L’Emmanuel-Philibert de Marochetti, histoire d’une réduction

« Personne ne connaissait M. Marochetti, lorsqu’il y a trois ou quatre ans, il exposa dans la cour du Louvre sa statue équestre d’Emmanuel-Philibert [1]. Et tous vous allâtes faire une station admirative devant ce bronze colossal ! Et les bourgeois de Paris qui s’ameutent quand un flâneur contemple pendant deux minutes une girouette sur une cheminée, vinrent en foule saluer Emmanuel-Philibert ! Les mouleurs se le disputèrent, nos cheminées, nos étagères, nos pendules furent embellies de ce guerrier à cheval » [2]. Ces propos de Georges Guénot-Lecointe justifient à eux seuls le titre de cet article.
Nous avions déjà évoqué le succès qu’avait remporté la statue équestre, fondue par Soyer et Ingé en 1838 [3], lors de son exposition dans la cour du Louvre : « Les qualités de style, d’animation et de mouvement qui la distinguent, sont assez grandes pour qu’on puisse les louer sans correctif » [4]. Il s’agit aujourd’hui de tenter de reconstituer l’histoire de sa réduction [5], en évoquant les différents fondeurs qui l’ont éditée comme les contrefaçons [6] qui en ont été faites, à l’occasion de la belle exposition du musée des Beaux-Arts de Lyon, L’Invention du Passé qui en présente deux exemplaires [7] de tailles et de fondeurs différents (ill. 1 et 4). Précisons d’emblée qu’il s’agit de fonte au sable, en plein essor à cette époque [8].

Parution de la réduction (1838)

1. Carlo Marochetti (1805-1867)
De Braux, fondeur
Emmanuel-Philibert, duc de Savoie, 1839
Chef-modèle en bronze - 43 x 43 x 17cm
Fonds Marochetti
Photo : Alberto Ricci
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On annonce en avril 1838 : « une réduction de la statue du duc Philibert de Savoie, de M. Marochetti, vient de paraître chez les marchands de nouveautés » [9]. Si la presse n’apporte aucune précision quant au fondeur, elle nous indique cependant que la parution de la réduction coïncide avec l’exposition de la statue équestre dans la cour du Louvre. L’identité du fondeur et des « marchands de nouveautés [10] » nous est révélée par Marochetti lui-même, il s’agit, pour le premier, de Louis-François Jeannest (1781-1856) et, pour les seconds, des maisons Susse et Alphonse Giroux, se trouvant respectivement place de la Bourse ou passage des Panoramas et rue du Coq-Saint-Honoré. Pour ce qui est des revendeurs, la vogue des salons Susse ou Giroux est bien attestée dans la presse de l’époque, le tout Paris y défile et sacrifie à la mode des statuettes. Quant au fondeur Louis-François Jeannest, il s’agit d’un ciseleur renommé [11]. Une statuette fondue par Jeannest, d’une belle patine dorée, a été vendue en décembre 2002 par une maison de ventes polonaise, c’est à notre connaissance le seul exemplaire répertorié [12] de l’Emmanuel-Philibert par ce fondeur.

Les contrefaçons : le procès de 1839

Les circonstances dans lesquelles Marochetti livre ces informations méritent d’être soulignées. Nous sommes en mars 1839, au Tribunal correctionnel de Paris, et Marochetti y expose l’objet d’une plainte en contrefaçon [13]. Il évoque d’abord la statue de Turin [14], précisant qu’il n’a « vendu à personne la statue d’Emmanuel-Philibert » [15]. Il ajoute qu’il n’a « demandé et reçu du gouvernement sarde que le remboursement des avances matérielles » [16].
Puis il aborde la question de sa réduction : « Mais j’ai eu si peu l’intention de céder, soit à ce gouvernement, soit à un particulier quelconque, ma propriété artistique, qu’avant même l’exposition dans la cour du Louvre, j’en avais opéré moi-même la réduction sur un petit modèle, et j’avais pris des arrangements avec M. Jeannest pour sa reproduction en plâtre et en bronze. Plusieurs exemplaires de ma statuette ont été par moi déposés chez MM. Susse et Alphonse Giroux, dès les premiers jours de l’exposition, et ils les livraient aux prix de 200 et de 500fr. » [17]
Il en arrive ensuite au problème de la contrefaçon, accusant MM. Toussaint et Charles Moris, bronziers, d’avoir copié grossièrement la statuette, « dont ils ont fait un bronze-pendule de 70fr. pour le commerce, et que MM. Rigaud, Richond et Giroux débitaient au prix de 85fr [18] ». Dans l’Almanach général des commerçants de Paris [...] de 1839, on retrouve les acteurs de ce procès qui fera date dans l’histoire du Droit de la propriété artistique [19], mais que le sculpteur finira par perdre [20] : Toussaint et Moris, rue Charlot et rue des Quatre fils, Rigaud et Richond (horloger et orfèvres), boulevards Poissonnière et Montmartre. « Ma plainte », conclut Marochetti, « a donc deux intérêts : un intérêt de réputation ; mon idée est avilie par ces reproductions extrêmement imparfaites, et un intérêt industriel, celui de M. Jeannest, auquel j’ai concédé le droit de fondre le petit modèle, que seul j’avoue comme mon œuvre. » [21]


2. D’après Carlo Marochetti (1805-1867)
Trossaert et Roelants et Cie, c.1841
Surmoulage de la réduction de la
Statue équestre d’Emmanuel-Philibert de Savoie
Photo : D.R.
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Du bronze pendule de Toussaint et Moris, il ne reste, semble-t-il, plus de trace. En revanche, une contrefaçon à peine postérieure (on en trouve mention, comme nous allons le voir, en 1841) a été cette année mise en vente en région parisienne. Il s’agit d’un surmoulage réalisé par Trossaert et Roelants et Cie (ill. 2). MM. Trossaert et Roelants, de Gand, participaient, sous le numéro 662, à l’Exposition des produits de l’Industrie belge de 1841. Ils y exposaient la « statuette de Victor-Emmanuel (sic) d’après Marochetti » [22] à propos de laquelle E. Perrot déclare : « le livret s’exprime mal quand il dit, à propos de certains bronzes exposés par MM. Trossaert-Roelants et Cie, de Gand : Statuette de Victor-Emmanuel, d’après Marochetti (…). MM. Trossaert-Roelants n’ont rien exécuté d’après Marochetti, mais ils ont surmoulé la statuette exécutée à Paris d’après Marochetti » [23] et conclut : « la Commission aurait dû refuser l’accès des salles à tout ce qui n’est pas objet d’art original » [24]. Malgré ces objections dont avait connaissance le jury, ce dernier a décerné à « messieurs Trossaert-Roelants et Compagnie […] la médaille d’or » [25] !
L’anecdote est d’autant plus savoureuse que « M. Trossaert, de Gand » avait, à ses débuts, « la prétention de ne pas calquer Paris » [26] !

Les statuettes présentées à l’Exposition des produits de l’Industrie et des arts utiles (1839)

La réduction de l’Emmanuel-Philibert de Marochetti a donc été reproduite, en premier lieu, par Louis-François Jeannest [27]. Pourquoi cette collaboration semble-t-elle avoir cessé après le procès de 1839 ? Jeannest aurait-il réclamé l’exclusivité de la reproduction alors que Marochetti était en droit de ressentir, à la suite de ce procès, la nécessité de la diversifier ? C’est ce que tendrait à prouver la présence, l’année même du procès, lors de l’Exposition des produits de l’Industrie et des arts utiles [28], de trois fondeurs ayant, dès 1839, édité la réduction de la statue équestre :

• Soyer et Ingé, Paris, 28, rue des Trois bornes

3. Gravure 25 de L’Exposition, Journal de l’Industrie
et des Arts utiles
, 4ème livr.
Le Bouteiller, rue de la Bourse n°1 à Paris :
Emmanuel-Philibert, Statuette en bronze par Marochetti,
Soyer et Ingé, fondeurs
Photo : gallica.bnf.fr/BnF
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La fonderie Soyer et Ingé, spécialisée dans les bronzes monumentaux, avait réalisé la statue de Turin. Elle obtient la médaille d’or à l’Exposition, où elle en présente la réduction. Celle-ci se trouve reproduite dans la publication de Le Bouteiller [29] (ill. 3).
Ce dernier en recommande l’achat à ses abonnés, vantant ainsi la statuette : « Nous ne reviendrons pas sur l’analyse de l’Emmanuel-Philibert, dont tous les journaux ont rempli leurs colonnes. Notre tâche est uniquement de donner une mention honorable et toute particulière aux auteurs de sa reproduction, MM. Soyer et Ingé, qui nous ont conservé, dans cette jolie miniature de bronze, toutes les intentions et toutes les perfections de l’original [30] ». Deux ans plus tard cependant, la statuette ne figure plus sur le catalogue de la vente Soyer et Ingé d’octobre 1841 [31].
Est-ce parce que, comme le dit M. Sallandrouze dans son rapport, « ils s’éloignent volontairement de la production des petits bronzes pour se livrer de préférence à la fonte des grands morceaux » [32] ?
Pourtant le Panorama de l’industrie française ne sous-entend rien de tel : « ces messieurs qui ont acquis le privilège de fondre les monuments historiques ont exposé un grand nombre de statuettes, de coupes, de lampes, de teintes diverses ; tous ces échantillons sont d’une pureté irréprochable et reproduisent les plus heureuses créations de nos sculpteurs modernes » [33].

