Louvre Abu Dhabi : à propos de responsabilités

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Libération, à la pointe de l’information pour l’affaire des objets archéologiques acquis par Abu Dhabi et qui mettent en cause l’ancien président du Louvre Jean-Luc Martinez, vient de publier un nouvel article qui détaille de nombreux éléments de la défense de Jean-Luc Martinez lors de sa garde à vue.

Un point qu’il soulève est très important. Celui-ci a en effet déclaré que « Le président-directeur du Louvre n’a aucun rôle dans la politique d’acquisition du Louvre Abou Dhabi […]. La responsabilité de l’acquisition n’est pas celle de la France, ni de ses conservateurs, mais de l’État émirien. ». Si la première phrase peut être discutée, la seconde est indubitable. La France et donc le Louvre n’ont aucune responsabilité dans les acquisitions faites par l’Émirat. Cette précision fondamentale est écrite en toute lettre dans l’accord signé en 2007 entre le Gouvernement de la République Française et le Gouvernement des Émirats arabes unis. L’article 7 précise en effet que : « La Partie française, l’Agence ou les membres de la commission proposés par l’Agence ne peuvent être tenus responsables des décisions d’acquisition prises par la Partie émirienne, le Musée ou son mandataire. » Le rôle de l’agence France Muséum et de la France était notamment de « proposer une stratégie générale d’acquisition », et de « conseiller la Partie émirienne pour la constitution, au sein du Musée, d’une commission des acquisitions […] » Il est d’ailleurs précisé également que : « La Partie émirienne ou le mandataire choisi par celle-ci entreprennent seuls les acquisitions pour leur propre compte ».

Ceux qui craignent qu’Abu Dhabi puisse se retourner contre la France pour demander le remboursement des œuvres qui auraient été achetées avec une possible provenance illicite peuvent donc être rassurés : la rédaction du traité empêche absolument de considérer notre pays comme responsable. Jamais l’adage : « les conseilleurs ne sont pas les payeurs » n’aura été plus vrai. Cela disculpe-t-il Jean-Luc Martinez de toute responsabilité ? Ce n’est évidemment pas à nous de le dire et il faut laisser la justice suivre son cours. Libération souligne qu’une pièce est particulièrement importante pour la mise en cause de Jean-Luc Martinez : la stèle au nom de Toutânkhamon. L’article nous apprend que Vincent Rondot, le directeur du département des Antiquités égyptiennes du Louvre aurait confirmé lors de sa propre garde-à-vue (rappelons qu’il n’a pas, lui, été mis en examen), que l’archéologue Marc Gabolde - qui, en 2019, soit trois ans après les faits, s’interrogeait sur la provenance de la stèle - avait bien été dissuadé par Jean-Luc Martinez de publier le résultat de ses travaux.

Il apparaît donc que ce qui pourrait être reproché à Jean-Luc Martinez - dont les avocats ont répondu à Libération « qu’il est « absurde » de lui reprocher d’avoir été « complice en 2019 d’une escroquerie susceptible d’avoir été commise trois ans auparavant » - c’est surtout d’avoir voulu complaire à tous prix aux émiriens qui souhaitaient acheter cette œuvre et qui sont les seuls à être responsables de l’acquisition. Il faut admettre que des éléments désormais connus de cette affaire, et en attente de développements éventuels, il semble qu’il ait été une nouvelle fois complètement dépassé par une mission pour laquelle il n’était clairement pas taillé. Pas sûr que cela relève du pénal.

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