« Forêts urbaines » : Anne Hidalgo s’assoit sur le secteur sauvegardé du Marais et sur le PLU

Il y a une dizaine de jours, Anne Hidalgo dont la propagande marche à plein en cette période déjà préélectorale annonçait dans Le Parisien que quatre « forêts urbaines » allaient être plantées à Paris. Le grotesque du terme « forêt » appliqué à des plantations d’arbres dans une ville semble échapper à beaucoup qui ont accueilli ces promesses avec sérieux.


dd
Voir l´image dans sa page
2. Autre exemple de végétalisation parisienne
Photo : Didier Rykner
Voir l´image dans sa page

Répétons une nouvelle fois que nous ne sommes pas opposés aux espaces verts dans Paris. Bien au contraire. Mais la politique de la municipalité n’est faite que de propagande quand la réalité est tout opposée. Des jardins et des espaces verts entiers ont été détruits (les squares de la République, les Serres d’Auteuil…), d’autres sont menacés ou ont été sauvés in extremis comme le stade de Ménilmontant. Des arbres centenaires sont coupés et remplacés par des arbres hors sol. La végétalisation de la mairie, outre ces « forêts urbaines », consiste surtout à laisser les Parisiens planter au bas des arbres dans des petits jardins essentiellement faits de matériaux de récupération. Souvent peu ou pas entretenue, salie et rarement nettoyée, cette végétalisation contribue à dégrader encore davantage les rues parisiennes. Pendant ce temps, plutôt que de créer des parcs là où l’espace se libère, on construit encore davantage dans une ville déjà parmi les plus denses au monde comme le rappelle excellemment cet article du Monde. On peut y lire que selon les associations : « la ville ne cesse d’artificialiser les sols, de les imperméabiliser et d’y insérer des arbres en pot qui peinent à se développer entre béton et bitume, leurs racines emprisonnées dans des fosses de 12 mètres cubes ». Tous les observateurs peuvent le constater : on est en plein greenwashing. En cela, Hidalgo n’est guère différente d’Emmanuel Macron : les deux proclament leur amour de l’environnement alors qu’ils en sont les pires ennemis.

Alors que la mairie proclame avoir créé déjà 40 hectares d’espace vert, nous avons interrogé son service de presse il y a déjà plus de dix jours pour obtenir la liste des jardins ainsi créés ou nouvellement ouverts au public, leur surface, et la date de création ou d’ouverture. Des informations qui devraient être faciles à obtenir puisque la municipalité ne cesse de communiquer à ce propos. Curieusement, nous n’avons toujours par reçu de réponses...


3. « Forêt urbaine » derrière l’Opéra de Paris telle qu’elle a été annoncée par Anne Hidalgo
Voir l´image dans sa page

Revenons sur ces quatre « forêts urbaines ». Trois plutôt puisque l’une des ces « forêts » se trouvant sur les berges de la Seine classées au titre de l’UNESCO, on apprend qu’elle sera faite de pelouses et pas d’arbres !
Restent trois sites. Celui de la place Henri Frenay, au nord de la gare de Lyon, peut bien être « végétalisé » et transformé en « forêt urbaine », cela ne pourra que l’améliorer tant l’urbanisme et les constructions récentes y sont médiocres. En revanche, l’Opéra et l’Hôtel de Ville sont des monuments historiques insérés dans un tissu urbain qu’il convient de respecter.
Non seulement Anne Hidalgo a fait son annonce sans avoir prévenu le Conseil de Paris et alors que celui-ci était en séance, ce qui démontre un mépris des élus assez ahurissant, mais il y a mieux : la maire de Paris n’a à aucun moment consulté les architectes des bâtiments de France alors que l’on se trouve aux abords de monuments historiques classés.


4. « Forêt urbaine » devant l’hôtel de Ville telle qu’elle a été annoncée par Anne Hidalgo
Voir l´image dans sa page
5. « Forêt urbaine » devant l’hôtel de Ville telle qu’elle a été annoncée par Anne Hidalgo
Voir l´image dans sa page

Nous avons interrogé l’Unité départementale de l’architecture et du patrimoine, le service parisien qui regroupe les ABF. Son patron, Serge Brentrup, nous a fait la réponse suivante : « Les ABF ont découvert l’annonce d’Anne Hidalgo dans le journal Le Parisien du jeudi 13 juin 2019 relative à la débitumisation de Paris. Aucune association de ma part ou de l’un(e) de mes adjointes n’a été faite en amont. » On ne saurait mieux dire le mépris que l’élue parisienne peut avoir pour le respect des procédures de protection du patrimoine, en annonçant comme une décision actée ce qu’elle n’a pas l’autorité de faire.
Et même si l’avis était demandé aux ABF, ceux-ci ne pourraient pas lui accorder l’autorisation. En effet, comme nous l’a dit également M. Brentrup : « Le parvis de l’hôtel de Ville est compris dans le secteur sauvegardé du Marais, il n’est pas légendé comme "espace à végétaliser" dans le PSMV. » et « l’arrière de l’opéra Garnier n’est pas légendé en espace à végétaliser (type EBC, EVP, ...) dans le PLU de Paris ». 

Anne Hidalgo va-t-elle donc demander une révision du plan de sauvegarde du Marais pour installer sa « forêt urbaine » sur la place de l’Hôtel de Ville ? Va-t-elle engager une procédure de révision du P.L.U. (une de plus) pour avoir la possibilité de planter quelques arbres derrière l’Opéra ? En admettant qu’elle ait le temps de mener à bien ces opérations (ce qui n’est pas assuré, les élections se rapprochant rapidement), rien ne dit qu’elle obtiendrait l’autorisation des ABF.
Il est vraiment temps que ce mandat se termine. Paris ne résisterait pas à six années supplémentaires de ce régime.

Vos commentaires

Afin de pouvoir débattre des article et lire les contributions des autres abonnés, vous devez vous abonner à La Tribune de l’Art. Les avantages et les conditions de cet abonnement, qui vous permettra par ailleurs de soutenir La Tribune de l’Art, sont décrits sur la page d’abonnement.

Si vous êtes déjà abonné, connectez-vous.