• De Braux d’Anglure, Paris, 8, rue de Castiglione

Dans la catégorie, « bronzes d’art » figure De Braux d’Anglure dont M. Sallandrouze, rapporteur du jury, nous précise qu’il est « éditeur de bronzes d’art » ajoutant aussitôt « le premier il est entré dans cette voie et la suit exclusivement » [34]. Parmi les bronzes exposés, il remarque «  la réduction de l’Emmanuel-Philibert de Marochetti ». Le Panorama de l’industrie française nous apprend pour sa part que « M. de Braux d’Anglure a adopté depuis deux ans le commerce des bronzes d’art » et que « ses magasins ont acquis déjà une grande renommée » [35]. Le jury lui accorde la médaille de bronze. Signalons que La Presse, dans sa revue des magasins du 28 décembre 1838 ne mentionne pas, chez De Braux, l’Emmanuel-Philibert, on peut donc dater de 1839 la parution de la réduction chez ce fondeur.

• Susse Frères, Paris, place de la Bourse

Dans cette même catégorie des fabricants de bronzes d’arts apparaît pour la première fois la maison Susse, « depuis longtemps déjà très honorablement connue » [36] car « outre les articles ordinaires de leur commerce, MM. Susse frères ont exposé des bronzes d’art remarquables » [37]. La même année, leur tout premier catalogue inclut la statuette d’Emmanuel-Philibert, petit modèle (H. 16 cm) qu’ils proposent en plâtre, carton-pierre ou bronze [38]. L’ont-ils présentée à l’Exposition ? C’est d’autant plus probable que, d’une part, l’œuvre était populaire et que, grâce à Le Bouteiller [39], nous savons que Susse y exposait deux statuettes d’Antonin Moine figurant au même catalogue de 1839 : Phœbus et Don Quichotte.
L’exemplaire présenté à Lyon (ill. 4 et 14) mais non reproduit dans le catalogue est de dimension sensiblement identique (H. 16,8 cm sans terrasse) mais correspondrait plutôt, comme le suggère Sophie Picot-Bocquillon dans son excellente notice [40] consacrée à l’œuvre, « à une typologie de modèle proposée dans le catalogue de 1860 » par la maison Susse, ce que corrobore l’existence d’une réduction de grande taille, mutilée (cavalier manquant) mais possédant une terrasse similaire (collection particulière). En effet seul le catalogue de 1860 [41] propose l’œuvre en 55, 40 et 18 cm.


4. Carlo Marochetti (1805-1867)
Susse, fondeur
Emmanuel-Philibert, duc de Savoie, c.1860
Réduction, bronze, 20,6 x 16,3 x 6,3cm
Collection particulière
Photo : Alberto Ricci
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Reste à savoir laquelle de ces statuettes figurait à l’ « Exposition de peinture et de sculpture au profit des victimes du tremblement de terre de la Martinique » se tenant en août 1839 [42] dans la salle des ventes de la rue des Jeûneurs. Jules Janin y consacre un long article, évoquant brièvement « l’Emmanuel-Philibert de M. Marochetti » [43].

Marochetti et la petite statuaire d’édition [44] : Soyer, Susse et De Braux (1840-1845)

Ces mêmes fondeurs éditeront dans les années qui suivent d’autres statuettes [45] de Marochetti. Précisons qu’il ne s’agit plus, cette fois, de réductions, mais d’œuvres conçues par le sculpteur pour ce format.

• Soyer et Ingé

Lors de l’Exposition de 1834, cette maison menait déjà cette double activité de fonte d’objets d’art et de fonte monumentale : « Tous ces ouvrages de décor et de curiosité sortaient de leur fonderie particulière à creusets, et de leurs ateliers ordinaires de ciselure. Ils ont, en outre, un établissement monté sur une vaste échelle, pour la production des pièces monumentales. » [46]
En 1844, la maison paraît en plein essor : « MM. Soyer et Ingé ont construit de nouveaux ateliers, dans lesquels ils reproduisent, au moyen de la galvanoplastie, un grand nombre d’objets d’art » [47]. Sur le catalogue [48] de la vente Soyer et Ingé d’octobre 1841 figure le groupe Arabe et son cheval, « par Marochetti », groupe mieux connu sous l’appellation La Mort d’un ami ou encore Les deux amis.

• De Braux d’Anglure

En l’absence de catalogues, la presse de l’époque nous renseigne précieusement. Léona Neuville raconte : « Je suis allée visiter les ateliers et les magasins de M. de Braux d’Anglure, rue Castiglione. Je ne saurais dire tout ce que j’ai vu là de merveilles. Les quatre modèles de grandeurs différentes [49], de la statue d’Emmanuel-Philibert, m’ont surtout paru d’une grande beauté, comment en serait-il autrement ? Marochetti lui-même a exécuté les petits modèles en plâtre sur lesquels M. de Braux a moulé. J’ai admiré aussi la statue de Latour d’Auvergne, du même maître. M. de Braux seul est propriétaire de ces deux chefs d’œuvre, et toutes les reproductions que l’on voit ailleurs ne sont que d’informes et inexactes imitations » [50].
De Braux avait donc la propriété exclusive de ces réductions, comme le souligne La Presse du 8 novembre 1841 : «  Les bronzes d’art de M. de Braux d’Anglure sont recherchés à cause de leur mérite d’abord, et ensuite parce qu’ayant traité avec les artistes, M. de Braux d’Anglure a la propriété de presque tous les modèles exposés dans ses magasins. »
En 1841, De Braux avait également l’exclusivité du « Bayard et de deux grands candélabres » [51], soit, en tout, quatre œuvres de Marochetti.
Dans son guide de Paris publié en 1842, Francis Hervé exhorte ses lecteurs à découvrir l’établissement de M. De Braux d’Anglure, 8, rue de Castiglione et plus encore sa fonderie et son atelier, 15, rue d’Astorg, précisant que le fondeur prendra plaisir à leur expliquer les différentes étapes de la fonte d’art. Il ajoute que ses bronzes sont fondus d’un seul jet [52].
A l’Exposition des produits de l’industrie française de 1844, De Braux expose « une statue équestre d’Emmanuel-Philibert et une statue de La Tour d’Auvergne, toutes deux d’après Marochetti » [53] et, comme en 1839, le jury décerne à « ce fabricant, ou plutôt cet artiste fondeur » [54] la médaille de bronze.

• Susse frères

Le catalogue de 1844 de la maison Susse mentionne, outre l’Emmanuel-Philibert en deux grandeurs (52 et 42 cm), la statue équestre de Charles Ier [55] et sa réduction [56], les deux soldats portant des hallebardes ou des candélabres, les statuettes de Sainte Amélie [57] et de Saint Louis.
Il est important de noter que cette maison, du vivant de Marochetti, sous-traite toutes ses fontes [58]. C’est la raison pour laquelle elle est renvoyée de l’Exposition de 1844 [59].

