Carrières de Meudon : dernière conférence de presse avant destruction ?

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1. Entrée (condamnée) des carrières sous la colline de Meudon
Photo : Didier Rykner
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Lundi dernier, devant l’entrée condamnée des carrières de Meudon, les associations donnaient une conférence de presse consacrée à ce scandale, à laquelle participaient par ailleurs plusieurs des signataires du texte paru récemment dans Le Figaro récemment. Stéphane Bern, également signataire, en raison d’un tournage non loin de ce lieu (au Musée Rodin de Meudon), ne pouvait malheureusement être présent malgré son soutien indéfectible à ce combat patrimonial.

Ce fut l’occasion de rappeler les contre-vérités flagrantes d’un communiqué du préfet, reprenant les faux arguments du maire de Meudon.

Voilà donc ce que le préfet a affirmé, et voilà les faits (entre guillemets, ce qu’écrit le préfet) :

« Un risque d’effondrement généralisé de cette carrière impose la réalisation de travaux de sécurisation suite à des études d’expert ».

Comme l’a rappelé lors de la conférence de presse Jean-Pierre Gély, docteur en géologie structurale et grand spécialiste des carrières, notamment de celles de la région parisienne, cette affirmation se base sur une seule étude de modélisation numérique, retenant les paramètres les plus défavorables qui ne correspondent pas à la réalité. Il a démenti avec force ce risque d’effondrement généralisé, aucun signe de faiblesse de la structure ni d’une évolution défavorable de celle-ci n’ayant par ailleurs été constatée. En réalité, les seules zones qui pourrait être à risque léger ne sont pas concernées par le comblement.


2. François de Vergnette, défenseur infatigable du patrimoine de Meudon
et Julien Lacaze, président de Sites & Monuments pendant la conférence de presse
Photo : Didier Rykner
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« Au regard du risque et des enjeux exposés (pavillons, immeubles d’habitation, hangars d’activités), la ville de Meudon a été contrainte d’engager les travaux de mise en sécurité le plus rapidement possible, début juin, après avoir organisé 2 réunions publiques de concertation et de présentation de ces travaux, avec la préfecture des Hauts-de-Seine pour les habitants et les associations. »

Outre qu’aucun « pavillon » n’est présent sur la zone concernée, les associations ont confirmé qu’aucune concertation n’a été menée, avec qui que ce soit, les réunions n’étant qu’informatives.

« Les travaux entrepris consisteront au comblement de zones identifiées à risque d’effondrement généralisé, à hauteur de 45 % de la surface de la carrière. »

Les 45 % de la surface concernée sont les endroits les plus intéressants du point de vue patrimonial. Par ailleurs, leur comblement empêchera en réalité la quasi totalité des visites sur le site, puisque les parties non comblées ne seront plus accessibles au public (en admettant qu’il y ait une volonté d’ouvrir à la visite, ce qui n’est évidemment pas le cas).

« Le comblement partiel, réparti sur les 3 niveaux de carrières, laissera accessible un parcours de galeries pouvant donner accès à tous les centres d’intérêt géologiques (miroir de faille, microfossiles, ...), artistiques (croisées de voûtes en plein cintre, ...), historique ou ethnographique (puits d’aérage, anciennes champignonnières, ....), qui seront conservés ».

Tout cela est bien entendu entièrement faux. Comme le rappellent les opposants au projet : « Le classement a classé «  le réseau formé par les galeries  ». Le comblement va détruire les plus belles et célèbres parties des carrières Arnaudet. Ce n’est pas parce qu’on conserve une voûte, une galerie et une inscription historique que l’on peut affirmer que tous les éléments du classement seront préservés. Les éléments du classement, c’était l’ampleur du réseau de galeries. Ampleur qui sera anéantie puisque comblée intégralement en son centre. »
Prétendre que l’on conserve des galeries que l’on comble, est tout de même une affirmation ahurissante…

À la question de savoir pourquoi les autres solutions, notamment le renforcement par maçonnerie des piliers, n’ont pas été retenues, le préfet affirme : « Les différentes possibilités d’intervention ont fait l’objet d’une étude comparant les avantages et inconvénients en termes de réduction du risque, de faisabilité technique et de pérennité ».


3. Carrières de Meudon
Plafond d’une galerie bientôt comblée
Photo : Magdaleyna Labbé
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Aucune étude n’a en réalité été effectuée ni même commandée. Aucune autre solution n’a même été envisagée par la mairie de Meudon, alors que renforcer par maçonnerie les piliers qui pourraient présenter des fragilités serait une solution simple, efficace (contre un risque de toute façon quasi inexistant) et beaucoup moins coûteux de sécuriser les galeries.

« Les matériaux utilisés pour ce comblement sont strictement encadrés. Il s’agit de terres inertes, issues de zones d’extraction de la région. Seules des terres naturelles excavées et non traitées sont acceptées. Les déblais ainsi utilisés seront non pollués et non polluants […] Ces déblais ne proviendront pas des travaux du Grand Paris Express, car les matériaux issus des tunneliers à pression de terre ou pression de boues sont interdits. »

On est donc priés de croire sur parole quelqu’un dont on vient de montrer que ce qu’il dit n’est pas toujours exact… Et cela est d’autant plus inquiétant qu’on nous dit que ces déchets ne viendront pas du Grand Paris Express (dont le stockage des déchets est un vrai problème) SAUF si ces déchets « répondent à la qualité exigée dans le cahier des charges de l’entreprise missionnée pour ces travaux  » Tout et son contraire dans le même paragraphe, c’est très fort, mais toujours dans le même objectif de détruire des carrières classées…

« Des constructions ne sont pas prévues au-dessus des carrières [mais] un parc est prévu dans la continuité de celui du musée Rodin situé plus en amont sur la colline. Cet espace ne sera pas urbanisé »

Remarquons déjà que rien n’est budgétisé pour créer ce parc… Notons surtout que, comme le soulignent les associations, « la colline Rodin est un tout ». Surtout, ce projet d’urbanisation - qui va détruire une partie de l’espace arboré - arrive comme par hasard en même temps que le comblement - inutile - des carrières. Bien évidemment, les deux choses sont liées.


4. Carrières de Meudon
Galerie bientôt comblée
Photo : Nicolas Dudot
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« Les travaux seront également suivis par l’inspection des sites classés, qui peut faire appel autant que de besoin à des experts de la Commission régionale du patrimoine géologique d’Ile-de-France pour garantir la préservation des éléments scientifiques et artistiques qui ont justifié la protection du site par l’État et qui seront épargnés par les travaux de comblement »

Un courrier de Didier Merle, le président de la Commission régionale du patrimoine géologique d’Île-de-France, a été lu, qui désavoue complètement ce projet. Se prévaloir d’une institution scientifique qui proteste contre ce projet pour rassurer sur la qualité de celui-ci est tout de même une pratique un peu curieuse, pour dire le moins.
Par ailleurs, il est extraordinaire de parler des éléments scientifiques et artistiques qui ont justifié la protection du site par l’État alors que ce sont ces éléments qui vont être en grande partie détruits.

Il faut donc se poser la question de savoir pourquoi un projet aussi néfaste sur le plan scientifique, écologique [1], qu’artistique peut être ainsi défendu avec des arguments aussi évidemment faux.
La réponse, bien sûr, est bien liée à la promotion immobilière que la Ville de Meudon rêve depuis des décennies de permettre à cet endroit. Les travaux doivent commencer en juillet. Le compte à rebours est lancé et il serait temps que les nouveaux ministres se préoccupe enfin de cette question.

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