Philippe de Buyster (1595-1688) - Catalogue raisonné par ordre chronologique (5ème partie)

51. Divers bustes (non identifiés)
Avant 1671
Marbre

Le 22 février 1671, Buyster livrait plusieurs bustes en marbre, qui furent mis au magasin du roi et destinés à peupler les maisons royales ou les jardins ; ils lui furent payés 2426 livres [1]. Dans l’inventaire après décès du sculpteur, on trouvera encore : « neuf bustes de marbre tant hommes que femmes » estimés 450 livres, « six bustes sur pieds destaux de marbre de couleurs », estimés 600 livres, "trois petits bustes sur trois pieds d’ouche" estimés 90 livres [2].

146. Attribué à Philippe de Buyster (1595-1688)
Masque de satyre
au bassin des Bains de Diane dans les jardins de Versailles
Etain et plomb
Photo : Thierry Prat (1975)
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147. Attribué à Philippe de Buyster (1595-1688)
Masque de satyre
au bassin des Bains de Diane dans les jardins de Versailles
Etain et plomb
Photo : Thierry Prat (1975)
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52. Deux termes pour le bosquet des bains de Diane (jardins de Versailles, parterre nord)
1671
Etain et plomb

« Deux termes d’estin et plomb avec leurs pattes et glaçons et autres portraits et bustes » pour Versailles, furent payés 820 livres à Buyster le 15 novembre 1671 [3]. Chaleix a suggéré qu’il pourrait s’agir de deux des quatre termes du bassin des Bains de Diane qui avait été exécuté de 1668 à 1670, car il retrouve dans les têtes de satyres de ces termes placés aux deux extrémités un accent expressif et satyrique propre à Buyster [4] (ill. 146, 147). Sans écarter l’identification de Chaleix, il faut remarquer que les quatre termes de ce bassin, qui consistent en têtes de satyres placées sur deux volutes, ont un corps formé de pierres de refend de taille décroissante, mais pas de pattes ni de glaçons. Y aurait-il eu un changement de parti en cours de réalisation ?

53. Ouvrages au château de Versailles, façade du corps central sur parterre nord 1671-73

a. Cérès Pierre de Saint-Leu H : 220 cm env.

b. Bacchus Pierre de Saint-Leu H : 220 cm

c. Comus (copie ?) Pierre de Saint-Leu H : 220 cm env.

d. Hébé Pierre de Saint-Leu H : 220 cm env.

e. Ganymède Pierre de Saint-Leu H : 220 cm env.

f-g. Enfants versant à boire, ou « faisant la débauche » (atelier de Buyster, ou Hérard) Deux bas-reliefs Pierre de Saint-Leu H : 97 cm ; L : 162 cm

h. Une médaille : Cérès Pierre de Saint-Leu H : 80 cm ; L : 62 cm

Le décor sculpté des trois façades du corps central fut exécuté dans sa majeure partie de 1670 à 1673 [5] . A la façade septentrionale donnant vers la Grotte de Thétys et le Parterre du nord (comme à la façade méridionale), au-dessus des trois « balcons » (ou avant-corps d’architecture au second ordre), douze statues se dressaient à l’étage de l’attique, et deux statues se trouvaient à l’étage inférieur, dans des niches entre les balcons. Cette disposition des statues n’a pas changé, en dépit de tâtonnements et de réajustements en cours de construction ; le principal changement intervint, nous le verrons, en 1680 avec Hardouin-Mansart pour les bas-reliefs d’enfants qui, sous Le Vau, surmontaient les fenêtres rectangulaires du premier étage. Le 17 juillet 1672, « on travaille fortement aux douze figures des deux grands balcons sur lesquels on pose la balustrade pour recevoir les figures » [6] .

Les Comptes des Bâtiments citent deux versements à Buyster, l’un de 300 livres le 4 juin 1671 et le second de 910 livres le 9 novembre suivant pour un parfait payement de 1210 livres, pour « quatre figures, deux bas-reliefs et une médaille pour la face du costé de la grotte » [7] . La somme est faible en regard de ce qu’ont touché les autres sculpteurs pour des ouvrages analogues, chaque figure étant en principe payée 400 livres, et chaque bas-relief 150 livres environ.

Nous avons eu la bonne fortune de pouvoir examiner de près ces sculptures à partir d’échafaudages dressés en été 2006 à l’occasion de leur nettoyage et de leur restauration, ce qui nous a permis d’en découvrir maints détails et des caractéristiques qui nous avaient jusqu’alors échappé.

Les statues

148. Hérard et Philippe de Buyster (1595-1688)
Statues de Momus et de Comus
Pierre de St-Leu - H. 243 cm
Château de Versailles
Façade nord du corps central
Photo : Thierry Prat (1970)
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150. Philippe de
Buyster (1595-1688)
Comus
Pierre de St-Leu - H. 243 cm
Château de Versailles Façade nord
du corps central
Photo : Thierry Prat (1970)
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Le sujet de chaque statue de la face nord est en relation avec deux thèmes principaux, l’eau qui préside à l’axe nord (avec l’appartement des Bains, la Grotte et les réservoirs, et les thèmes aquatiques des fontaines du parterre), et les festins. A ce propos, Félibien explicite : « Du côté de la Grotte, l’on a eu aussi égard aux choses que cette face regarde, qui sont la Grotte, les eaux des fontaines, qui sont en vue de cette face, et la salle des festins, qui est de ce côté-là ». En suivant la direction ouest-est se dressent sur cette façade : sur le balcon de droite, quatre figures de fleuves et des naïades. Sur le balcon central placé devant la (provisoire) Salle des Festins (devenue Salon de Mars), les quatre statues représentent « Comus le dieu des festins » et en pendant « Momus qui préside à la bonne chère » (ill. 148), puis "Bacchus qui fournit le vin" et en pendant, « Cérès qui fournit le pain » (ill. 149), et dans les deux niches au-dessous, les échansons des dieux : Hébé (ill. 153) versant de l’eau aux dieux et Ganymède (ill. 154) avec l’aigle de Jupiter leur versant du nectar. Quatre des cinq statues de Buyster représentent des personnages en léger état d’ébriété auquel échappe la seule Cérès. Enfin sur le premier balcon proche de la Grotte, quatre statues relatives à l’eau représentent Galathée, Thétys, Echo, Narcisse (en fait une Naïade) [8] .

Comus (ill. 150), le dieu des festins et des réjouissances selon Félibien, lié au culte de Bacchus, est représenté ici de façon bien mélancolique. L’origine du thème se trouve dans les « Imagines » de Philostrate : la fête est finie pour le jeune dieu ivre qui, à-demi assoupi, incline son visage sur sa poitrine ; des roses couronnent son chef et sont éparpillées sous ses pieds. S’appuyant pensivement sur un bâton qui l’empêche de tomber (sinon sa présence ici ne s’explique pas. La forme courbe de la partie supérieure en houlette est peut-être une invention du copiste), il tient de la main droite comme l’indique Philostrate une torche renversée et croise les jambes afin de ne pas se brûler, faisant reposer tout le poids de son corps sur la jambe droite. Une légère draperie couvre ses reins et son dos. Philippe de Buyster - Bacchus - Château de Versailles

151. Philippe de
Buyster (1595-1688)
Bacchus
Pierre de St-Leu -
H. 243 cm
Château de Versailles Façade
nord du corps central
Photo : Thierry Prat (1970)
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Bacchus (ill.151), au visage souriant mais aux chairs relâchées, le regard vague tourné vers le sol, est entièrement nu ; son front est ceint d’un bandeau en diadème maintenant de lourdes grappes de vigne qui couvrent ses cheveux, coiffés en chignon et retombant en mèches ondulées sur ses épaules ; son corps pose sur la jambe droite. Derrière lui, un cep de vigne sur lequel est placée une dépouille de félin qu’il soutient dans le creux de son bras gauche. De sa main gauche il élève une coupe légèrement de travers, et de la droite abaissée il nourrit de raisins un jeune tigre, assis à son côté.Cérès (ill.152) est une jeune femme au visage ferme et également souriant, regardant vers le ciel. Ses cheveux sont couronnés d’épis de blés, elle est vêtue d’une tunique serrée sous la poitrine et qui dégage ses bras nus ; reposant sur la jambe gauche, elle replie légèrement la droite ; dans sa main gauche elle tient une gerbe de blé, et élève de la droite une couronne de fleurs.

