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Jules Hardouin-Mansart. Vie et œuvre
Auteur : Bertrand Jestaz
À bien des titres, Hardouin-Mansart (1646-1708) est une figure paradoxale : si sa fulgurante ascension sociale n’est pas un cas unique sous le règne de Louis XIV, c’est en vain que l’on chercherait un architecte de cette envergure à ce point inculte, pratiquement illettré et surtout ne pratiquant pas l’art du dessin. À cette personnalité déroutante, que résume en quelque sorte l’image du « maçon gentilhomme » (p. 385), correspond une architecture volontiers affranchie des références usuelles à l’antique : en marge de la plupart des courants européens de son temps, elle semble avant tout rechercher ce que Tessin appelle « le grand et l’uni » (p. 392), c’est-à-dire que, sobre et épurée, elle privilégie les développements horizontaux continus. S’il constitua un modèle pour les architectes du XVIII e siècle, Hardouin-Mansart eut à pâtir très tôt d’une réputation d’imposture et de flagornerie entachée par la malveillance de certains de ses contemporains, Saint-Simon notamment. C’est donc partiellement que son œuvre fut considérée par les théoriciens et les historiens de l’architecture, entre un Blondel qui voyait dans ses licences d’« heureuses fautes » et un Hautecoeur qui l’installa dans le domaine olympien du classicisme triomphant (p. 40). C’est dire avec quelle impatience on attendait la publication de la thèse de B. Jestaz, soutenue depuis 1962 [1]. L’accouchement éditorial en était long et difficile, malgré le respect attentif de la communauté scientifique, jusqu’au jour où le projet d’un autre ouvrage fut lancé [2]. Dès lors, les deux beaux volumes furent mis en travail et naquit enfin la somme tant attendue.
La première partie de l’ouvrage (p. 47-206) traite du Hardouin-Mansart qui, avant d’être architecte du roi, travailla essentiellement pour une clientèle privée. Elle est fondée notamment sur l’exploitation du « Bref estat des bastimens », un document connu de longue date mais dont l’intérêt a été révélé par B. Jestaz (p. 42) et qu’il réédite en tête du volume annexe (p. 7-9). Issu d’un milieu aisé, petit-neveu de François Mansart, chez qui il habita au moins à partir de l’âge de quatorze ans, Jules Hardouin fut formé très jeune à l’architecture, discipline pour laquelle il manifestait des goûts évidents. Héritier d’une partie des dessins de son grand oncle, mais aussi de quelques-uns de ses chantiers en cours, il n’hésita pas à signer du nom d’Hardouin-Mansart à partir de 1667. Après le chantier de sa propre maison de la rue des Tournelles, achevée en 1670, il fut le maître d’œuvre, en 1669, du petit hôtel de Guénégaud : B. Jestaz a déjà publié une analyse [3], fort nourrie, de ce qui fut son premier chantier au service d’un particulier, mais il y revient ici pour en rappeler l’importance et pour en préciser quelques détails de chronologie (p. 63-68). C’est aussi à partir de 1669-1670 qu’il fut chargé de quatre chantiers à mener simultanément à Versailles : les hôtels de Soissons, de Créqui, de Chaulnes et de Bellefonds. Les sources…