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« Modernisme ou modernité ? ». Les photographes du cercle de Gustave Le Gray (1850-1860)

Paris, Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, Petit Palais, du 3 octobre 2012 au 6 janvier 2013.

Il n’est pas évident que l’interrogation posée en titre de l’exposition ait une quelconque pertinence au terme du parcours de plus de 160 numéros répartis en six sections technico-thématiques que précède une section consacrée au « maître » et que prolongent cinq espaces monographiques dédiés à quelques-uns de ses élèves. Si la modernité est un concept qui renvoie au XIXe siècle, le modernisme s’applique quant à lui à l’Entre-Deux-Guerres du siècle suivant. Et stricto sensu il n’y a aucune raison d’interroger la décennie ici présentée à partir d’une approche anachronico-esthétique. Au demeurant, les deux commissaires, Anne de Mondenard et Marc Pagneux, évacuent la question plus qu’ils ne la creusent dans l’introduction de leur excellent catalogue [1]. A cette alternative, l’exposition en substitue une autre que le XIXe siècle s’est posé dès les années ici représentées : la photographie ressortit-elle au « domaine de l’industrie, du commerce » ou appartient-elle à « celui de l’art » ainsi que s’interrogeait Le Gray dans son ouvrage Photographie : traité nouveau, théorique et pratique […] publié en 1852 [2] ? Et de répondre : « Pour moi j’émets le vœu que la photographie […] rentre dans [le domaine de] l’art. C’est là sa seule, sa véritable place, et c’est dans cette voie que je chercherai toujours à la faire progresser ». A quoi Baudelaire, pourtant créateur du concept de « modernité », dans son Salon de 1859, mais défenseur d’une conception de l’Art radicalement distincte de la mimèsis, opposera un violent article dénonçant tout ensemble le « progrès », la « société immonde », la « triviale image sur métal » (il parle des daguerréotypes) avant de se lancer dans une vigoureuse attaque contre « l’industrie photographique […] refuge de tous les peintres manqués, trop mal doués ou trop paresseux pour achever leurs études », coupable à ses yeux d’oublier un élément essentiel de l’Art : « le bonheur de rêver » [3]. Se rejouait ainsi, à propos de la photographie, le débat qu’avait instauré Sainte-Beuve à propos des feuilletons qu’il qualifiait de « littérature industrielle » dans un célèbre article-pamphlet de la Revue des Deux Mondes du 1er septembre 1839.

A parcourir attentivement la très belle exposition du Petit Palais, sobrement mais exemplairement scénographiée, aux panneaux introductifs des salles efficaces dans leur précision et leur concision (on regrettera toutefois que les cartels des photographies soient placés trop bas), et malgré le relatif inégal intérêt des œuvres accrochées, on ne peut que constater que, si certains virent dans l’industrie naissante [4] une pure opportunité commerciale, d’autres, professionnels ou amateurs, cherchèrent très rapidement ce « bonheur de rêver » cher à l’auteur des Fleurs du Mal au travers de l’objectif, jouant de la lumière, du cadrage, de la mise en scène, pour faire de leurs clichés des œuvres d’art à part entière. Au premier rang de ceux-ci, le « maître » : Gustave Le Gray (1820-1884) qui, fort…

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