La nymphe Hébé (ill. 153), fille de Jupiter et de Junon, est occupée à verser aux dieux le nectar d’immortalité d’un pichet dans une coupe qu’elle tient de travers, légèrement ivre, les yeux mi-clos, le visage troué de fossettes. Une robe la couvre entièrement à l’exception des épaules et du sein gauche. Son avant-bras gauche, la coupe et le liquide qui s’y déverse, fruits d’une mauvaise restauration, étaient encore présent en 1971, et ont disparu ensuite à partir du poignet. Ils ont été restaurés de façon plus satisfaisante en été 2006.

Ganymède (ill. 154) se présente comme un jeune homme nu à l’exception d’une légère draperie posée sur l’épaule droite et revenant sur la cuisse de la jambe droite ; échanson des dieux, il est occupé à verser le nectar depuis une aiguière qu’il élève de la main droite dans une coupe qu’il tient un peu de travers de la main gauche. Derrière lui, à ses pieds se tient un aigle dont Jupiter avait pris la forme pour enlever le jeune homme dont il était amoureux.

152. Philippe de
Buyster (1595-1688)
Cérès
Pierre de St-Leu -
H. 243 cm
Château de Versailles Façade nord
du corps central
Photo : Thierry Prat (1970)
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153. Philippe de
Buyster (1595-1688)
Hébé
Pierre de St-Leu -
H. 243 cm
Château de Versailles Façade nord
du corps central
Photo : Thierry Prat (1970)
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154. Philippe de
Buyster (1595-1688)
Ganymède
Pierre de St-Leu -
H. 243 m
Château de Versailles
Façade nord
du corps
central
Photo Thierry Prat (1970)
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Guillet de Saint-Georges attribue à Buyster les deux seules figures de Cérès et de Bacchus [9] , tandis que Piganiol donne à Buyster et Hérard confondus les quatre figures de Cérès, Bacchus, Momus et Comus, mais ne cite pas les auteurs des deux statues des niches, Ganymède et Hébé. Aucune description ancienne ne fournit de renseignement sur l’auteur de ces deux statues. Chaleix ne retient pour Buyster que les statues de Cérès et Bacchus.
Bacchus et Cérès paraissent en effet bien de la main de Buyster, un Buyster nourri des Segmenta de Perrier dont la Flore Farnèse (Segmenta p. 62) lui inspire l’attitude de Cérès, et dont les Bacchus (p. 46, 47, 49) offrent des modèles pour la poitrine haut placée, le dessin des muscles du bas du ventre, la forme nerveuse des jambes, les rotules des genoux, les mollets, la coiffure du dieu avec de lourds pampres de vigne et les longues mèches de cheveux descendant sur les épaules, la présence du tigre que le dieu nourrit de raisins tout en élevant d’une main incertaine sa coupe. Le Bacchus de Buyster reprend en l’inversant l’attitude de celui de Michel-Ange. Son visage, au sourire béat d’un homme ivre, est ici traité avec esprit (ill. 155, 156). Celui de Cérès, qui a davantage souffert de l’érosion, n’en est pas moins très vivant avec son regard bien droit et l’esquisse du sourire (ill. 157). Le fort creusement des pupilles en forme d’U crée une animation particulière. Philippe de Buyster - Bacchus - la tête, photographiée au cours d’un nettoyage - Château de Versailles

155. Philippe de
Buyster (1595-1688)
Bacchus Détail : la tête, photographiée
au cours d’un
nettoyage
Château de Versailles Façade nord
du
corps central.
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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156. Philippe de
Buyster (1595-1688)
Bacchus Détail : la tête, photographiée au
cours d’un
nettoyage Château de Versailles
Façade
nord du corps central
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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Si Momus, copie du XIXè siècle d’un original peut-être médiocre est sans doute une œuvre réalisée d’après Hérard, assez bon médailliste mais sculpteur de faible talent (dont l’œuvre documenté existant se résume en son morceau de réception, Saint Jacques le Majeur, et le buste de Séguier), en revanche c’est bien au ciseau de Buyster, pensons-nous, que revient Comus, qui lui fait si mal pendant. Comus reprend non seulement le canon et la grâce des Anges du Val-de-Grâce (n.37b), mais aussi l’attitude particulière avec les jambes croisées de deux de ces Anges, qui est également celle de son Satyre au bosquet du Rondeau (n. 42), et qu’il répétera dans son Poème Satyrique (n. 56). Selon Brière, il s’agit sans doute d’une copie, une excellente copie alors, dont la faiblesse se manifeste seulement dans le traitement peu élégant des pieds et des mains, et il faut noter que les pupilles sont vides (ill. 158, 159). Plutôt que d’une copie intégrale, peut-être n’y eut-il que certains morceaux de remplacés.

157. Philippe de
Buyster (1595-1688)
Cérès,
Détail : la tête, photographiée au cours d’un
nettoyage Château de Versailles
Façade nord du corps central
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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158. Philippe de Buyster (1595-1688).
Momus
Détail : partie haute du corps,
photographiée
au cours d’un
nettoyage
Château de Versailles
Façade nord
du corps central
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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Enfin nous sommes convaincus qu’il faut attribuer à Buyster les deux statues dans les niches de part et d’autre du même balcon : Hébé et son pendant Ganymède. Les têtes d’Hébé et de Ganymède ont dû être refixées, ce que montre une nette trace à la base du cou des deux statues, mais elles sont d’origine. Chaleix, s’en tenant aux dires de Guillet de Saint-Georges, n’a pas retenu ces statues à l’actif de Buyster. Leur modelé plein de sensibilité, en particulier celui d’Hébé (ill. 160, 161), leur confère un grand charme.

159. Philippe de Buyster (1595-1688)
Momus
Détail : les pieds, photographiés au
cours d’un nettoyage Château de Versailles Façade nord
du corps central
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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160. Philippe de Buyster (1595-1688)
Hébé
Détail : la tête, photographiée
au cours d’un
nettoyage
Château de Versailles
Façade nord
du corps central
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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Hébé répète, en l’inversant, la posture de la Joueuse de tambour du bosquet du Rondeau (n. 39). Les deux figures d’Hébé et de Ganymède ont les yeux mi-clos, le regard comme embué par les vapeurs de l’alcool. L’aigle de Ganymède, pourvu d’énormes pattes griffues, a ceci de particulier que son plumage, traité en bandes verticales, ressemble à une épaisse fourrure (ill. 162, 163, 164) (contrairement par exemple aux aigles sculptés par Gilles Guérin au château de Maisons). On ne peut mettre en doute que Buyster soit l’auteur de ce Ganymède : il est proche morphologiquement du Bacchus ; sa tête bouclée (ill. 165, 166) présente une très forte ressemblance typologique avec les Enfants qui entourent le tambour du Val-de-Grâce (n. 37 a1).

161. Philippe de Buyster (1595-1688)
Hébé
Détail : partie haute du corps, photographiée
au cours d’un nettoyage Château de Versailles Façade nord
du corps central
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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162. Philippe de Buyster (1595-1688)
Ganymède Détail : l’aigle
et les jambes de Ganymède photographiés au cours
d’un nettoyage
Château de Versailles Façade nord
du corps central
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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Buyster exposa, en 1673 à l’Académie en tant que Conseiller « une figure de marbre représentant Ganimède » [10] ; la coïncidence est trop forte pour qu’on puisse voir en ce marbre autre chose qu’une réduction de la statue en pierre de Versailles. Dans l’inventaire dressé après le décès du sculpteur (Doc. 1) figuraient deux statues en marbre d’1,50 m de haut, estimées ensemble 1200 livres ; nous supposons qu’il s’agissait du Ganymède, celui exposé en 1673, et d’une Hébé en pendant ; il destinait probablement ces deux marbres à la vente. Un peu plus loin sont inventoriés « deux modelles de marbre homme et femme prisé douze livres » ; étant donnée la modicité de la somme, il faut comprendre qu’il s’agit de deux modèles pour des marbres, qui sont peut-être ceux des statues de Ganymède et Hébé.

