Les Français aiment leur patrimoine

Toutes les versions de cet article : English , français

Un maire demande à ses administrés s’il faut détruire ou restaurer l’église du village qui est en état de péril. Un autre met aux voix des habitants le déplacement ou non de la statue de Napoléon qui orne une des places historiques de la ville. Un troisième les interroge pour savoir s’il faut restaurer à l’identique une porte d’un monument historique du XVIIIe siècle qui a brûlé ou bien faire un « geste architectural contemporain ».


1. L’église Saint-Nérin de Plounérin
Photo : Spendeau (CC BY-SA 4.0)
Voir l´image dans sa page

Vous aurez reconnu - ou pas - des référendums ayant eu lieu respectivement dans la petite ville de Plounérin en Bretagne, à Rouen (voir l’article), et aujourd’hui à Bordeaux (voir l’article). Dans les trois cas, les habitants ont voté en faveur du patrimoine : contre la démolition de l’église et pour sa restauration [1], contre le déplacement du monument équestre, et aujourd’hui, comme on l’a appris [2], contre le remplacement de la porte de la mairie, qui avait été brûlée, par une porte contemporaine.


2. Vital Gabriel Dubray, dit Vital-Dubray (1813-1892)
Napoléon Ier, 1865 (après restauration)
Bronze
Rouen, place du Général de Gaulle
Photo : Chabe01 (CC BY-SA 4.0)
Voir l´image dans sa page

Il faut à la fois se réjouir de ces résultats et déplorer qu’ils aient donné lieu à un vote. Pour l’église Saint-Nérin de Plounérin, sa qualité architecturale évidente sur les photos aurait dû lui valoir une inscription monument historique qui aurait empêché qu’on puisse même envisager sa destruction. L’État n’a rien fait. Pour le monument rouennais, jamais on n’aurait dû une seule seconde imaginer ce qui s’apparentait à un déboulonnage. L’État n’a rien fait, alors qu’il pouvait tout-à-fait empêcher la chose, l’œuvre se trouvant aux abords de plusieurs monuments classés. Pour la porte de l’Hôtel de Ville de Bordeaux protégé au titre des monuments historiques, l’État là encore aurait dû mettre immédiatement le holà à une idée totalement scandaleuse qui ne respectait ni le classement, ni la charte de Venise, ni le simple bon sens.


3. Porte de l’Hôtel de Ville de Bordeaux (avant l’incendie)
Photo : Chabe01 (CC BY-SA 4.0)
Voir l´image dans sa page

Jamais ces trois projets n’auraient dû faire l’objet d’un vote si l’État n’avait pas failli à sa mission régalienne de protection du patrimoine. On peut certes se réjouir que les maires de ces trois villes aient préféré demander leur avis aux habitants, car s’ils ne l’avaient pas fait nul doute qu’ils auraient fait le mauvais choix. Mais dans un monde normal, jamais aucun élu n’aurait eu des idées aussi néfastes pour le patrimoine et la raison les aurait poussé à prendre la seule décision sensée sans passer par un référendum. Ils auraient rempli leur rôle d’élus responsables et soucieux du bien commun et de leur ville.

On peut quoi qu’il en soit tirer des enseignements de ces votes. Quand on leur demande leur avis, les citoyens refusent, qu’ils soient ou non croyants, de laisser détruire leur église qui reste un élément central de la vie de la cité. Quand on leur demande leur avis, ils refusent de sacrifier une sculpture au wokisme ambiant qui veut juger l’histoire plutôt que d’essayer de la comprendre. Quand on leur demande leur avis, ils refusent de dénaturer un monument historique en laissant un artiste contemporain s’y greffer comme un coucou s’installe dans le nid d’un autre oiseau [3]. Quand on leur demande leur avis, finalement, les citoyens sont plus sages que l’État et plus sages que les maires. Ils aiment leur patrimoine. C’est plutôt une bonne nouvelle.

Vos commentaires

Afin de pouvoir débattre des article et lire les contributions des autres abonnés, vous devez vous abonner à La Tribune de l’Art. Les avantages et les conditions de cet abonnement, qui vous permettra par ailleurs de soutenir La Tribune de l’Art, sont décrits sur la page d’abonnement.

Si vous êtes déjà abonné, connectez-vous.