Le plâtre du Louvre : une énigme à résoudre

Le musée du Louvre conserve un beau plâtre [60], signé mais non daté, de l’Emmanuel-Philibert (ill. 5) à propos duquel Gérard Hubert émet ce commentaire : « En raison de l’inachèvement de certains détails, notamment sous le ventre du cheval la trace subsistante d’un support, et de l’aspect un peu fruste des surfaces, nous y verrions le moulage d’une maquette de travail plutôt qu’une réduction commerciale. Nous ignorons l’origine de ce plâtre. » [61]

5. Carlo Marochetti (1805-1867)
Brutus Soquetini, mouleur
Maquette de la Statue équestre
d’Emmanuel-Philibert de Savoie
, 1836 ?
Plâtre
Musée du Louvre
Photo : C. Hedengren-Dillon
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Les précieuses indications de Stéphanie Deschamps-Tan, conservatrice en charge des sculptures du XIXe siècle au musée du Louvre, et les remarques de Jennifer Vatelot, restauratrice du patrimoine, permettent d’avancer qu’il s’agit certainement d’une des premières épreuves obtenues par moulage d’une terre. En effet ce plâtre, en raison de son aspect de surface, est très proche de la terre crue initiale. Il est difficile de savoir si le moule a été réalisé directement sur la terre crue ou sur une épreuve intermédiaire en plâtre. On distingue des traces de coutures qui ont été arasées, cette épreuve a donc été obtenue à l’aide d’un moule à pièces mais à tirage unique. En effet, les différents éléments sont assemblés, après moulage, au plâtre direct ou rapportés dans des matériaux différents : on voit que les jambes de l’animal ont été moulées à part, la tête également, ainsi que la queue, de même la jambe gauche d’Emmanuel-Philibert. Nous sommes donc en présence d’une épreuve en plâtre originale qui est bien une maquette de travail. D’autres indices vont dans ce sens, le fait que l’épée et son fourreau soient en bois, ainsi que la présence de crochets en métal pour figurer le mors du cheval.
Notons qu’aucun revêtement de surface n’est visible, qui indiquerait que ce plâtre ait ensuite servi pour la réalisation d’un moule. Cependant, sa couleur, d’un jaune léger, n’exclut pas cette possibilité.

Ce plâtre porte, sur sa terrasse, la signature de l’artiste : « C. Marochetti ». Il est intéressant de constater que cette signature (ill. 6) se rapproche moins de celle de la réduction De Braux (ill. 7) que de celle de la statue en pierre de l’archange St Michel [62] (ill. 8), datant de 1836, l’une et l’autre comportant l’initiale du prénom et la même barre pour les deux « t » [63]. Ce détail n’est pas anodin car il semble que l’on puisse vraisemblablement avancer l’année 1836 pour cette épreuve en plâtre conservée au Louvre. En effet une lettre [64] adressée à l’Académie Royale des beaux-arts de Turin par le Ministre de l’Intérieur piémontais, datée du 23 décembre 1836, atteste que Marochetti avait déjà confié le modèle de sa statue monumentale à Soyer [65]. Un contrat sur papier timbré, entre Soyer et Marochetti, « fait triple et sous seings privés » à Paris le 31 décembre 1836 « pour le triple être remis à Son Excellence le ministre de l’intérieur à Turin » [66], confirme ce point.


6. Carlo Marochetti (1805 - 1867)
Brutus Soquetini, mouleur
Détail de la maquette de la
Statue équestre d’Emmanuel-Philibert
Musée du Louvre
Photo : C. Hedengren-Dillon
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7. Carlo Marochetti (1805 - 1867)
De Braux fondeur
Détail de la réduction de la
Statue équestre d’Emmanuel-Philibert
Fonds Marochetti
Photo : C. Hedengren-Dillon
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8. Carlo Marochetti (1805-1867)
Détail de la statue de Saint Michel terrassant le dragon, 1836
Pierre de Conflans
Chapelle Michel de l’Hospital
Eglise Ste Marie-Madeleine, Champmotteux, Essonne
Photo : C. Hedengren-Dillon
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Par ailleurs, cette épreuve porte, sur la plinthe à dextre, le nom de son mouleur, Soquetini Brutus [67] mouleur fb st Antoine n° 110 à Paris. Cette présence de la signature du mouleur est un fait assez rare pour être souligné et laisserait penser que la maquette aurait été exposée.
Or, il se trouve qu’un petit modèle de la statue colossale a été exposé à Turin en 1838, lors de l’Exposition des produits de l’industrie au château du Valentino [68]. Le comte de Benevello [69], commentant l’exposition, pense qu’on ne doit pas juger le monument de Marochetti « d’après une maquette quelle qu’en soit la qualité » [70]. L’ « extraordinaire valeur » (traduction littérale du même passage) dont notre critique qualifie la réalisation de la maquette semble bien correspondre à l’épreuve conservée au musée du Louvre.
Quant aux circonstances grâce auxquelles ce plâtre y est entré, un tableau [71] d’Auguste Alexandre Abel de Pujol (1816-1884), (ill. 9), signé et daté de 1847 [72], nous ouvre une piste à suivre.


9. Auguste-Alexandre Abel de Pujol (1816-1884)
Portrait d’homme, 1847
Huile sur toile – 142,5 x 109,7 cm
Collection particulière
Photo : C. Hedengren-Dillon
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10. Emilien de Nieuwerkerke (1811-1892)
Buste d’Adrien de Longpérier, vers 1851
Terre cuite moulée, 28,5 x 13,3 x 13,5 cm
Musée d’Orsay
Photo : musée d’Orsay / RMN
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Cette huile sur toile, représentant un homme assis devant une fenêtre donnant sur le pavillon de Marsan, a tout d’un portrait officiel : la tenue du dignitaire, la mise en scène destinée à nous permettre de l’identifier sont autant d’éléments à interpréter. Dans le dos du personnage, on aperçoit le plâtre de l’Emmanuel-Philibert. Sa présence dans cette composition laisserait supposer qu’il a été offert au dignitaire l’année même où le portrait a été réalisé, soit 1847. Le 11 février de cette année, Adrien de Longpérier (1816-1882), numismate, est nommé au Louvre à la suite du décès de Frédéric de Clarac comme « conservateur de la deuxième division des antiques du musée royal qui comprend les monuments égyptiens de toutes les époques, les monuments orientaux et arabes, indiens, etc. » [73]. Il assiste donc et participe à l’ouverture, le 1er mai de cette même année, du « musée assyrien » à la suite des fouilles de Khorsabad de Paul-Emile Botta (1802-1870). Par ailleurs, le consul et le numismate se connaissaient avant que le Louvre ne les réunisse [74].
Que viendrait donc faire ici Marochetti ? L’historien et homme politique piémontais Carlo Botta (1766-1837), père de Paul-Emile, considérait le sculpteur comme son fils et l’amitié entre les deux Carlo était grande. Carlo Botta avait conseillé Marochetti notamment lorsque celui-ci travaillait au bas-relief de la Bataille de Saint-Quentin qui orne le piédestal de la Statue équestre d’Emmanuel-Philibert de Savoie de Turin. En offrant sa maquette à Longpérier, à l’occasion de l’ouverture du musée Assyrien, Marochetti honorait la mémoire de son vieil ami mort dix ans plus tôt et laissait dans le musée une trace du passage, en 1838, de son Emmanuel-Philibert dans la cour du Louvre. Nous n’avons pas trouvé d’autres indices justifiant cette hypothèse ni de portraits de Longpérier contemporains du tableau d’Abel de Pujol. Un petit buste, œuvre du comte Emilien de Nieuwerkerke conservée au musée d’Orsay (vers 1851), représente un homme portant, comme le personnage du tableau, un bouc et une épaisse moustache. La ressemblance la plus concluante demeure celle des arcades sourcilières.

Quelle que soit l’identité du personnage, la présence du plâtre de Marochetti à l’arrière-plan du tableau nous autorise à situer l’entrée de la maquette [75] dans les collections du Louvre en 1847.

Le chef-modèle De Braux du fonds Marochetti : l’adjudication de 1854

La plus grande des deux statuettes du fonds Marochetti exposées à Lyon a pour particularité d’être le chef-modèle [76]. S’il paraît naturel que ce chef-modèle [77] fasse partie du fonds Marochetti [78], il demeure néanmoins important de le justifier.
De Braux meurt, à l’âge de quarante-cinq ans [79], le 4 août 1849 [80]. Les cinq années qui suivront, la veuve du fondeur et l’épouse du sculpteur, Camille Marochetti, cessionnaire des droits de son mari [81] sur les bronzes de l’Emmanuel-Philibert, s’opposeront l’une à l’autre dans d’interminables procédures judiciaires qui aboutiront finalement à l’adjudication, le 13 février 1854, de « deux modèles en bronze de la statue équestre du duc Emmanuel-Philibert de Savoie, avec droit de reproduction [...] au profit de Marie-Antoinette-Jeanne-Louise-Camille de Maussion, épouse de Pierre-Charles-Jean-Baptiste Marochetti, sculpteur, demeurant à Londres » [82]. Cet élément date très précisément l’entrée du chef-modèle dans le fonds Marochetti mais soulève de nouvelles interrogations. Pour quelle raison, en effet, Camille Marochetti était-elle cessionnaire des droits de son mari ?
Carlo Marochetti, « emporté par la tempête révolutionnaire [...] et jeté sur la terre étrangère » [83], vit alors à Londres, avec sa famille, gardant pour port d’attache le château de Vaux, Seine et Oise, à proximité de Paris. Les époux Marochetti sont séparés de biens depuis le 28 octobre 1848 [84]. Pour des raisons non encore élucidées, Marochetti était alors criblé de dettes. La séparation de biens permettait à son épouse non seulement d’échapper aux poursuites des créanciers mais aussi de racheter elle-même en juillet/août 1849 « différents immeubles ayant appartenu à son mari saisis et vendu à la requête de ses créanciers » [85], parmi lesquels le château de Vaux, comme l’atteste un document conservé dans les archives familiales [86].

