomphalement importées, témoignant d’un goût et d’une manière ostensiblement flamandes – et un « exotisme flamand mitigé », autrement dit une ibérisation plus ou moins poussée du style des peintres des anciens Pays-Bas [2].

Les maîtres mots d’un tel travail pourraient s’articuler en deux propositions indissociables : voir plus et voir mieux. Le fait est que l’Espagne (dont on ne saurait dissocier le Portugal, Didier Martens parlant à dessein de péninsule ibérique) se révèle un extraordinaire havre pour l’ancienne peinture flamande, ce qui avait déjà motivé les fructueuses explorations d’un Carl Justi dans les années 1870-1890 (voir son retentissant article de 1886 ; p. 300-302). Plus encore que les relations dynastiques – de l’évidence bien connue de l’imperium de Charles Quint puis de Philippe II –, comptent ici, bien soulignées par Martens, une appétence, voire une fascination culturelle des élites de la péninsule pour l’incomparable faire des peintres flamands depuis Van Eyck et sa virtuose maîtrise picturale de la réalité. C’est un véritable phénomène de mode et même de snobisme qui s’impose, interférant avec les actives relations commerciales qui unissent alors les Pays-Bas à l’Espagne et au Portugal. Les nombreux marchands brugeois et anversois qui s’implantent aux XVe et XVIe siècles au sud des Pyrénées, soit, notons-le, autant qu’en Italie, veillent ainsi au décor de leurs chapelles funéraires, dans le cadre d’une symptomatique « privatisation de l’espace sacré » (p. 13). Le vecteur privilégié d’importation est en ce cas le retable d’autel, sous des formes diverses, on le verra, et l’on est surpris que tant d’ensembles picturaux aient pu survivre…

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