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Napoléon et les arts quelques livres

Auteur : Sylvain Laveissière

La prétendue cécité de Napoléon vient de loin et elle a la peau dure. Souscrire au jugement amer d’un Chaptal, adhérer aux réserves d’un Boutard en 1815 ou d’un Delécluze en1855, condamnant tous deux par idéalisme esthétique les errances de la peinture impériale, n’est pas la meilleure façon d’évaluer l’intérêt que Napoléon a porté aux arts, à tous les arts, et la réalité de son action. Le bilan des 15 ans de son règne, de Brumaire à Waterloo, pour ne pas parler de l’ombre durable qu’il projette sur le romantisme, est trop riche à l’évidence pour se laisser réduire aux besoins de la propagande. Trop prêter à Denon, c’est oublier qu’il n’agissait pas de manière autonome. Sa correspondance administrative (RMN éd., 1999) est là pour le rappeler. Cette liberté eût d’ailleurs été contraire au fonctionnement que Bonaparte imposa très vite à la gestion de la chose publique. D’autres signes contredisent l’indifférence qu’on continue trop souvent à lui prêter. Ainsi ses rapports avec certains artistes, David, Canova ou Isabey, ainsi les visites qu’il fit en grand nombre au Salon ou au Louvre, etc. La correspondance générale de Bonaparte, telle qu’elle nous est enfin offerte par la Fondation Napoléon et les éditions Fayard, devrait accélérer la révision qui se fait jour ici et là. Vient d’en paraître le premier tome, celui des années d’apprentissage. Il a 15 ans quand il signe les premières lettres, il s’est couvert de gloire en Italie quand il envoie les dernières. De Brienne au salon de Talleyrand, chez qui David en décembre 1797 fait connaissance avec « le général de la grande nation », il écrit et vit d’un même élan.

D’une plume acérée et sensible, sentimentale même, ces 2283 missives constituent un document unique, en partie inédit ou nettoyé, et propre à réévaluer cet homme qui ne brûlait pas seulement au contact des femmes et au son du clairon. Peu de lettres touchent directement aux arts dans ce volume inaugural même si, au détour de telle ou telle, le jeune Bonaparte fait état de son faible pour les lettres, Homère, Ossian ou les historiens romains, la musique et les antiquités. On aimerait croiser Gros ailleurs que dans l’ombre de Monge, préposé aux rapines de guerre. Plongé au cœur de la campagne d’Italie, on lit avec un intérêt renouvelé la belle lettre envoyée à Canova le 6 août 1797 pour assurer le premier sculpteur d’Europe de la protection de la France conquérante. Bonaparte sous l’uniforme sait déjà se multiplier, se soucier des fournisseurs aux armées comme de son image, de l’écho de ses exploits ou de son réseau parisien. Il est par exemple en contact avec certains grands acteurs de la capitale, Baptiste que Boilly représenta en 1798 parmi les célébrités réunis dans son Atelier d’Isabey (Louvre) et peut-être Talma lui-même, si la lette adressée en 1795 au rénovateur de la tragédie n’est pas apocryphe. Car l’histoire est aussi une scène ! Mais rien ne dévoile l’ardeur comme le fonds de mélancolie du futur despote autant que la…

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