11. Victor Mottez (1809-1897)
Portrait en pied de Camille Marochetti (détail)
Huile sur toile, après 1838
Collection particulière
Photo : C. Hedengren-Dillon
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A la lumière de ces éléments, on comprend mieux l’affaire De Braux et le rôle de Camille. Lors d’un premier jugement, en date du 18 octobre 1850, celle-ci obtient que les deux modèles de l’Emmanuel-Philibert, « de différentes grandeurs » [87], cédés par Marochetti « en 1840 à M. de Braux d’Anglure [...] avec le droit d’en faire, de compte à demi, des reproductions en bronze » [88] soient licités par voie d’enchère. Le bien étant indivis, la vente ou licitation se faisait au profit des copropriétaires.
A sa mort, De Braux laissait « une succession peu riche » [89], si bien que sa veuve fut également la proie des créanciers et que le propriétaire de la rue de Castiglione fit « saisir-gager les meubles et effets mobiliers garnissant les magasins de sa locataire » [90], parmi lesquels objets figuraient les deux modèles, dont la vente [91] fut annoncée en janvier 1852.
A la requête de Camille, le Tribunal ordonne qu’ils en soient distraits « pour être les modèles vendus avec le droit de reproduction, par devant Defresne, sur la mise à prix de 1.500fr fixée par l’expert nommé par le Tribunal » [92], expert qui n’est autre que M. Susse. Il faudra attendre l’adjudication de 1854 pour que l’Emmanuel-Philibert, « objet de la prédilection de l’auteur » [93], regagne la demeure du sculpteur.
La dimension de ces modèles n’est pas précisée dans les minutes du notaire Jean-Jacques Defresne. « Deux modèles en bronze, grand et petit » nous apprend tout au plus l’annonce de l’adjudication [94], mais il est possible de remédier à cette lacune grâce aux bronzes mis en vente ces dernières années [95]. Les fontes De Braux vendues sont, pour l’Emmanuel-Philibert de Marochetti, de deux grandeurs : 82,5 cm et 41,2 cm, l’une étant exactement la moitié de l’autre. Il semble bien que « les quatre modèles de grandeurs différentes » qu’évoque Léona Neuville (voir supra) soient le fruit de son imagination, à moins qu’elle n’ait confondu les deux statues équestres : l’Emmanuel-Philibert et le Bayard, que De Braux proposait également en deux grandeurs [96].
Qu’est-il advenu du plus grand des modèles ? Maurizio, l’aîné des fils du sculpteur ayant gardé le petit modèle, on peut supposer que son frère Philibert [97] aura hérité du grand, comme peut-être aussi du bronze que le sculpteur avait prêté en 1848 à l’Exposition Polytechnique de Newcastle [98]. Le bronze prêté en 1848 est peut-être celui qui est représenté sur le tableau de Victor Mottez (ill. 11), tableau qu’avait également conservé Philibert.

La réduction de l’Emmanuel-Philibert de Marochetti, reflet d’une époque

« Ce n’est pas avant 1839 que la plus grande partie des fondeurs font du "petit bronze" et que peu à peu les reproductions des œuvres contemporaines remplacent les reproductions d’antiques. » [99]. Par « petit bronze » Bernard Metman entend « non seulement les œuvres créées par l’artiste pour être des statuettes, mais aussi les œuvres grandeur nature ou monumentales commandées par l’État ou par une collectivité, soit pour glorifier un personnage illustre, soit pour décorer un édifice et qui, réduites par l’éditeur, devenaient de la petite sculpture propre à orner des intérieurs » [100].
Si la statue monumentale de Turin confère à Marochetti une place de choix parmi les sculpteurs romantiques, comme le suggère la critique de Delécluze lors de son exposition à Paris : « il règne dans la composition du statuaire une certaine liberté de composition pittoresque » [101], sa réduction correspond, quant à elle, au goût du XIXe siècle pour le « petit bronze ».

En 1839, Le Bouteiller avance à propos de l’Emmanuel-Philibert que « la véritable mission de la statuette est de reproduire les œuvres de sculpture couronnées par l’opinion. » Il ajoute aussitôt : «  La création n’est pas son fait […]. Il est plus sûr et meilleur de comprendre la statuette comme une réduction de la statue, qui nous permet de résumer sur nos tablettes de marbre, de velours ou de palissandre, les places publiques et les musées de toutes les capitales » [102]. Ce commentaire péremptoire d’un contemporain place l’œuvre qui nous occupe au cœur de la vogue romantique de la statuette. L’année suivante Georges Guénot-Lecointe, cité au début de cet article, témoigne du succès de cette réduction.

Marochetti propose dès 1838 sa réduction en plâtre et en bronze, Susse y ajoutera le carton-pierre. Et De Braux, quelques années plus tard, le zinc [103].
La société des mines et fonderies de zinc de la Vieille-Montagne, souhaitant étendre son industrie, voulait « substituer le zinc au bronze, dans la fonderie des objets d’art » [104]. Elle s’était donc adressée à « un fabricant de bronzes intelligent, M. de Braux d’Anglure » [105]. De Braux, qui possédait un brevet de quinze ans pour le moulage et la fonderie du zinc, le cédait à cette société en devenant directeur d’une première fonderie de zincs d’art, établie rue de Ménilmontant à Paris. La mésentente entre cette société et le directeur de sa nouvelle usine aboutit à un procès (29 octobre 1847) mais De Braux, révoqué de ses fonctions, put néanmoins garder l’entière propriété de son brevet [106]. C’est ainsi qu’il créa « un établissement pour la reproduction, en fonte de zinc, des statues, objets d’art, de commerce et d’architecture » [107] et se distingua à l’Exposition de 1849 par « ses moulures en zinc [...] d’une rare perfection » [108]. De nouveau, mais cette fois pour ses « beaux objets d’art en zinc moulés » [109], le jury lui accorda une médaille de bronze, précisant qu’il avait « porté à un remarquable degré de perfection et par cela même créé cette nouvelle industrie, qui occupait, avant les événements de 1848, 50 à 60 ouvriers » [110].
Le biscuit de Limoges n’est pas en reste. Camille Leymarie, dont les écrits font toujours autorité dans ce domaine [111], déclare qu’ « un des premiers et probablement un des plus légitimes succès de Valin fut la reproduction en biscuit de la statue équestre de Philibert-Emmanuel, duc de Savoie, exécutée en 1831 [sic] par Marochetti pour une place de Turin » [112]. Leymarie attribue à cette collaboration avec notre sculpteur un rôle important pour l’industrie limousine mais formule des hypothèses improbables quant aux circonstances qui l’ont vue se former. Pourtant son intuition était bonne : « A l’exposition de Paris de 1839, Michel et Valin obtinrent deux médailles de bronze : l’une, dans la section de la porcelaine ; l’autre, dans celle du bronze ; pour cette dernière industrie, ils avaient un associé parisien du nom d’Abaudy » [113]. Cet Abaudy est en réalité le sculpteur ornemaniste Pierre Ubaudi [114] (1804-1869), né à Turin comme Marochetti, et d’une année seulement son aîné. C’est donc de ce côté qu’il faut chercher le lien entre Marochetti et la fabrique Michel et Valin, les deux sculpteurs, de même âge et tous deux d’origine piémontaise, ayant vraisemblablement pu fraterniser. De leur côté, Michel et Valin ne pouvaient rester insensibles au succès de la statue de Marochetti et de sa réduction en bronze.
Représentatif également de la renommée de l’Emmanuel-Philibert et de son extrême popularité est le fait que Copeland & Garrett ait choisi d’en reproduire la réduction en porcelaine statuaire [115], une imitation du marbre de Paros, plus tard appelée Parian, et ce, peu après la découverte de ce nouveau matériau. Le numéro de janvier 1845 de The Art-Union [116] parle de « la fameuse statue équestre de Philibert » [sic] , de Marochetti, reproduite par Copeland & Garrett dès 1844, comme le souligne Robert Copeland. En 1845 se tient à Manchester la première Exposition Nationale d’Art Industriel Britannique et Copeland & Garrett y expose l’Emmanuel-Philibert, que l’on distingue nettement, dans la partie supérieure droite de l’illustration du numéro de janvier 1846 de The Art-Union (ill. 12) [117].


