La curieuse conception du droit de réponse de Nicolas Demorand, directeur de la publication de Libération

Le 7 juin dernier, Libération publiait une brève non signée dans laquelle le maire de Lens, Guy Delcourt, non content de nous avoir censuré quelques jours plus tôt, se permettait de nous injurier. Nous lui avions répondu immédiatement par cet article, mais nous souhaitions, évidemment, obtenir un droit de réponse du journal selon la procédure prévue par la loi.

Nous étions alors en période électorale, ce qui imposait une parution de cette réponse, tant sur le site Internet que dans l’édition papier, dans un délai accéléré d’un jour au lieu de trois. Nous envoyâmes donc notre texte dans les conditions de longueur demandées par la loi, et en l’adressant, comme nous le devions, par recommandé avec accusé réception à Nicolas Demorand, le directeur de la rédaction. Ce texte reprenait, en plus condensé, l’article déjà publié sur notre site.
Sans nouvelles de Libération pendant plusieurs jours, nous fûmes pour le moins surpris de recevoir une lettre de ses avocats nous expliquant ne pouvoir publier ce droit de réponse car il était « gravement injurieux envers le maire de Lens ». On appréciera l’ironie : Libération publie les invectives de Guy Delcourt : « Qu’il reste chez lui avec son vomi » (sic) et refuse notre droit de réponse infiniment plus modéré sous prétexte qu’il est « gravement injurieux » !

Nous renvoyons alors un droit de réponse tout aussi ferme mais encore plus factuel. Toujours rien. Leurs avocats, contactés par le nôtre, lui indiquent que ce texte, adressé par courrier recommandé électronique de La Poste n’est pas signé. La mauvaise foi de cette réponse est évidente, la loi n’imposant pas que le courrier soit signé [1], mais bien que l’expéditeur soit identifié sans le moindre doute, ce qui était évidemment le cas.
Nous renvoyons alors un troisième recommandé avec accusé réception et, enfin, après diverses relances de notre avocat, notre droit de réponse est publié dans l’édition papier du samedi 14 juillet 2012. Mais toujours rien sur Internet.

Les avocats de Libération prétextent alors la possibilité de laisser un commentaire à la suite de l’article, ce qui selon eux ferait office de droit de réponse. Or l’article ne pouvait pas être commenté.
Après diverses promesses de parution, toujours repoussées, nous étions prêt à attaquer Libération en référé lorsque, devant notre détermination, le droit de réponse est enfin mis en ligne le 23 juillet. Soit un mois et demi après l’article incriminé.
On admirera la manière dont Nicolas Demorand respecte la loi sur la liberté de la presse. Même publié, le délai d’un mois et demi est très supérieur à ce que celle-ci impose, ce qui constitue un délit pénal. Un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès, et nous en resterons là, pour cette fois.
On s’étonnera également de son manque de confraternité : La Tribune de l’Art est un organe de presse, au même titre que Libération, doté d’un numéro de commission paritaire. Et, surtout, on s’agacera que le directeur d’une publication largement subventionnée par des fonds publics [2] croit normal, pour refuser ce que la loi lui impose, de faire travailler sans nécessité des avocats et nous oblige, alors que notre assise financière (non subventionnée) est évidemment incomparable à celle de Libération, à engager des frais d’avocats pour simplement faire respecter notre bon droit.
Rappelons que Nicolas Demorand a été mis en cause à deux reprises par ses propres journalistes, la deuxième fois en avril dernier, notamment pour « un traitement éditorial partisan en matière politique, qui semble inféoder le journal au PS ». Faut-il voir dans le fait que nous mettions en cause un élu du PS la raison pour laquelle le directeur de la rédaction de Libération a tout fait pour ne pas le publier ?

Pour conclure, précisons qu’il ne sera pas nécessaire à Nicolas Demorand, s’il souhaite exercer son droit de réponse à notre article, de nous envoyer un recommandé. Un mail suffira, et nous le publierons bien volontiers, et dans les délais. Nous ne voudrions pas coûter un euro supplémentaire à Libération.

Didier Rykner

Notes

[1Ce qui est strictement impossible via un recommandé électronique, puisque ce qui est envoyé est un fichier PDF. Même une signature scannée ne serait que la copie d’une signature.

[2En 2010, Libération a reçu plus de 14 millions d’euros d’aide directe comme le révèle cet article d’@rrêt sur Images, reprenant des informations de Médiapart.

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