163. Philippe de Buyster (1595-1688)
Ganymède, détail : l’aigle
et les jambes de Ganymède
photographiés au cours d’un nettoyage
Château de Versailles
Façade nord
du corps central
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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164. Philippe de Buyster (1595-1688)
Ganymède, détail : l’aigle
et les jambes de Ganymède, photographiés
au cours d’un nettoyage
Château de Versailles Façade nord
du corps central
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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Bien que le Ganymède et l’Hébé de Versailles aient parfois été attribué à Hérard ou Buyster confondus sans les départager, ils sont d’une qualité bien supérieure au talent d’Hérard. Les deux statues pour lesquelles Hérard fut payé en 1671 nous semblent correspondre à celles de Momus, nous l’avons dit, et la Nymphe Echo [11] . Il reste vrai que de son côté, Buyster fut payé pour l’exécution de 4 statues seulement, et non de 5 pour cette façade ; mais il n’était pas rare de voir les artistes sous-traiter entre eux, ou s’associer, en particulier dans le cas de chantiers importants comme celui-ci, sans qu’aucun document comptable n’ait officialisé de telles transactions. Philippe de Buyster - Ganymède, détail : la tête et le buste, vus de profil, photographiés au cours d’un nettoyage - Façade nord du corps central

165. Philippe de Buyster (1595-1688)
Ganymède, détail : la tête
et le buste, vus de profil, photographiés
au cours d’un nettoyage
Château de Versailles Façade nord
du corps central
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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166. Philippe de Buyster (1595-1688)
Ganymède, détail : la tête
vue de face et l’aiguière, photographiés
au cours d’un nettoyage
Château de Versailles
Façade nord
du corps central
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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Les bas-reliefs

Les quinze bas-reliefs placés au-dessus des fenêtres rectangulaires du premier étage montraient des enfants occupés à des actions diverses, soit qu’ils "se jouent dans les eaux", qu’ils "fassent la débauche" et "se divertissent" , ou forment "des triomphes marins" [12] . Seuls, les deux qui surmontent les grandes niches centrales avec les statues d’Hébé et de Ganymède, subsistent, les enfants « faisant la débauche », les treize autres ayant été supprimés en 1680 lorsque Hardouin-Mansart haussa et cintra toutes les fenêtres.

167. Atelier de Philippe de Buyster,
ou Hérard
Enfants faisant
la débauche

Bas-relief de droite Pierre de Saint-Leu - 97 x 162 cm
Château de Versailles Façade
nord du corps central
Photo : Thierry Prat (1970)
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168. Atelier de Philippe de Buyster,
ou Hérard
Enfants faisant la débauche
Bas-relief de gauche Pierre de Saint-Leu - 97 x 162 cm
Château de Versailles façade nord
du corps central
Photo : Thierry Prat (1970)
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Ces deux bas-reliefs (plus étroits que les treize autres qui mesuraient 1,80 m de large, et ceux-ci 1,62 m) montrent chacun trois enfants occupés à verser du vin ou à le boire. Sur le bas-relief de droite (ill. 167) (au-dessus de la statue d’Hébé), deux enfants agenouillés inclinent une aiguière vers un troisième qui en saisit le col pour boire plus aisément. Sur le bas-relief de gauche (ill. 168) (au-dessus de la statue de Ganymède), un enfant agenouillé soulève une amphore que l’aide à soutenir un second enfant, debout, pour en verser le contenu dans une coupe à laquelle boit goulument le troisième, assis à droite. Les deux bas-reliefs portent la trace d’une fente en parfait arc de cercle analogue à ceux des fenêtres cintrées. En les examinant de près à partir d’échafaudages, l’architecte en chef Frédéric Didier a fait remarquer qu’ils ont subi une modification structurelle, ayant été rehaussés en même temps que les niches qu’ils surmontent, et probablement remaniés, ce qui pourrait ex pliquer quelques défauts.

Si l’on admet que Buyster et Hérard sont responsables en gros des sculptures des travées centrales de cette façade, et sachant que tous deux reçurent en 1671 des payements pour des bas-reliefs d’enfants (deux pour Buyster, un chiffre non précisé pour Hérard mais, étant donné le montant, deux également sans doute), c’est à eux que revient l’exécution de ceux-ci, mais il est difficile de les départager. La composition ne manque pas de qualité. Trois des six visages (l’enfant de droite du premier bas-relief (ill. 169), les deux enfants de gauche du second (ill. 170)) ne sont pas étrangers à certains visages d’enfants de Buyster, mais il y a d’évidentes maladresses dans le traitement des corps, en particulier dans l’absence de cou, et une pointe de vulgarité dans le visage des deux enfants occupés à boire, qui rend l’attribution à Buyster douteuse. Mais d’autre part, on ne sait rien de la façon dont Hérard sculptait les enfants. Si ces reliefs sont de Buyster, l’atelier a dû intervenir en bonne part. A

169. Atelier de Philippe de Buyster,
ou Hérard
Enfants faisant la débauche
Bas-relief de droite, détail, photographié au cours
d’un nettoyage
Château de Versailles
Façade nord
du corps central
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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170. Atelier de Philippe de Buyster,
ou Hérard
Enfants faisant la débauche
Bas-relief de gauche, détail photographié
au cours d’un nettoyage
Château de Versailles
Façade nord
du corps central
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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Médaille représentant Cérès

171. Philippe de Buyster (1595-1688)
Cérès
Médaillon en pierre de Saint-Leu - 80 x 52 cm
Photographié au
cours d’un nettoyage
Château de Versailles
Façade nord
du corps central
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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A la même façade se voient six médailles, deux par balcon entre les colonnes, ornées chacune d’un personnage de profil représentant, de droite à gauche : une Nymphe de fontaine, un Dieu de rivière, un jeune Bacchus, une Cérès, un jeune homme figurant Acys, une jeune femme coiffée de roseaux [13] . Les Comptes des Bâtiments ne fournissent aucun élément quant au nombre de médailles revenant aux sculpteurs de cette façade, sauf en ce qui concerne Buyster qui est payé pour « une médaille ». Nous ne suivrons pas Chaleix [14] qui propose de lui attribuer soit la médaille représentant la jeune femme coiffée de roseaux, soit le Dieu de rivière, cette dernière attribution ayant sa préférence ; aucune de ces propositions ne nous satisfait et nous reconnaissons parfaitement le style de Laurent Magnier dans la médaille du Dieu de rivière (modelé des chairs un peu gonflées, souple traitement des longues boucles de cheveux, pupilles creusées en spirale). En revanche, la quatrième médaille en partant de la droite qui représente Cérès (ill. 171), en remarquable état de conservation, est sculptée du même ciseau incisif que la statue de Cérès (beaucoup plus érodée) de Buyster ; elle offre de plus la même expression de bonheur et d’attente avec une bouche souriante aux lèvres entrouvertes, le même creusement en U des pupilles, le même délicat modelé du nez,la même alacrité que l’on retrouvera bientôt dans le Poème satyrique.

54. Neptune, à l’aile sud des Offices du château de Versailles (disparu)
1672
Pierre de Saint-Leu
H : 264 cm env.

172. Israël Silvestre (1621-1691)
Le château royal de Versailles vue
de l’avant-cour

Gravure, 1674
Détail : l’aile sud des Offices
Photo : Thierry Prat
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173. Neptune
Philippe de Buyster (1595- 1688)
détail agrandi de
la gravure d’Israël Silvestre montrant
l’aile Sud des Offices
Photo : Thierry Prat
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Payé 400 livres en deux versements les 12 juillet et 15 septembre 1672 [15]. C’était l’une des six statues se dressant sur la balustrade bordant le toit en terrasse de cette aile. Symétriquement, six autres statues se dressaient de même sur l’aile nord. Ces deux ailes avaient été construites par Le Vau en 1662, de part et d’autre de la Cour de marbre. Les statues symbolisaient les Quatre Eléments avec, sur l’aile sud : Cérès (Tuby), Flore (Massou), Pomone (Mazeline) pour la Terre ; Galathée (Le Hongre), Neptune (Buyster), Thétys (Le Hongre) pour l’Eau ; sur l’aile nord, le Cyclope Brontes (Hérard), Vulcain (Magnier), le Cyclope Stérops (Drouilly) pour le Feu ; Iris (Houzeau), Junon (Desjardins), Zéphyr (Roger) pour l’Air. On les voit dans la gravure d’Israël Silvestre de 1674 : Le chasteau royal de Versailles veu de l’avant-cour (ill. 172). Selon la description de Guillet, Neptune tient un trident (visible sur la gravure) et est accompagné d’un cheval marin (invisible) [16] (ill. 173). En 1672-73, un grand toit brisé remplaça les terrasses, mais les statues furent maintenues. Piganiol les indique dans sa description de 1701. Cependant, elles disparurent quand Gabriel détruisit l’aile nord des Offices en 1772 et Dufour l’aile sud en 1814.