12. The Art-Union, Janvier 1846, p.33
Présentation de Copeland & Garrett
Exposition de Manchester, 1845-6
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Ce journal présente cette réalisation non seulement comme une belle œuvre d’art mais aussi comme une prouesse technique : « un triomphe sur les difficultés dues à la nature du matériau » [118].
La diversité des médiums employés comme celle des fabricants, ou même de ses contrefacteurs, fait de la réduction de la Statue équestre d’Emmanuel-Philibert de Marochetti le reflet du goût du XIXe pour la « petite sculpture » mais témoigne également de la notoriété que Carlo Marochetti avait acquise avec sa statue de Turin.

Marochetti, homme de son temps

• L’ « entrepreneur »

« Un très remarquable morceau ». Barbey d’Aurevilly qualifiait ainsi, dans son premier Memorandum, en date du 29 mars 1838, la statue d’Emmanuel-Philibert qu’il était allé contempler au gré d’une promenade. La statue, exposée dans la cour du Louvre de fin mars à début juin 1838, ne pouvait passer inaperçue. Carlo Marochetti, conscient de la qualité de son œuvre et certain du succès de celle-ci, allait, en homme d’affaires avisé, orchestrer la diffusion de sa réduction.
Ce sens des affaires lui sera violemment reproché au moment où sa statue du duc d’Orléans est érigée dans la Cour carrée le 26 juillet 1845 [119]. Lorsque la statue équestre de Guillaume le Taciturne par Nieuwerkerke est mise en place sur les Champs-Elysées, le Journal des Artistes, consacrant un article élogieux à la statue de Nieuwerkerke, en profite pour dénigrer Marochetti : « Nous avons lu les journaux depuis le placement de cette statue aux Champs-Elysées, et nulle part la grosse caisse et les fanfares dont M. Marochetti usa si largement et de toutes manières, pour tambouriner lui-même et pour faire retentir son importance et dès lors son pseudo-génie, n’ont étourdi nos oreilles. […] Il n’a pas non plus fait afficher des gravures sur une clôture en planches, en façon de spécimen et de prospectus, là devant sa statue ; il n’a pas enfin fait distribuer des façons d’amulettes à deux sous pièce aux quatre points cardinaux des Champs-Elysées comme l’a fait M. Marochetti pendant un mois aux quatre portes du Louvre » [120].
Cette violente diatribe contre celui que le rédacteur en chef de ce journal, A.-H. Delaunay, appelle ailleurs l’ « entrepreneur italien » [121], semble avoir été écrite à propos de l’Emmanuel-Philibert. Marochetti faisait déjà la promotion de son œuvre : il en avait confié, comme nous l’avons vu, la reproduction en bronze et en plâtre (il en fallait pour toutes les bourses) de la réduction à Louis Jeannest « avant même l’exposition dans la cour du Louvre » (cf. supra). Le 1er avril 1838, il faisait paraître dans le Journal des Beaux-arts une lettre adressée au Rédacteur en chef, destinée à faire cesser « les suppositions auxquelles donne lieu l’exposition d’une statue équestre dans la cour du Louvre », mais aussi et surtout, sans doute, à faire parler de celle-ci. Peut-être le sculpteur était-il en outre à l’origine de la rédaction et de la diffusion d’une notice parue au même moment et se terminant ainsi : « Disons, en dernière analyse que, d’après ce chef d’œuvre, le problème de la sculpture semble résolu, c’est la vie dans le repos, et le mouvement dans l’immobilité même. » [122], jolie formule à laquelle fait écho cette description parue en avril 1838 : « Le groupe tout entier a tous les caractères d’un mouvement rapide brusquement interrompu. Le panache et l’écharpe de Philibert sont vivement rejetés en arrière par le vent, aussi bien que la longue crinière du coursier, sa queue flottante et les houppes animées de son poitrail » [123] et que les réductions exposées à Lyon ne démentent pas (ill. 13 et 14).


13. Carlo Marochetti (1805-1867)
De Braux, fondeur
Emmanuel-Philibert, duc de Savoie
Chef-modèle, bronze, 43 x 43 x 17cm
Collection particulière
Photo : Alberto Ricci
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14. Carlo Marochetti (1805-1867)
Susse, fondeur
Emmanuel-Philibert, duc de Savoie
Réduction, bronze, 20,6 x 16,3 x 6,3cm
Collection particulière
Photo : Alberto Ricci
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Il semble, d’après le premier paragraphe de cette notice consacrée pour l’essentiel à la statue équestre, que celle-ci ait été diffusée le jour-même de la mise en place de la statue dans la cour du Louvre, ce qui va dans le sens de ce que nous supposons. Elle inclut cependant, pour plus de crédibilité sans doute, quelques pages sur le Palais du Louvre et sur le Monument de Juillet à la Bastille qui, en fait, ne s’écartent pas du sujet, le premier servant d’écrin à sa statue, le second étant le fruit du même fondeur, Soyer et Ingé.
Marochetti était déjà « passé maître dans l’auto-promotion » [124], comme le dit Philip Ward-Jackson à propos d’un autre cadre qui permettra au sculpteur de mettre en valeur ses œuvres : le Crystal Palace à Sydenham.

• L’inventeur et l’innovateur

Non content d’assister à l’essor de l’industrie, Marochetti y participe activement : après avoir convoqué le 25 septembre 1839 « l’assemblée générale des actionnaires de la société des carrières de Triel, Vaux et environs » [125], dont il est le gérant, étant également propriétaire de ces carrières, il demande le lendemain « un brevet d’invention de quinze ans pour un appareil propre à cuire le plâtre en poudre » [126]. Ce brevet lui est accordé le 18 décembre de la même année.
Il améliorera ensuite son invention car il renouvellera la même demande, le 25 octobre 1844, pour des « procédés propres à cuire les poudres de plâtre abandonnées dans les carrières » [127], un brevet d’invention de quinze ans lui sera accordé le 28 janvier 1845.
Par ailleurs il a recours au pantographe de l’inventeur Frédéric Sauvage (1786-1857). Pour cette machine, un brevet d’invention de 15 ans avait été délivré à Sauvage le 3 mai 1836 [128], soit un an avant celui qu’obtient Achille Collas (22 mars 1837 [129]). Sauvage obtient la médaille de bronze à l’Exposition des produits de l’Industrie et des arts utiles de 1844 et son nom y est associé à celui de Marochetti. Voici le commentaire du vicomte Héricart de Thury, rapporteur du jury : « M. Frédéric Sauvage, l’un de nos plus habiles mécaniciens, a présenté à l’exposition une belle collection de statuettes en bronze, marbre et plâtre, réduites ou augmentées dans les dimensions qui lui sont demandées par les artistes, les bronziers, les horlogers, etc. M. Sauvage se sert à cet effet d’un pantographe auquel il a fait plusieurs additions qui le mettent à même d’exécuter avec une fidélité rigoureuse les plus grandes statues dans les plus petites réductions. C’est ainsi qu’il a réduit au dixième la grande statue du roi (par Gechter) qui est à la chambre des pairs. [...] Celles de Charles Ier et d’Emmanuel-Philibert, par Marochetti, de moitié » [130].
Les proportions indiquées soulèvent le problème du modèle initial qui n’est de toute évidence pas celui de la statue monumentale de Turin. Pour le Charles Ier, il n’y a aucun doute possible. La statuette n’ayant été éditée que chez Susse qui, en 1844, la produit en deux grandeurs [131] : 60 et 42 cm, nous apprenons ainsi, grâce à Sauvage, que le modèle original était le plus grand mais la mention « de moitié » qualifiant les réductions présentées par Sauvage ne semble en réalité concerner que l’Emmanuel-Philibert.
Chez Susse toujours, le Philibert-Emmanuel [sic], figure, dans le même catalogue (1844), en deux tailles : 52 et 42 cm, ce qui ne peut correspondre à la réduction « de moitié » par Sauvage. En revanche, ces proportions correspondent exactement aux dimensions des fontes De Braux proposées dans les ventes publiques (deux grandeurs : 82,5 cm et 41,2 cm, l’une étant exactement la moitié de l’autre).

