Lettre ouverte des associations sur les abords de Notre-Dame

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Lettre ouverte à
Monsieur le Président de la République,
Madame la Ministre de la Culture,
Madame la Maire de Paris,
Monsieur le Préfet de la région Île-de-France,
ainsi qu’à tous les amoureux de Paris

Copie à l’UNESCO.

Le square Jean XXIII (jardin de l’Archevêché)
Photo : Chris Waits (CC BY 2.0), avril 2011
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Dans le cadre du grand projet national de reconstruction de Notre-Dame de Paris, la Ville de Paris a prévu de réaménager les espaces situés aux abords de la cathédrale qui s’étendent du parvis à la pointe Est de l’île de la Cité.

Nous vous prions d’arrêter d’urgence ce projet et de le revoir en privilégiant la simple restauration du square Jean-XXIII qui sert actuellement de base de chantier aux travaux de Notre-Dame.

Le rejet de ce projet est unanime, comme cela est le cas pour le projet de bétonisation des pieds de la Tour Eiffel. En effet la pétition a dépassé les 43 000 signataires en à peine une semaine et l’inquiétude monte dans l’opinion.

Rappelons qu’une concertation avait donné, à l’automne 2021, l’occasion au public et à nos associations de s’exprimer, et une écrasante majorité, plus de 80 %, s’accordait pour conserver et restaurer à l’identique ces abords, et notamment le square Jean-XXIII (anciennement jardin de l’Archevêché). 

Nos associations avaient revendiqué dès l’origine un grand respect de l’esprit des lieux et de sa mémoire, une amélioration de l’existant et, avant toutes choses, du soin et de l’entretien des espaces. Nous espérons encore pouvoir être entendus et nous sollicitons d’urgence une rencontre avec les acteurs institutionnels concernés pour mieux faire connaitre nos objections.

En effet, la Ville de Paris a organisé en 2021 un concours international sans tenir compte des résultats de la concertation préalable. Elle a choisi de modifier les fonctions du lieu : l’Île de la Cité, lieu de promenade patrimonial, deviendrait un lieu festif, zone de pique-nique et d’apéritifs, et le square de l’Île-de-France serait en partie aménagé pour accueillir de l’événementiel, détruisant haies et pelouses.

Dans le projet lauréat du paysagiste Bas Smets, les squares Jean-XXIII et de l’Île-de-France deviennent un seul et grand espace accessible en permanence : les grilles clôturant les jardins sont supprimées, les pelouses jusqu’alors protégées des piétinements par des grilles basses sont en libre accès, le dessin des jardins est totalement modifié et les parterres fleuris, qui étaient appréciés de tous et qui faisaient une grande partie de la beauté du site, sont également supprimés. Des arbres remarquables sont en outre menacés de disparition.
 
Le mobilier historique – qui relève du patrimoine de Paris et auquel une grande majorité de Parisiens et de visiteurs sont attachés – est remplacé en partie par un mobilier contemporain, froid et sans identité, à l’instar de celui que l’on peut voir au jardin Nelson-Mandela (jardin des Halles) notamment des bancs et tours d’arbres en béton. De même les incrustations sur le parvis de Notre-Dame retraçant les commerces et les ruelles du vieux Paris sont promises à la disparition.

Le square Jean-XXIII, situé au chevet de Notre-Dame, est l’un des plus anciens et pittoresques squares de Paris. Très photographié, il était jusqu’à l’incendie un lieu reposant où l’on pouvait flâner et s’asseoir à l’abri de l’agitation du parvis. Ses grilles ont été installées à partir de 1840 et le protégeaient jusqu’à aujourd’hui des incivilités, notamment la nuit.

Le square de l’Île-de-France, plus récent, est un havre de paix intimement lié au Mémorial des Martyrs de la Déportation. L’ensemble est volontairement isolé du tumulte extérieur par des haies et des grilles destinées elles aussi à être supprimées dans le projet de Bas Smets. Comme une plaque l’indique à l’entrée, il s’agit d’un « Haut Lieu de la Mémoire Nationale », un lieu de recueillement.