55. Trois masques à la façade nord du corps central du château de Versailles 1674

a. Jeune homme couronné de fleurs et de laurier (copie)

b. Faune

c. Bacchus (copie)

Pierre de Saint-Leu (55b) et de Saint-Maximin (55a, c)
H : 52 ; L : 45 ; Pr : 20 cm env.

174. Attribué à Laurent Magnier (1615-1700)
Masque d’un Dieu de rivière
Pierre de Saint-Leu - H. 52 cm
Château de Versailles
Façade nord
du corps central
Photo : Benoît de La Moureyre (2004)
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175. d’après Philippe
de Buyster (1595-1688)
Masque de Jeune Homme,
Copie ( ?)
Pierre de Saint-Maximin - H. 52 cm.
Château de Versailles
Façade nord
du corps central
Photo : Benoît de La Moureyre (2004)
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Treize masques relatifs aux thèmes de l’eau et des festins timbrèrent, en 1674, les baies cintrées du rez-de-chaussée. Buyster reçut un payement de 105 livres pour trois masques [17], Magnier pour sa part en sculpta quatre, et Desjardins quatre également. En 1679-80, cette façade fut remaniée et pourvue vers la gauche de quatre nouvelles baies, et donc de quatre nouveaux masques. Dans les années 1904-1910, six d’entre eux ont reçu de lourdes réparations et, en 2006, quelques nez ont été retaillés [18].

On peut logiquement supposer que Buyster sculpta trois des quatre masques timbrant les baies sous le balcon central, qui représentent : un Dieu de rivière (ill. 174), un Jeune homme aux cheveux bouclés ornés de fleurs et de laurier (ill. 175), un Faune (ill. 176), et un Bacchus (ill. 177) [19]. Nous ne suivrons pas entièrement Chaleix qui reconnaît le « caractère animé et burlesque » propre à Buyster dans les trois premiers de ces quatre masques : le dieu de la rivière a « la plantation drue et rebelle des cheveux au-dessus du front » que l’on retrouve dans le Poème satyrique ; le jeune homme que Chaleix décrit comme un Apollon « a le faire gras des figures de Wideville » [20] , enfin le Pan avec ses « yeux à l’antique », ses longues oreilles, sa bouche entrouverte aux coins relevés, a « l’expression parlante » du Poème satyrique.

176. Philippe de Buyster (1595-1688)
Masque de Faune
Pierre de Saint-Leu - H. 52 cm
Château de Versailles
Façade nord du corps central
Photo : Benoît de La Moureyre (2004)
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177. d’après Philippe de Buyster (1595-1688)
Masque de Bacchus, Copie ( ?)
Pierre de Saint-Maximin, H. : 52 cm
Château de Versailles
façade nord
du corps central
Photo : Benoît de La Moureyre (2004)
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Seul, le Faune nous paraît d’origine (à l’exception du nez qui vient d’être refait, mais notre photo le montre avant cette restauration), et bien que les pupilles soient vides, nous pensons pouvoir l’attribuer à Buyster en raison de la vivacité du modelé. Le Bacchus démarque la tête de la statue qui le surmonte, mais nous pensons avoir à faire ici à une bonne copie, ce qui nous semble aussi le cas du Jeune homme couronné de fleurs et de laurier. Le Dieu de rivière, en dépit de ses qualités, nous paraît redevable à Laurent Magnier ou à son atelier.

56. Le Poème Satyrique
1674-80

a. Statue en marbre
H : 2235 m (plus 4,5 de terrasse) ; L. et Pr. de la terrasse : 80 cm.

(Versailles, parterre nord)

178. Philippe de Buyster (1595-1688)
Le Poème Satyrique
Marbre -
H. 223 cm
(sans la terrasse)
Jardins de
Versailles
Photo : Thierry Prat (1970)
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Il s’agit (ill. 178) de l’une des vingt-quatre statues de marbre constituant un ensemble dénommé par Francastel la « Grande Commande » de Le Brun, destiné à décorer le Parterre d’eau à Versailles. Mais à la suite d’un changement de disposition qui suivit la mort de Colbert, les statues prévues pour le Parterre d’eau prirent place ailleurs, principalement autour du Parterre du nord. Celle de Buyster fut placée sur la rampe nord, côté est du Parterre nord où elle se trouve toujours [21].

Pour ce programme, le Premier Peintre avait fourni le dessin de chaque statue. Celles-ci illustraient les quatre formes de Poésie, les quatre Eléments, les quatre Parties du jour, les quatre Saisons, les quatre Continents, les quatre Complexions de l’homme. Buyster était de loin le plus âgé des artistes engagés dans l’entreprise, après lui venant Gilles Guérin né en 1611, Magnier en 1615, Hutinot et Lespagnandelle en 1616, et le plus jeune sans doute Jouvenet né vers 1650.

Buyster reçut 3200 livres en plusieurs acomptes versés entre le 23 décembre 1674 et le 15 septembre 1680, de 300 l., 300 l., 300 l., 900 l., 300 l., 900 l., 200 l [22], mais les parfaits payements ne se firent qu’en 1692, bien après la mort du sculpteur qui ne reçut donc jamais le sien ; selon l’estimation du 15 août 1692 qui établissait ces parfaits payements, le Poème satyrique fut évalué au prix élevé de 5000 livres, les trois autres « Poèmes » ne l’ayant été qu’à 4000 l. et 4500 l [23], ce montant pouvant s’expliquer par la qualité de l’ouvrage et le travail soigné des accessoires : les branches de lierre sur les cheveux et sur le thyrse, la dépouille de tigre. En effet, le Poème satyrique apparaît comme l’une des figures les mieux travaillées et les plus originales de la « Grande Commande ».

179. Charles Le Brun
(1619-1690)
Projet pour
Les quatre Poèmes

Pierre noire lavis
gris H. 31,1 cm
détail : le Poème Satyrique
Musée de Versailles
Photo : TDR
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Le Brun dans son croquis [24] (ill. 179), comme Buyster, ne se sont que partiellement conformés aux règles de l’Iconologie de Ripa qui dépeint ce Poème « sans habillement, avec le visage d’un rieur, un thyrse en la main gauche, et un écriteau en la droite, où se lisent ces paroles, Iridens cuspide figo. Comme s’il vouloit dire à peu près, je raille et picque tout ensemb »" [25]. Buyster a remarquablement su rendre le caractère railleur, mais n’a pas retenu tous les attributs.

Le Poème satyrique offre le visage moqueur d’un jeune faune barbu et couronné de lierre, qui semble scruter les bosquets pour y découvrir quelque nymphe cachée, mais ses jambes sont humaines comme chez beaucoup de faunes antiques, et non celles d’un caprin. Posé sur la jambe droite et la gauche croisée, les reins ceints d’une dépouille de tigre, il tient son thyrse enserré de lierre et s’appuie avec nonchalance mais de tout son poids sur un tronc d’arbre où s’enroule une draperie. L’expression du visage est pleine de vivacité, le corps est nerveux, la musculature du dos particulièrement puissante dénotant une étude attentive des antiques. Buyster se montre respectueux des indications que lui a fournies Le Brun dans son croquis. A l’exception de quelques différences dans le traitement de la draperie et une simplification des éléments végétaux, on observe le même déportement du corps qui pèse sur le tronc d’arbre, la même attitude avec une jambe croisée sur l’autre (qui ne se rencontre dans la Grande Commande que pour l’Hiver de Girardon) ; on peut même se demander jusqu’à quel point il n’y a pas eu accord préalable ou connivence entre le vieux sculpteur et le Premier peintre, ce dernier bien conscient de la prédilection montrée par Buyster tant pour le thème du faune que pour l’attitude des jambes croisées qu’il a si souvent utilisée (Anges au-dessus de la chapelle du Saint-Sacrement au Val de Grâce (n. 37b), Satyre accompagné d’un enfant satyre au bosquet du Rondeau (n. 40), statue de Comus (n. 53c) à la face nord du corps central de Versailles).