15. Carlo Marochetti (1805-1867)
Buste de Xavier de Maistre, 1839
Plâtre, 19,8 x 12 x 9,8 cm
Collection particulière
Photo : C. Hedengren-Dillon
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Une lettre de Xavier de Maistre (1763-1852) à son ami Rodolphe Töpffer, datée du 16 avril 1839 atteste que Marochetti avait déjà fait appel à Sauvage pour réduire le buste de l’écrivain (ill. 15) [132] : « J’ai vu ces jours passés les produits d’une autre découverte qui m’a fort intéressé. C’est un instrument, une sorte de pantographe, au moyen duquel on peut copier une statue dans la proportion voulue avec une exactitude géométrique. […] Le célèbre sculpteur Marochetti, qui a fait la statue d’Emanuel-Philibert pour Turin, a fait mon buste très ressemblant, mais malheureusement colossal. Il m’a promis de le faire réduire en petit au moyen de cette machine » [133].
Xavier de Maistre enverra « deux bustes en plâtre modelés par le célèbre baron Marochetti » [134] à son neveu Éloi de Buttet. Il ajoute, prouvant ainsi que Marochetti a tenu sa promesse : « Le modèle original de grandeur naturelle était, au dire de tout le monde, et même de ma femme, un chef d’œuvre de ressemblance. On l’a réduit à une plus petite dimension au moyen de cette machine nouvelle […] avec laquelle on copie et réduit à la grandeur voulue avec une exactitude mathématique toutes les statues possibles » [135].

Marochetti aura également pu faire appel à Sauvage, l’année même où il réalise le buste de Xavier de Maistre, 1839, pour réduire son Emmanuel-Philibert, et même peut-être l’année précédente, au moment où il confie sa réduction à Jeannest, ce qui nous renvoie au mystérieux plâtre des collections du Louvre, dont la hauteur est de 86cm (hauteur hors tout), soit le double du chef-modèle De Braux (43 cm, hauteur hors tout).
Cette coïncidence nous permet d’avancer que la maquette que possède le Louvre est très probablement le modèle que Marochetti a confié à Sauvage pour en effectuer la réduction.
Nous constatons donc que Marochetti, en s’adressant dès 1839 à Sauvage, faisait preuve d’innovation. La même année Barbedienne s’associait à Collas [136]. Peut-être Marochetti n’est-il pas étranger à l’acquisition du « réducteur » de Sauvage par Susse en 1847.

• Témoin des heurs et malheurs des fondeurs de l’Emmanuel-Philibert

Avec la réduction de son Emmanuel-Philibert, qui fait partie du premier catalogue Susse en 1839, Marochetti assiste à l’essor de cette maison qui édite un nombre croissant de ses œuvres, comme en témoignent les trois premiers catalogues (1839, 1844, 1860). De même, le sculpteur contribue au succès de De Braux lors des Expositions de 1839 et de 1844 et au renom de son établissement.
Louis-Ferdinand Soyer (1785-1854), « le patriarche du bronze » [137] reçoit quant à lui une médaille d’or du roi de Sardaigne [138] pour avoir fondu la statue équestre de Marochetti et la médaille d’or à l’Exposition de 1839. Parmi « les magnifiques travaux par lesquels ils [Soyer et Ingé] se recommandent le plus à l’attention du jury » [139] sont cités « la statue colossale d’Emmanuel-Philibert, un christ de Marochetti, le chapiteau de la colonne de Juillet » [140]. Il est décoré de la légion d’honneur le 28 juillet 1839 [141].

16. Lettre de Louis-Ferdinand
Soyer à Carlo Marochetti
11 juillet 1839
Archives privées
Photo : C. Hedengren-Dillon
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En 1839, la relation entre le fondeur et le sculpteur est très amicale. Les deux hommes se tutoient et se fréquentent, si l’on en juge d’après le mot adressé par Soyer à Marochetti et reproduit ci-après (ill. 16).
La fin de la carrière de Soyer sera hélas assombrie par la triste affaire du détournement des bronzes destinés au tombeau de l’Empereur. « Conduit par cette affaire à la faillite en 1847, [...] Soyer s’enfuit mais il est rapidement retrouvé, jugé et condamné à un an de prison. » [142]. Appelé à témoigner lors de l’audience du 17 septembre 1847, Marochetti déclarait : « J’ai conservé des relations avec M. Soyer jusqu’à l’achèvement de la fonte de la statue du duc d’Orléans. A cette époque, nous ne nous sommes plus entendus sur la fonte des plaques du piédestal. » [143]
Nous apprenons ainsi que la collaboration entre le fondeur et le sculpteur avait pris fin en 1845. Cette mésentente pourrait remonter plus loin, comme le suggère Philip Ward-Jackson [144], puisque le sculpteur avait déjà confié à un autre fondeur, en l’occurrence De Braux, les bas-reliefs de sa statue équestre du duc de Wellington (fondue, quant à elle par Soyer et Ingé) [145]. Lorsque L’Artiste publie à l’automne 1856 ses trois articles consacrés aux « Bronzes modernes et bronziers contemporains », ni Soyer, ni De Braux, morts l’un et l’autre, ne sont donc mentionnés. Quant à la maison Susse, André Busquet la juge «  en pleine décadence » [146]. Mais cela ne concerne plus Marochetti qui a ouvert sa propre fonderie à Londres où il réside désormais.

Caroline Hedengren-Dillon

Notes

[1De fin mars à début juin 1838, soit, en réalité, deux ans seulement après ces lignes.

[2La Sylphide, juillet 1840, Série 1, T. 2.

[3Cavour, chargé par le roi Carlo-Alberto de surveiller l’avancement de la statue note dans son journal en date du 6 février 1838 : « Nous allons ensemble avec Marochetti chez Soyez ».

[4« Salon de 1838 », L’Artiste, série 1, T. 15, 1838, p. 174.

[5Rappelons qu’on entend par « réduction » la reproduction à petite échelle de la statue originale.

[6Il faut signaler depuis quelques années une invasion de faux Emmanuel-Philibert en bronze, vissés sur des socles d’une sorte de marbre noir veiné de blanc. Ils portent sur la terrasse une pastille d’environ 12mm de diamètre arborant, sur le tour, en arc de cercle, l’inscription : « bronze garanti Paris » et, au centre, « J.B déposée ». Marochetti n’est pas le seul à être copié de la sorte.

[7Je remercie chaleureusement Alberto Ricci de m’avoir donné l’autorisation de reproduire ici ses magnifiques photographies.

[8Au sujet de la fonte au sable, voir l’ouvrage d’Élisabeth Lebon, Fonte au sable – Fonte à la cire perdue, Histoire d’une rivalité, Paris, INHA/ Éditions Ophrys, 2012.

[9Journal des Artistes, 22 avril 1838.

[10« C’est à M. Susse que l’on est redevable de la grande propagation de ce genre d’objets de luxe et d’ornement qu’on appelle nouveautés, et qui sont pour ainsi dire les expressions plus ou moins gracieuses de chacun des caprices de la mode. » Édouard Foucaud, Les Artisans illustres, Paris, Béthune et Plon, 1841, p. 611.

[11« On peut citer encore quelques hommes de talent, […], et principalement, sous le rapport du goût, M. Jeannest qui a exécuté des groupes de figures d’un travail précieux ». Ibid., p. 5. « M. Jeannest, ciseleur très habile, est personnellement un de nos meilleurs fabricants », Archives du commerce et de l’industrie agricole et manufacturière, Paris, 1834.

[12L’exemplaire vendu il y a douze ans porte la mention : « Bronze par L. Jeannest ». Pourquoi ce bronze s’est-il retrouvé en Pologne ? Aurait-il été en possession du peintre polonais Piotr Michałowski (1800-1855) ? L’hypothèse ne semble pas invraisemblable puisque le beau-père de l’artiste, Antonin Ostrowski, mentionne le nom de Marochetti dans une lettre de juin 1840 et que les deux artistes auront en commun le même fondeur, Debraux d’Anglure. Voir, dans « Piotr Michałowski peintures et dessins », Paris, Rmn, 2004, Jan K. Ostrowski, « Piotr Michałowski et Paris ».

[13La Réunion des fabricants de bronze, dans son assemblée générale du 22 avril 1839, mentionne le procès sans rien nous apprendre de plus. Archives nationales, 106AS/5.

[14Il s’agit de la statue équestre d’Emmanuel-Philibert de Savoie, inaugurée le 4 novembre 1838, piazza San Carlo, à Turin, ville natale du sculpteur.

[15Gazette des Tribunaux, 22 mars 1839.

[16Ibid.

[17Ibid

[18Ibid.

[19Annie Prassoloff. « Le droit de graver et les progrès du droit d’auteur » dans Romantisme, 1996, n° 93. pp. 21-26.

[20Gazette des Tribunaux, 6 juillet 1839.