Voici ce que nous reprochons au projet s’il voyait le jour en l’état :

  Ces jardins aux identités singulières ne seront plus qu’un grand espace uniforme, ouvert, dégagé et sans charme. La suppression de leur caractère clos, de leur mobilier urbain historique, de leur dessin et de leurs massifs fleuris dénaturera complètement l’esprit des lieux.

  Les pelouses laissées en libre accès sur un site où la fréquentation sera importante ne pourront pas rester en bon état. Nous en avons eu récemment l’exemple malheureux au Champ-de-Mars.

  L’ouverture de ces squares la nuit entraînera, comme nous l’avons vu ailleurs à Paris, des nuisances, de l’insécurité et des incivilités.

 Des arbres seront supprimés ou voués à disparaître. Un tamaris, classé arbre remarquable, serait abattu. Sept arbres sont sur le tracé de l’allée qui doit être créée et seront donc sacrifiés. Cette allée frôlera plusieurs très grands platanes qui seront nécessairement fragilisés. Enfin, les quatre magnifiques mûriers du jardin du Mémorial ne sauraient survivre aux diverses modifications de terrain sur cette zone.

 La perforation du quai – pas moins de quatorze baies seraient ouvertes sur la Seine, détruisant ainsi les chaînages rythmant la promenade Maurice-Carême – nous paraît une atteinte tout à fait inacceptable au site historique, alors que des cadres de portes et de fenêtres obturés subsistent sur place et pourraient être utilisés.

 Enfin, l’absence de toute intégration dans le projet d’un musée de l’Œuvre, dédié à la présentation des fragments du jubé mis au jour et des Mays réunis de la cathédrale – auquel notre Président de la République dit pourtant réfléchir – nous semble regrettable et ignorer la seule véritable plus-value patrimoniale d’un réaménagement des abords de Notre-Dame.

Rappelons que les jardins et les quais sont protégés au titre des abords de la cathédrale classée au titre des Monuments Historiques et font partie d’un site inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Pour ces raisons, nous souhaitons une révision du projet et en particulier comme cela a été souhaité et décidé pour la cathédrale et sa flèche, que les squares Jean-XXIII et de l’Île-de-France soient restaurés dans l’état précédant l’incendie et entretenus ; nous souhaitons que les grilles de ces squares soient conservées comme éléments de patrimoine pour protéger les espaces des incivilités notamment la nuit.

Nous sollicitons d’urgence l’organisation d’une réunion avec toutes les institutions impliquées dans le projet de rénovation des abords de Notre-Dame pour mieux connaitre l’état actuel de ce projet, faire valoir selon nous les risques graves encourus pour la sauvegarde d’un patrimoine culturel et naturel inestimable et examiner avec vous les évolutions possibles.

Dans l’espoir que, Monsieur le Président de la République, Madame la Ministre de la Culture, Madame la Maire de Paris, Monsieur le Préfet de la région Île-de-France, vous aurez à cœur d’écouter la voix unanime des associations, Parisiennes et Parisiens et celle de tous les amoureux de Paris qui chérissent le patrimoine modeste et l’esprit des lieux, nous vous prions d’agréer l’expression de notre profonde considération.

Signataires :

Associations

SOS Paris
Sites & Monuments
France Nature Environnement Paris
Association pour la sauvegarde et la mise en valeur du Paris historique
Association pour la défense du site de Notre-Dame et ses environs
Groupe National de Surveillance des Arbres
A.R.B.R.E.S.
Union Parisienne
Histoire & Patrimoine de Paris 17e
ASA PNE
Monts 14
Respiration Paris 15

Signataires Individuels

Stéphane Bern, Emmanuel Delarue, Jacques Desse, Quentin Divernois, Baptiste Gianeselli, Didier Rykner.

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