180. Philippe de Buyster (1595-1688)
Le Poème Satyrique, marbre
Détail : la tête photographiée au
cours d’une restauration
Jardins de Versailles
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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181. Philippe de Buyster (1595-1688)
Le Poème Satyrique, marbre,
Détail : la tête de profil gauche, photographiée
au cours d’une restauration
Jardins de Versailles
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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Le visage (ill. 180, 181), maigre, extrêmement vivant, avec les lèvres s’ouvrant sur une rangée de dents, est non seulement expressif, mais animé par la précision et la vigueur avec laquelle le ciseau a fouillé les mèches bouclées de la barbe et des cheveux, dressées et bien séparées les unes des autres. Le Faune a les oreilles longues et pointues propres à sa race, mais aucune corne caprine n’apparaît dans les cheveux.

182. Philippe de Buyster (1595-1688)
Le Poème Satyrique, marbre
Détail : tête et torse vus de dos,
photographiés au
cours d’une restauration
Jardins de Versailles
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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183. Philippe de Buyster (1595-1688)
Le Poème Satyrique
Marbre, détail : les pieds, photographiés
au cours d’une restauration
Jardins de Versailles
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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Avec le même soin, Buyster détache les feuilles et les fruits de la couronne de lierre (est-ce vraiment du lierre, cette tige dont les feuilles ne sont pas découpées en trois pointes ?), et donne vie au ruban qui la retient sur sa nuque (ill. 182). Il confère une belle ampleur à la draperie qui s’enroule sur le tronc d’arbre. Ce dernier est traité avec naturalisme et un rendu très sensible de l’écorce.

184. Philippe de Buyster (1595-1688)
Le Poème Satyrique
Marbre, détail : dépouille de la tête du tigre
photographiée
au cours d’une restauration
Jardins de Versailles
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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Les pieds (ill. 183), les jambes, les mains sont magnifiques de nervosité. De la tête de tigre qui repose sur sa cuisse (ill. 184), il a sans doute trouvé l’idée dans les Segmenta de Perrier encore ( le Faune Giustiniani, le Bacchus, le jeune Faune flûteur de la collection Borghèse, p. 45, 47, 48).

185. Philippe de Buyster
(1595-1688)
Le Poème Satyrique
Marbre, détail : tête
et torse vus de
dos, photographiés
au cours d’une
restauration
Jardins de Versailles
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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186. Philippe de Buyster (1595-1688)
Le Poème Satyrique
Marbre, détail : les
reins vus de dos, photographiés au
cours d’une
restauration
Jardins de Versailles
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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La vue de dos (ill. 185, 186) est encore plus complexe que la vue frontale : sous la vigoureuse musculature du dos nu, la longue queue du félin qu’il écrase sous son coude, sa propre longue queue de faune qui se dresse en contrepoint tel un serpent (en général, les queues de faune sont beaucoup plus courtes, comme des queues de lapin) , et l’ingénieuse façon de nouer sur ses reins la dépouille du tigre avec la fourrure et les pattes pendantes, créent une belle animation.
Rappelons que Buyster a déjà 80 ans quand il entreprend cette œuvre.

b. Statue en plâtre (disparue)
1675

Le 27 mars 1678, Buyster, comme Drouilly, Le Gros, Mazeline, Regnaudin, Jouvenet, Massou et Raon, recevait 150 livres pour une figure posée au bassin de la Renommée, et le 9 juillet 1681 les mêmes, moins Raon et Regnaudin, touchaient ensemble 120 livres « pour leur payement du rétablissement des figures de la Renommée en 1679 » [26]. Hedin a démontré que ces payements concernent des statues en plâtre, grands modèles de certaines statues de la Grande Commande ; Le Brun, qui s’occupait alors à créer le décor du bosquet de la Renommée, les avait fait placer sur des piédestaux autour du bassin central afin de juger de l’effet produit. Le second payement de 1681 concernait une réparation qu’il avait fallu faire à ces grands plâtres en 1679 [27] . La présence de ces statues est confirmée par la description de Combes en 1680 d’une part, d’autre part par le dessin et la gravure d’Israël Silvestre où l’on reconnaît certaines de ces statues. Mais en 1684, un nouveau parti fut pris pour décorer ce bosquet où l’on installa les groupes en marbre provenant de la Grotte de Thétys et un peu plus tard, de nouvelles statues en marbre. N’ayant plus d’utilité, les grands plâtres disparurent.

57. Adonis (disparu)
1675
Statue plomb

Cet Adonis, fondu en plomb par un nommé Noël Salomon d’après un modèle de Buyster, décorait le jardin de l’hôtel parisien de Jean Perrault quai Malaquais, en compagnie d’autres statues également en plomb : deux Gladiateurs d’après l’antique (du type Gladiateur Borghèse), une Vénus de Médicis, un jeune Bacchus, un Spinario et une Didon se poignardant [28]. Jean Perrault, ancien intendant du prince Henri II de Condé, puis président à la chambre des comptes, était un amateur d’art éclairé ; c’était lui qui avait fait sculpter par Sarazin la chapelle Condé à l’église de la Maison professe et le Monument du cœur du prince.

A la requête de Buyster et de Salomon, la statue en plomb d’Adonis fit l’objet de plusieurs expertises (doc. 29) : Pierre Le Gros et Houzeau furent d’abord consultés : le 7 juillet, Le Gros, expert du fondeur Salomon, la prisa pour la somme de 170 livres, or Salomon en demandait une somme égale au prix établi pour le Gladiateur, soit 180 livres. Houzeau le 20 juillet déclara que le fondeur avait fourni un tiers de travail en moins sur cet Adonis dont Buyster lui avait d’ailleurs donné le modèle, que sur le Gladiateur. Du Mazy fit son rapport le 10 septembre et estima comme Le Gros la figure à 170 livres « eu égard à sa qualité, façon et pose », mais Buyster récusa l’estimation de Du Mazy. Enfin le 17 octobre Libéral Bruand, expert nommé d’office, estima que le travail de Salomon sur cette statue dont Buyster avait fourni modèle, plomb et étain, ne valait pas plus de 135 livres, « considération faite par le dit Salomon tant pour la foudre que réparer, ajuster et poser en place » [29] .

Les statues semblent être restées dans le jardin au cours du XVIIIe siècle alors que l’hôtel passait entre les mains successivement de Renée de Keroualle, duchesse de Portsmouth (maîtresse de Charles II d’Angleterre), de Michel Chamillart, puis de la famille Gluc qui le transforma. Mais elles disparurent ensuite.

58. Trophées à la façade sud du corps central du château de Versailles
1680
Bas-reliefs Pierre
H : 180 ; L : 180 cm

Le 28 juillet 1680, Buyster reçut 1000 livres « sur ses trophées au-dessus des croisées vers la grotte » [30]. Seize trophées en bas-relief furent sculptés pour les dessus de fenêtres cintrés de cette façade [31], sur lesquels d’autres sculpteurs reçurent aussi des payements : 600 livres à Desjardins pour 4 trophées, 200 livres à Roger pour 1 trophée, 300 livres à Magnier pour 2 trophées. Chaque trophée fut donc payé entre 150 et 200 livres, et Buyster en sculpta pour sa part au moins 5, peut-être 7. Onze de ces trophées, relatifs à la guerre, comportent un casque et des armes ; six relatifs à la paix sont ornés d’une courone et de pièces d’orfèvrerie. Les trophées aujourd’hui en place sont les œuvres originales, mais en 1794, seules les couronnes royales furent supprimées, et rétablies en 1905.