[21Gazette des Tribunaux, 22 mars 1839.

[22Catalogue des produits de l’industrie belge admis à l’exposition de 1841, Bruxelles, Hayez, 1841, p.155.

[23E. Perrot, Revue de l’Exposition des produits de l’industrie nationale, Bruxelles, 1841.

[24Ibid.

[25Ibid.

[26J.B.A.M. Jobard, Industrie française, Rapport sur l’Exposition de 1839, T. 2, Bruxelles, 1842, p. 19. Et Jobard d’ajouter : « nous ne pouvons mieux comparer cette noble résolution qu’à celle d’un imprimeur qui ne voudrait éditer que des livres d’auteurs nationaux ».

[27Celui-ci pratique aussi bien « la ciselure d’un bronze surmoulé » que « la ciselure d’un bronze moulé sur le modèle en plâtre », cf. l’instructive lettre de Caillouete à Lucas de Montigny, datée de janvier 1822. Henry Jouin, Lettres inédites d’artistes français du XIXe siècle, Paris, Protat Frères, 1901.

[28Bernard Metman a souligné « l’influence prépondérante des expositions industrielles sur l’édition du bronze d’art ». C. B. Metman, La petite sculpture d’édition au XIXe siècle de 1818 à 1867 », mémoire, École du Louvre, 1944.

[29Le Bouteiller, L’Exposition, Journal de l’Industrie et des arts utiles, Paris, 1839.

[30Ibid.

[31Catalogue des modèles de pendules, candélabres, groupes et objets divers, dépendant de la fabrique de MM. Soyer et Ingé, Paris, Maulde et Renou, 1841.

[32Exposition des produits de l’industrie française en 1839, Rapport du jury central, T. 3, Paris, Bouchard-Huzard, 1839, p. 24, cité par Bernard Metman, « La Petite sculpture au XIXe siècle. Les éditeurs », Documents sur la sculpture française et répertoire des fondeurs du XIXe siècle, Archives de l’art français (Société d’Histoire de l’Art français), 1989, t. XXX.

[33Panorama de l’industrie française, publié par une société d’artistes et d’industriels, sous la direction de M. Al. Lucas, T. 2, p. 6, Paris, Caillet, 1839.

[34Op. cit., p. 26, également cité par B. Metman, cf. note 32.

[35Op.cit., p. 11.

[36Ibid., p. 10.

[37Ibid.

[38Pierre Cadet, Susse Frères, 150 years of sculpture, Paris, Susse Frères, 1992, catalogue également reproduit dans Historique et description des procédés du Daguerréotype et du Diorama.

[39Op.cit., 3ème et 4ème livr.

[40Stephen Bann, Stéphane Paccoud, dir., L’Invention du Passé, Histoires de cœur et d’épée en Europe, 1802-1850, T. 2, Paris, Hazan, 2014, p. 271.

[41Catalogue des modèles en bronze et plastiques anciens et modernes édités par la maison Susse frère, Paris, Maison Susse frères.

[42Journal des Artistes, 4 août 1839.

[43L’Artiste, 1839, série 2, T. 3.

[44Par souci de clarté, nous nous limiterons aux trois fondeurs ayant édité l’Emmanuel-Philibert.

[45Nous réservons l’illustration et la documentation de ces œuvres à un travail ultérieur.

[46Musée industriel, description complète de l’Exposition des produits de l’industrie française faite en 1834 (…), T. 3, Paris, 1838, p. 47.

[47Exposition des produits de l’industrie française en 1844, Rapport du jury central, T. 3, Paris, Fain et Thunot, 1844, p. 32.

[48Op. cit., catégorie « pendules », n° 12.

[49Les documents juridiques ne mentionnent en réalité que deux tailles.

[50Les Coulisses, 9 septembre 1841.

[51Cette information nous est communiquée par la Gazette des tribunaux du 26 août 1852.

[52Francis Hervé, How to enjoy Paris, Paris, Amyot, 1842.

[53Exposition des produits de l’industrie française en 1844, Rapport du jury central, T. 3, Paris, Fain et Thunot, 1844, p.34.

[54Gustave Halphen, Rapport sur l’Exposition publique des produits de l’industrie française de 1844, Paris, 1845.

[55La France théâtrale, 18 août 1844 : « La galerie déjà si riche de Susse vient de s’augmenter de plusieurs petits chefs d’œuvre, parmi lesquels on peut citer la statuette équestre [...] de Charles Ier, par Marochetti ».

[56On remarquera que le jury de l’exposition de cette même année 1844 décerne à Frédéric Sauvage une médaille de bronze pour son pantographe lui ayant permis de réduire, entre autres, les statues de « Charles Ier et d’Emmanuel-Philibert, par Marochetti, de moitié », Exposition des produits de l’industrie française en 1844, Rapport du jury central, T. 3, Paris, Fain et Thunot, 1844, p.232-233. Nous reviendrons sur ce point.

[57Le Journal des Théâtres, 14 mai 1843 : « Les frères Susse viennent de mettre en vente les statuettes [...] de Sainte-Amélie [...] ».

[58Élisabeth Lebon, « Répertoire », in Le fondeur et le sculpteur, Paris, Ophrys (« Les Essais de l’INHA »), 2012.

[59Voir à ce propos : « Les marchands exclus du palais de l’Industrie », L’Exposition, Journal de l’Industrie et des arts utiles, Paris, 1844, p. 7.

[60Je remercie vivement Stéphanie Deschamps-Tan de m’avoir permis de voir cette œuvre et d’en prendre des photographies. Le temps qu’elle a eu la gentillesse de me consacrer comme les échanges que nous avons eus m’ont été d’une grande aide dans cette étude.

[61Gérard Hubert, Les sculpteurs italiens en France sous la Révolution, l’Empire et la Restauration 1790-1830, Paris, De Boccard, 1964.

[62Carlo Marochetti, Saint Michel terrassant le dragon (1836), chapelle Michel de L’Hospital, église Ste Marie-Madeleine, Champmotteux, Essonne.

[63Exception faite de la graphie du « r », différente pour les trois.

[64Lettre citée intégralement, en appendice de son livre, par L. C. Bollea, Il monumento di Emanuele Filiberto del Marochetti e la R. Accademia delle belle arti, Turin, 1933.

[65« il Marochetti nel notificare ora di aver giàconsegnato al fonditore il modello della statua », Ibid., p. 61.

[66Archives privées.

[67On trouve un Brutus, mouleur en plâtre au n° 100 du faubourg St Antoine dans l’Almanach-Bottin du commerce de Paris, Paris, 1854, p. 135, 596 et 998

[68Catalogo dei prodotti dell’industria de’ R. Stati ammessi alla Pubblica esposizione dell’ anno 1838 : nelle sale del R. Castello del Valentino : e degli oggetti di belle arti che ne accrescono l’ornamento. Turin, 1838, p. 74, n° 342.

[69Cesare Antonio Giuseppe Della Chiesa, conte di Benevello, Treccani.it, Dizionario Biografico degli Italiani, Vol. 8, 1966.

[70« Io penso con ragione che non debba giudicarsi il monumento del Marochetti da un modellino tuttochè fatto con istraordinario valore. » Don Eusebio all’Esposizione del Valentino 1838, Turin, p. 41.

[71Je remercie son propriétaire de m’autoriser à le reproduire ici.

[72Est-ce le Portrait d’homme exposé au Salon de 1847 ? Cf. Explication des ouvrages de peinture, sculpture, architecture, gravure et lithographie des artistes vivants, exposés au musée royal le 16 mars 1847, tableau 1.

[73Annie Caubet, « Adrien de Longpérier », notice publiée le 22 juillet 2010 dans Dictionnaire critique des historiens de l’art actifs en France de la Révolution à la Première Guerre mondiale, Philippe Sénéchal, Claire Barbillon, dir., site web de l’INHA, 2009.

[74Longpérier avait déjà publié, à propos des découvertes de Botta, « Ninive et Khorsabad » dans la Revue Archéologique du 15 juillet 1844.

[75Cette œuvre va prochainement bénéficier d’analyses, puis d’une restauration par Hélène Susini dans les ateliers du C2RMF.

[76« Pour effectuer des tirages très importants, on utilise des modèles démontables en bronze, appelés chefs-modèles. Ce sont en fait les premiers exemplaires des œuvres qui ne sont pas montés, mais parfaitement repris en ciselure. D’une grande résistance, ils ont un avantage manifeste par rapport aux modèles en plâtre : ils peuvent permettre la confection d’un nombre de moules très important alors que les opérations répétées de moulage rendraient rapidement les modèles en plâtre inutilisables. » Catherine Chevillot, « Édition et fonte au sable » dans La Sculpture française au XIXe siècle, III, 4, Paris, RMN, 1986 de la réduction De Braux (ill. 1 et 13).

[77Sur la propriété des chefs-modèles, voir C. Chevillot, ibid.

[78Je remercie Antoinette Lenormand-Romain d’avoir attiré mon attention sur ce point.

[79Nouvelles archives de l’art français, 3ème série, tome XIII, Paris, 1897, p. 271.

[80Archives numérisées de Paris, état civil reconstitué.

[81« suivant écrit sous signatures privées fait double en date à Londres du trois août mil huit cent cinquante, dont un des originaux a été enregistré à Paris au premier bureau des actes sous seings privés le six août mil huit cent cinquante », Archives nationales, MC/ET/LXXIII/1427.

[82Archives nationales, MC/ET/LXXIII/1427.

[83Gazette des Tribunaux, 19 octobre 1850.

[84Archives nationales, MC/ET/LXXIII/1417.

[85Ibid.

[86Adjudication [...] du château de Vaux [...]. 12 juillet 1849.

[87Gazette des Tribunaux, 19 octobre 1850.

[88Ibid.

[89Gazette des Tribunaux, 26 août 1852.

[90Gazette des Tribunaux, 8 janvier 1852.

[91Catalogue de bronzes d’art [...] dépendant de la succession de M. Debraux d’Anglure, fabricant de bronzes, dont la vente aux enchères publique aura lieu les 5, 6 et 7 janvier 1852, Paris, Roussel, 1852.

[92Gazette des Tribunaux, 8 janvier 1852.

[93Gazette des Tribunaux, 26 août 1852.

[94Affiches parisiennes et départementales, journal d’annonces judiciaires, légales et avis divers », 22 janvier 1854.

[95Je remercie tout particulièrement Béatrice Tupinier-Barrillon pour son accueil et pour son aide lors de mes recherches à la Documentation du Louvre qui m’ont permis de retrouver ces détails importants.

[96Le Catalogue de bronzes d’art… (voir note 91) proposait les deux modèles du Bayard à la vente de janvier 1852.

[97Philibert Marochetti (1838-1894) est mort sans postérité. Sa veuve ne semble pas avoir conservé de liens avec la famille du sculpteur. Cf. C. Hedengren-Dillon, « La statue disparue du tombeau de Bellini au Père Lachaise : un dessin de Carlo Marochetti retrouvé ? », La Tribune de l’Art, 31 janvier 2014.

[98Newcastle Guardian and Tyne Mercury, 18 mars 1848.

[99Bernard Metman, « Exposé sur la petite sculpture d’édition au XIXe siècle », Op.cit.,annexe.

[100Ibid.

[101Journal des débats, 2 mai 1838.

[102Op. Cit.

[103Le Journal des débats du jeudi 2 février 1854, annonçant la vente aux enchères du 13, mentionne l’épreuve en zinc de l’Emmanuel-Philibert, distrait par conséquent, comme les deux modèles, de la vente de janvier 1852 (voir note 72). Le catalogue (op.cit.) de cette vente précise qu’il s’agit d’un surmoulé du grand modèle. L’annonce de l’adjudication (cf. note 74) également.

[104Le Technologiste, mars 1848.

[105A. Guettier, La Fonderie en France, vol. 1, Paris, édition de 1882, p. XXX.

[106Pour toute cette affaire, consulter également la Gazette des Tribunaux du 30 octobre 1847.

[107Almanach de France, Paris, 1849, p. 48.

[108Journal des travaux de l’académie nationale, agricole, manufacturière et commerciale, Revue générale de l’Exposition de 1849 par M. Aymar-Bression, Paris, 1849.

[109Rapport du jury central sur les produits de l’agriculture et de l’industrie exposés en 1849, T. 2, Paris, 1850, p. 283.

[110Ibid.

[111Les ouvrages les plus anciens comme les plus récents s’y réfèrent : Comte de Chavagnac et Marquis de Grollier, Histoire des manufactures de porcelaine françaises, Paris, 1906. Chantal Meslin-Perrier, Marie Segonds-Perrier, Limoges, deux siècles de porcelaine, Paris, les éditions de l’amateur, RMN, 2002.

[112Camille Leymarie, « Notes sur l’histoire du biscuit à Limoges » dans Réunion des sociétés des beaux-arts des départements, Paris, Plon-Nourrit, 1904.

[113Ibid.

[114« MM. Michel-Valin et Ubaudi, à Paris, rue des Marais-du-Temple, 12 », Rapport du jury central, T. 3, 1839, Op.cit, p. 34

[115« Statuary porcelain ». Sur ce sujet, voir Robert Copeland, Parian, Copeland’s statuary porcelain, Antique Collector’s club, 2007.

[116Cité par Robert Copeland, cf. note précédente.

[117Je remercie tout particulièrement Jacqueline Banerjee, rédactrice en chef adjointe du Victorian Web, de s’être déplacée pour retrouver cette illustration et me permettre de la reproduire.

[118« We direct particular attention to the copy of Marochetti’s statue of Philibert, not only as a fine work of Art, but as a triumph over difficulties arising from the nature of the material. », cf. notes précédentes.

[119Hervé Robert, Les Princes d’Orléans, une famille en politique au XIXe siècle, Paris, Ed. Economica, 2007, p. 330. Référence (note 57) : Pierre François Léonard Fontaine, Journal 1799-1853, Paris, Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts, Institut français d’architecture, Société de l’histoire de l’art français, 1987, T. 2, p. 1085.

[120Journal des Artistes, 7 septembre 1845.

[121Ibid., 11 septembre 1845.

[122Notice historique de la statue équestre élevée dans la cour du Louvre, représentant Emmanuel-Philibert [...].

[123Léonce de Lavergne, « Statue équestre d’Emmanuel Philibert par M. Marochetti », Revue française, T. 6, Avril 1838, p. 174.

[124Philip Ward-Jackson, « La galerie de sculpture moderne du Crystal Palace à Sydenham (1854-1936) » dans La Sculpture du XIXe siècle, une mémoire retrouvée : les fonds de sculpture, Rencontres de l’École du Louvre, Paris, Grand Palais, 21-27 avril 1986, Paris, La documentation française, 1986, p.36.

[125Gazette des Tribunaux, 9 septembre 1839.

[126Bulletin des lois du Royaume de France, IXe série, Paris, Imprimerie royale, Février 1840, p. 922.

[127Catalogue des brevets d’invention pris du 9 octobre 1844 au 31 décembre 1845, Paris, Bouchard-Huzard, 1846, p.284.

[128Catalogue des brevets d’invention pris du 1er janvier 1828 au 31 décembre 1842, Paris, Bouchard-Huzard, p. 452.

[129Ibid.

[130Cf. note 56.

[131Le catalogue suivant en proposera quatre tailles : 1 m, 50, 35 et 18 cm. Cf. Pierre Cadet, Op.cit.

[132Je remercie son propriétaire de m’autoriser à le reproduire ici.

[133Rodolphe Töpffer, Correspondance complète, éditée et annotée avec le concours de Jacques Droin, volume IV, Genève, Droz, 2009.

[134Xavier de Maistre, Lettres à sa famille, tome III, édition établie par Gabriel de Maistre, éditions Paleo, 2006, p.209. Lettre 286 à son neveu Éloi de Buttet, Saint-Pétersbourg, 20 février 1840.

[135Ibid. Op. cit.

[13631 janvier 1839, Ibid., p. 453.

[137A. Blaise, Exposition des produits de l’industrie nationale en 1839, Compte-rendu par le comité d’examen du Mémorial du commerce et de l’industrie, Paris, 1839.

[138Édouard Foucaud, Op.cit., p. 511

[139Exposition des produits de l’industrie française en 1839, Rapport du jury central, T. 3, Paris, Bouchard-Huzard, 1839, p. 24.

[140Ibid., p. 25

[141Exposition des produits de l’industrie française en 1839, Rapport du jury central, T. 1, Paris, Bouchard-Huzard, 1839

[142Élisabeth Lebon, « Répertoire », Op. cit.

[143Gazette des Tribunaux, 18 septembre 1847.

[144Philip Ward-Jackson, « Carlo Marochetti and the Glasgow Wellington memorial », The Burlington Magazine, décembre 1990, p. 859.

[145Equestrian Monument to the Duke of Wellington. Date : 1840-4. Ray McKenzie, Public Sculpture of Glasgow, Liverpool University Press, 2002, p. 336.

[146L’Artiste, 9 novembre 1856.

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