Grâce au nettoyage de ces œuvres en été 2006 qui les rend beaucoup plus lisibles et permet d’en apprécier les diverses façons de traiter ce type de bas-relief, il nous a été loisible d’en examiner un certain nombre à partir des échafaudages, et nous pensons pouvoir détecter la main de Buyster dans cinq

187. Philippe de Buyster (1595-1688)
1er trophée à partir de l’ouest : Casque et trophées
d’armes Bas-relief en pierre - 180 x 180 cm
Château de Versailles
Façade nord
du corps central
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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188. Philippe de Buyster (1595-1688).
1er trophée à partir de l’ouest, Casque
et trophées d’armes. Détail : l’écoinçon de droite,
photographié au cours d’un nettoyage
Château de Versailles
façade nord du corps central
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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1er trophée à partir de l’ouest [32] (ill. 187) : A la clef, un casque empanaché ailé, orné d’une palmette, posé sur une beau de bête d’où partent des rameaux et des guirlandes de laurier. Dans l’écoiçon de droite : un trophée composé d’un écu orné d’une tête hurlante à oreilles de chauve-souris, sur lequel est posé une grosse patte de la dépouille d’un lion , et derrière les extrémités d’un arc, de lances, d’un glaive à pommeau en tête de lion (ill. 188). Dans l’écoinçon de gauche : un trophée composé d’un écu ciselé d’un foudre sur lequel est posé une grosse patte de lion, et dont l’échancrure se termine en tête d’animal ill. 189) ; derrière se profilent un autre écu, un glaive à tête d’aigle et de lances.

189. Philippe de Buyster (1595-1688)
1er trophée à partir de l’ouest :
Casque et trophées d’armes
Détail : l’écoinçon de gauche,
photographié
au cours d’un nettoyage
Château de Versailles
Façade nord
du corps central
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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190. Philippe de Buyster (1595-1688)
2è trophée à partir de l’ouest : Couronne
et trophées de l’abondance
Bas-relief en
pierre - 180 x 180 cm
Château de Versailles
Façade nord du corps central
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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Les éléments composant ce trophée sont de vraies signatures de Buyster. Les énormes pattes de lion rappellent celles de l’aigle accompagnant Ganymède, la peau de bête pendant à la clef rappelle celle du Poème satyrique, les motifs des deux écus, tête hurlante et foudre, avaient été traités par Buyster dans ses deux trophées surmontant les portes du château de Maisons (n. 17 a 1). Enfin les éléments végétaux, lierres, lauriers, bien détachés du fond, sont sculptés avec la vigueur que l’on observait dans le Poème satyrique.

2è trophée [33] (ill. 190) : A la clef, une couronne flanquée de deux ailes et posée sur une draperie à franges et houpe. Dans l’écoinçon de droite, un trophée composé d’un vase à godrons orné de trois masques de lion, d’un rinceau, d’une palmette et d’une chaîne, au-devant d’un carquois avec des flèches (ill. 191). Dans l’écoinçon de gauche, un trophée composé d’un vase à anses avec godrons, déversant des perles des des pièces de monnaie.

191. Philippe de Buyster (1595-1688)
2è trophée à partir de l’ouest : Couronne et trophées
de l’abondance
Détail : l’écoinçon de droite, photographié au cours
d’un nettoyage
Château de Versailles
Façade nord du corps central
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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Un des vases a été en partie refait à neuf en 1905 par Bocquet. La virtuosité dans le traitement de l’écoinçon de droite et la façon vivante de sculpter les ailes et les lauriers inciteraient à attribuer ce trophée à Buyster.

192. Philippe de Buyster (1595-1688)
3è trophée à partir de l’ouest : Casque
et trophées d’armes
Bas-relief en pierre - 180 x 180 cm
Château de Versailles
Façade nord
du corps central
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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193. Philippe de Buyster (1595-1688)
3è trophée à partir
de l’ouest : Casque ettrophées d’armes
Détail : la clef, photographiée au
cours d’un nettoyage
Château de Versailles
Façade nord
du corps central
Photo Françoise de La Moureyre (2006)
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3è trophée [34] (ill. 192) : A la clef, un casque empanaché à mufle de lion posé sur une cuirasse à écailles ornée d’un chevron, d’où partent des rubans (ill. 193). Dans l’écoinçon de droite, un trophée composé d’un écu laissant apparaître les extrémités d’un faisceau de licteur, de lances, d’un sabre à pommeau en tête d’aigle et d’une hache, retenus par un ruban. Dans l’écoinçon de gauche, un trophée orné d’un écu à tête humaine, laissant apparaître les extrémités d’un carquois, d’un arc et de flèches, d’un sabre et d’un buccin retenus par un ruban (ill. 194).

Les motifs eux-mêmes (casque empanaché à mufle de lion rappelant ceux des dessus de porte de Maisons) et surtout le souffle, la fluidité avec lesquels ils sont traités (panache du casque, buccin, rameau de laurier), la tête grotesque humaine et feuillue, sont autant de signatures de Buyster.

194. Philippe de Buyster (1595-1688).
3è trophée à partir de l’ouest : Casque
et trophées d’armes,
Détail : l’écoinçon de gauche, photographié au cours
d’un nettoyage
Château de Versailles
Façade nord
du corps central
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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4è trophée [35] (ill. 195) : A la clef, une couronne royale posée sur une dépouille de lion. Dans l’écoinçon de droite, un trophée composé d’une aiguière ornée d’une tête de satyre et d’un écu (ill. 196) laissant apparaître les extrémités d’une ancre et de verges, l’ensemble lié à une draperie suspendue à une patère et accompagnée d’un trident. Dans l’écoinçon de gauche, un trophée composé d’une aiguière, d’une ancre, d’un arc et d’un écu liés d’une draperie suspendue à une patère.

La seule tête de satyre sur l’aiguière suffirait à attribuer ce trophée à Buyster, mais aussi la dépouille de lion sous la couronne, l’ingénieux agencement des pièces et la souplesse dans le traitement des motifs végétaux.

195. Philippe de Buyster (1595-1688)
4è trophée à partir de l’ouest : Couronne et trophées
de pièces d’orfèvrerie
bas-relief en
pierre - 180 x 180 cm
Château de Versailles
Façade nord
du corps central
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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196. Philippe de Buyster (1595-1688)
4è trophée à partir de l’ouest : Couronne
et trophées
de pièces d’orfèvrerie
, détail de l’écoinçon de
droite, photographié
au cours d’un
nettoyage
Château de Versailles
Façade nord
du corps central.
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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7è trophée [36] (ill. 197) : A la clef, une couronne royale fleurdelysée, flanquée de rameaux de laurier et posée sur une draperie, un long pampre de vigne part de la couronne et retombe de part et d’autre des écoinçons. Dans l’écoinçon de droite, un trophée composé d’un vase débordant de pièces de monnaie laissant apparaître un carquois, une enseigne turque sommée du croissant, des flèches, un buccin. Dans l’écoinçon de gauche, un trophée composé d’une aiguière dont l’anse est en forme de chimère et la panse s’orne d’une tête de satyre ; elle est devant un bassin et laisse apparaître les extrémités d’un sabre dont le pommeau est en forme de tête d’aigle (ill. 198)

197. Philippe de Buyster (1595-1688) et atelier
7è trophée à partir de l’ouest : Couronne
et trophées de pièces d’orfèvrerie
Bas-relief en
pierre - 180 x 180 cm
Château de Versailles
Façade nord
du corps central
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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198. Philippe de Buyster (1595-1688)
et atelier
7è trophée à partir de l’ouest : Couronne
et trophées de pièces d’orfèvrerie

Détail : clef et
écoinçon de gauche, photographiés au
cours d’un nettoyage
Château de Versailles
Façade nord
du corps central
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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Les motifs sont ingénieusement inventés, mais il y a un peu de raideur et de dureté dans le traitement des pampres de vigne et du ruban, qui laisse penser que Buyster aurait pu être assisté d’un apprenti dans l’exécution de certaines parties de ce trophée.

8è trophéec [37] (ill. 199) : A la clef, casque empanaché orné d’un masque de satyre, posé sur une cuirasse à écailles ornée d’un chevron, d’où part un ruban et une guirlande de laurier. Dans l’écoinçon de droite, un trophée avec un bouclier laissant apparaître un carquois, un sabre à pommeau en tête d’aigle, une hache et des flèches. Dans l’écoinçon de gauche, un trophée avec un bouclier laissant apparaître les extrémités d’un carquois, d’un sabre à pommeau en tête d’aigle, d’un buccin, d’un arc de de flèches retenus par un ruban suspendu à une patère.

199. Philippe de Buyster (1595-1688)
8è trophée à partir de l’ouest : Casque et trophées
d’armes

Bas-relief en
pierre - 180 x 180 cm
Château de Versailles
Façade nord
du corps central
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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200. Philippe de Buyster (1595-1688).
8è trophée à partir de l’ouest : Casque
et trophées
d’armes
Détail : Clef et
écoinçon de gauche, photographiés
au cours d’un nettoyage
Château de Versailles
façade nord
du corps central
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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La tête de satyre caractéristique sur le casque, la souplesse dans l’exécution des motifs, des rubans, du buccin (ill. 200), incitent à attribuer ce trophée à Buyster.

201. Philippe de Buyster (1595-1688)
9è trophée à partir de l’ouest : Casque
et trophées
d’armes
Bas-relief en
pierre - 180 x 180 cm
Château de Versailles
Façade nord du
corps central
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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202. Philippe de Buyster (1595-1688)
9è trophée à partir de l’ouest : Casque et trophées d’armes
Détail : clef et
écoinçon de droite, photographiés au cours d’un nettoyage
Château de Versailles
Façade nord
du corps central
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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9è trophée [38] (ill. 201) : A la clef, un casque empanaché à tête humaine, posé sur une cuirasse à écailles ornée d’un chevron, d’où partent des guirlandes de laurier. Dans l’écoinçon de droite, un trophée composé d’un écu orné d’une tête de méduse, laissant apparaître les extrémités d’un faisceau de lances, d’un glaive à tête de chien posé sur un revers de bouclier, d’un arc, le tout retenu par un ruban (ill. 202). Dans l’écoinçon de gauche, un trophée composé d’un écu sommé de deux têtes de bélier laissant apparaître les extrémités d’un bouclier, d’une massue, d’un glaive, de flèches d’un buccin, le tout liés d’un ruban suspendu en nœud à une patère (ill. 203).

203. Philippe de Buyster (1595-1688).
9è trophée à partir de l’ouest : Casque
et trophées d’armes
Détail : clef et écoinçon de gauche, photographiés au
cours d’un nettoyage
Château de Versailles
façade nord
du corps central
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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La présence de la méduse sur le bouclier, le riche agencement des motifs dans l’écoinçon de gauche, la souplesse du motif en forme de flamme derrière le casque, le répertoire décoratif qui rappelle celui des trophées de Maisons, tout ceci incite à voir en Buyster l’auteur de ce beau trophée.

La grande diversité de ces trophées, restitués dans leur splendeur d’origine grâce à leur nettoyage, permet d’admirer le talent de Buyster dans ce répertoire décoratif qu’il traite, malgré ses 85 ans ( !) avec une ingéniosité, une souplesse, une ardeur étonnantes.

59. Décor du maître-autel et tabernacle de Notre-Dame de Lorette, Paris (disparu)
Vers 1681
a. Saint Roch
Ronde-bosse
b. Saint Sébastien
Ronde-bosse

c. Deux Anges
Ronde-bosse

d. Tabernacle
Marbre

e. Présentation de la Vierge au Temple ( ?)
Bas-relief en terre cuite

f. Présentation de Jésus au Temple ( ?)
Bas-relief en terre cuite

Buyster avait pris sa retraite aux Porcherons, quartier desservi par la chapelle Notre-Dame de Lorette, succursale de l’église paroissiale de Montmartre. C’est là que se maria sa fille Françoise en novembre 1674. L’église avait été construite en 1645-46. Buyster offrit le décor du maître autel et le tabernacle qui sont décrits, mais de façons un peu différentes les unes des autres, par Guillet, Caylus et Mariette. Selon Guillet [39], Buyster fit exécuter sous sa direction deux figures de saints, les protecteurs de la peste, Saint Roch et Saint Sébastien, placés sur l’autel, dans un petit corps d’architecture entre le tabernacle et des colonnes de marbre jaspé d’ordre ionique. Au-dessus de l’entablement de ce corps d’architecture, il sculpta lui-même deux anges. Il fit aussi le tabernacle en marbre, malgré l’avis défavorable des ecclésiastiques qui craignaient que la fraîcheur du marbre jointe à l’humidité des lieux ne nuisissent à la conservation des hosties. Caylus [40] jugeait qu’il avait « assez mal décoré l’autel » et que « les petits reliefs en terre cuite représentant différentes actions de la Vierge encastrés dans la menuiserie du maître-autel … ne méritent presque pas qu’on en fasse mention ». Mariette [41] signale le tabernacle et, comme Caylus, ne parle pas des deux saints, mais décrit deux bas-reliefs de terre cuite représentant la Présentation de la Vierge au Temple et la Présentation de Jésus au Temple, œuvres « passables pour un vieillard » dont il avait fait présent à cette église qu’il affectionnait. Au milieu du XVIIIe siècle, les deux saints ne devaient donc plus être en place. Mais les reliefs en terre cuite étaient-ils l’œuvre de Buyster ? De cette église qui fut démolie en 1796, on ne connaît aucune autre description. Elle fut remplacée par l’église actuelle entre 1823 et 1836.

60. Tombeau de Buyster (disparu)
1681-88
Bas-relief en marbre blanc

204. Philippe de Buyster (1595-1688)
Projet pour son propre tombeau à
Notre-Dame de Lorette
Plume et lavis - 26,5 x 18,2 cm
Berlin, Kunstbibliothek
Photo : Bildarchiv Preußischer
Kulturbesitz
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Ce sont encore Guillet, Caylus et Mariette qui, seuls, décrivent ce monument de la vieillesse de l’artiste, entrepris sept ans avant sa mort « pour se préparer de bonne heure à ce fâcheux moment », écrit Guillet [42]. Les descriptions concordent : c’est un ouvrage en bas-relief de marbre blanc posé dans le mur. Il consiste en un piédestal d’où s’élève une console portant un médaillon ovale avec le portrait du défunt, fort ressemblant selon Guillet et Caylus ; de part et d’autre sont assis sur le piédestal deux enfants éplorés, génies de la douleur, moins bien travaillés que le médaillon de l’avis de Caylus, et se ressentant de l’âge avancé du sculpteur ; enfin, au-dessous, une épitaphe comporte deux inscriptions qui, selon Mariette, sont de sa composition, l’une en mauvais latin, l’autre en français, dans lesquelles Buyster se dit doyen de l’Académie, non pas le plus ancien membre, mais le plus âgé. Le monument a disparu quand la chapelle fut détruite en 1796.

Tout récemment, Claire Mazel a proposé de reconnaître dans un dessin de la Kunstbibliothek de Berlin le projet de Buyster pour son tombeau [43] (ill. 204). Nous retenons son hypothèse. Le sculpteur est représenté en buste sur fond de marbre noir au sein d’un médaillon esquissé portant deux branches de laurier. Au-dessous, deux putti exprimant l’affliction, accompagnés de deux cassolettes fumantes, sont assis sur une console en forme de table portée par des volutes ; les deux enfants s’appuient sur un grand livre ouvert ; celui de gauche porte à sa bouche une sorte de lime et on devine sous le livre un instrument qui pourrait être un ébauchoir, l’autre enfant tient une trompette. Sous eux est suspendue une draperie supposée contenir le texte de l’épitaphe, retombant sur un Memento mori, tête de mort sur deux os entrecroisés. Le buste montre un homme certes plus jeune, au visage plus lourd et beaucoup moins émacié que sur le portrait peint par Vignon en 1686-1687 (ill. 1), mais la coiffure, cheveux naturels bouclés encadrant le visage, est assez semblable ; il est vêtu d’un manteau drapé sur sa poitrine découvrant une cravatte.

61. Marsyas antique (disparu)
Sans date
Terre cuite
H : 243 cm

Cette terre cuite a été vue par Caylus dans l’Ecole du modèle ; elle était déjà mutilée, mais « avec de belles parties ». Il la décrit « grande comme nature dans l’idée du Marsyas antique qui étoit autrefois dans la maison della Valle à Rome et qui est aujourd’hui dans le palais où l’on rend la justice à Montecitorio à Rome » [44]. Le Marsyas antique, suspendu par les poignets à un arbre, est une célèbre composition de marbre (H : 2,43 m), copie romaine d’un original grec du IIIe siècle avant J.-C. Il se trouvait en effet au milieu du XVIe siècle au Palazzo Della Valle, mais entra à la fin du même siècle dans les collections de la villa Medici à Rome (inventorié en 1598) et de là fut envoyé en 1780 aux Offices de Florence [45]. Caylus semble faire erreur donc quand il dit qu’il se trouvait au Palais Montecitorio qui en avait peut-être une autre version ou un plâtre. Buyster avait pu s’inspirer de la gravure de Perrier de 1638 représentant cette antique. Mais il est aussi possible que, parmi les 300 caisses de moulages d’après l’antique que le roi se fit envoyer à Paris à partir de 1670, ait figuré le moulage du Marsyas antique dont Buyster aurait donné une version en terre cuite. Dans l’inventaire des plâtres de la salle des Suisses au Louvre, dressé en 1692 par Félibien, figurent tant un creux qu’un plâtre du Marsyas [46]
. L’expression employée par Caylus au sujet du Marsyas en terre cuite de Buyster « dans l’idée du Marsyas antique » laisse entendre que Buyster s’était inspiré de l’antique, plus qu’il ne l’avait copié.

Françoise de la Moureyre

Notes

[1CBR, I, 545. Non signalés par Chaleix.

[2Cf. doc. 1.

[3CBR, I, 514.

[4Chaleix, p. 104-105, pl. XXXVI-2 et 3.

[5Pour le décor sculpté en façade du château, se reporter au site qui lui est consacré : www.sculpturesversailles.fr, établi en 2005 par Béatrix Saule avec la collaboration de Corinne Thépault ; il fournit une documentation très complète sur chaque élément de ce décor, historique, bibliographique, son état de conservation, et s’accompagne d’une illustration. Cérès, cat. Vdse 376, est une figure originale. Bacchus, cat. Vdse 374, est également une figure originale. Comus, cat. Vdse 373, serait, selon G. Brière , Le château de Versailles, 1909-10, II, p. 5, une copie – une excellente copie (si Brière dit vrai) – , alors que Momus est réellement une copie de 1902-1903 ; Hébé, cat. Vdse 405, est un original dont la tête a été replacée car il y a une nette trace de cassure au bas du cou ; l’avant-bras gauche tenant la coupe où se déverse le nectar, fruit d’une mauvaise restauration existant encore en 1970, a depuis disparu et remplacée en 2006 par une meilleure copie. Ganymède, cat. Vdse 406, est un original qui a reçu comme Hébé une réparation au niveau du cou. Voir aussi pour les attributions des statues : F. Souchal et F. de La Moureyre, « Les statues aux façades du château de Versailles », GBA, fév. 1972, pp. 79-81, et F. de La Moureyre, « Réflexions sur le style des statues aux façades du château de Versailles », Colloque Le décor sculpté monumental du château de Versailles, Versailles, 28 mai 2004. Les scènes en bas-relief d’ « Enfants faisant la débauche », cat. Vdse 397-398, ne semblent pas avoir été restaurées, tout au plus modifiés dans les années qui suivirent leur exécution. Les médailles portent les n° de catalogue Vdse 399-404, celle de Cérès le n° Vdse 402. Ce sont des œuvres originales. Nous remercions vivement ici Alexandre Maral, conservateur chargé des sculptures de Versailles, de nous avoir fait bénéficier de l’autorisation donnée par monsieur Frédéric Didier, architecte en chef du château de Versailles, de venir examiner avec lui ces sculptures à la faveur d’échafaudages dressés pendant l’été 2006.

[6« Estat des ouvrages de Versailles le 17 juillet 1670 », BnF, Ms., Mélanges Colbert 160, p. 1022.

[7Arch. nat., « Comptes des Bâtimens du Roi », 01 2132, fol. 81 r° et 142 v° ; CBR, I, 514.

[8Les sujets ont été explicités par Combes, Explic. hist., 1681, pp. 73-75, Félibien , Versailles, 1674, p. 297-98, Monicart, Vers. immortalisé, p. 398 et Piganiol, Vers.-Marly, 1701, p. 156. C’est Nolhac, La création de Versailles, Paris, 1925, p. 179, qui indique que la première dénomination de la Salle des Gardes, au centre de l’enfilade, devenue plus tard Salon de Mars, était « Salle des Festins ».

[9Guillet, p. 288-89. Chaleix, p. 103-104.

[10Cf. A. de Montaiglon, Le Livret de l’Exposition faite en 1673 dans la cour du Palais Royal, Paris, 1852 : Livret, p. 30. A propos de ce Ganymède en marbre que cite Lami dans son dictionnaire, disant qu’il fut exposé au Salon de 1673, Chaleix remarque que cette œuvre n’est pas citée par Guillet, et que le terme de Salon ne s’applique qu’aux expositions de l’Académie qui se tinrent à partir de 1699 dans le Salon carré du Louvre. En réalité cette exposition de 1673, à laquelle d’autres sculpteurs académiciens comme Desjardins ou Le Hongre ont aussi participé, n’était en effet pas appelée Salon et se tenait dans la cour du Palais royal.

[11F. Souchal et nous-même avons proposé ces attributions dans les articles cités en note 1.

[12C’est ainsi que Félibien les décrit. Les scènes en bas-relief d’ « Enfants faisant la débauche » (cf. le site www.sculpturesversailles.fr, cat. Vdse 397-398) semblent être des originaux, mais ont manifestement subi des réparations.

[13Site www.sculpturesversailles.fr, Cat. Vdse 399-404.

[14Chaleix, p. 103.

[15CBR, I, 618.

[16Guillet, I, p. 288 ; Felibien, 1674, p. 14 ; Combes, p. 7 ; Piganiol, Vers.-Marly, 1701, p. 14. Cf. le site www.sculpturesversailles.fr , cat. Vdse 18.

[17Arch. Nat., « Comptes des Bâtiments du Roi », 01 2137, fol. 73 r° ; CBR, I, 763

[18Cf. le site établi par Béatrix Saule avec la coll. de Corinne Thépault : www.sculpturesversailles.fr, 2005, Vdse 407-419.

[19Vdse 411, 412, 413, 414.

[20Chaleix, p. 100-101, et pl. XXXIII.

[21Guillet, p. 289 ; Piganiol, Vers.-Marly, 1764, II, p. 26 ; Chaleix, p. 105-106.

[22CBR, I, 760 (note 2), 829, 903, 964, 1048, 1158, 1290.

[23Arch. nat., 01 1964.

[24Musée de Versailles, inv. 29797.

[25Ripa, Iconologie, 2e partie, p. 79.

[26CBR, I, 1047, 1283.

[27Thomas F. Hedin, “Le Nostre to Mansart. Transition in the Gardens of Versailles”, GBA, déc. 1997, p. 275-78.

[28Brice, Descr., 1725, IV, p. 138 ; Piganiol, Paris, 1765, VIII, p. 295 ; Gédéon Pontier, Le Cabinet historique ou la bibliothèque des grands, 1681, I, p. 121 ; E. Bonnaffé, Dictionnaire des amateurs au XVIIè siècle, 1884, p. 249.

[29Arch. nat., Z 1j 331 ; M. Dumolin, Etudes de topographie parisienne, I, 1929, p. 277.

[30CBR, I, 1590

[31Cf. le site www.sculpturesversailles.fr, cat. Vdse 380-396. Chaque trophée s’y trouve photographié, mais avant nettoyage, ce qui en rend l’analyse malaisée.

[32cat. Vdse 380.

[33cat. Vdse 381.

[34cat. Vdse 382.

[35cat. Vdse 383.

[36cat. Vdse 386.

[37at. Vdse 387.

[38cat. Vdse 388.

[39Guillet, p. 289. Chaleix, p. 119, cite seulement Guillet.

[40Caylus.

[41Mariette, ABC, p. 239.

[42Guillet, p. 289-290 ; Caylus ; Mariette, ABC, p. 238. Chaleix, p. 119.

[43Claire Mazel, « Les monuments funéraires à Paris (1610-1715 », thèse de Doctorat en Histoire de l’Art, Université de Paris X-Nanterre, 29 novembre 2003 (en cours de publication). Le dessin (26,5 x 18, 2 cm), Kunstbibliothek, Berlin, Hdz 6604, a été attribué par E. Berckenhagen (Französischen Zeichnungen der Kunstbibliothek, Berlin, 1970, p. 60) à Pierre II Biard en invoquant des motifs stylistiques.

[44Caylus.

[45F. Haskell & N. Penny, Taste and the Antique, Yale Univ. Press, 1982, p. 262-63, n° 59 ; P.P. Bober & R.O. Rubinstein, Renaissance Artists and antique Sculpture, Oxford Univ. Press, 1987, p. 76, n° 32.

[46Arch. nat., 01 1977-A.

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