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Courbet sans Courbette (1)

The Most Arrogant Man in France. Gustave Courbet and the Nineteenth-Century Media
Auteur : Petra ten-Doesschate Chu

Nous entamons aujourd’hui une sorte de revue hebdomadaire, la plus libre qui soit, des principales publications qui ont précédé ou accompagnent la rétrospective Courbet du musée d’Orsay, qu’accueille le Grand Palais en ce moment. De l’exposition et de son catalogue, nous n’avons pas à parler (voir la recension de Colin Lemoine). Ils se présentent tous deux comme un bon bilan des connaissances actuelles et, mis à part les examens de laboratoire, ne prétendent pas à l’inédit. Cette synthèse, toutefois, n’exclut aucune lecture et s’appuie aussi bien sur les travaux d’Hélène Toussaint, Jean-Luc Mayaud, Michèle Haddad ou Henri Loyrette que sur la littérature plus interprétative de Linda Nochlin, T. J. Clark, James Rubin ou Michael Fried. Mais la référence dominante du catalogue est, semble-t-il, l’apport plus récent de Petra ten-Doesschate Chu. Il est vrai que son édition de la correspondance du peintre a profondément et salutairement secoué, après 1992, les études sur Courbet. Fines, ironiques, sensibles, sensuelles, somatiques, politiques, ces lettres nombreuses et variées ruinaient à jamais la légende du rustre bègue et du sauvage inculte. Le peintre y apparaît comme un fils de famille, un enfant de notables et un provincial poussé par une ambition dévorante et une extrême lucidité quant aux moyens de réussir dans le Paris des années 1840-1870. L’autre enseignement de la correspondance est à mettre en relation avec le caractère inégal ou répétitif de la production de l’artiste, qui sut alterner l’originalité provocante et le convenu commercial sous la pression des nécessités et de son goût de l’argent. Le corpus de Courbet abrite un grand nombre de portraits et de paysages, genres des plus lucratifs au XIXe siècle, qui n’ajoutent rien à sa gloire. L’exposition en donne maints exemples. Mais doit-on attendre d’une rétrospective du Grand Palais qu’elle mette en évidence les faiblesses, en tout sens, de son héros [1] ?

Le disciple de Proudhon fut aussi un homme d’affaires aux choix économiques flexibles, se pliant aux lois d’un marché encore flottant, mais plus agressif sous le Second empire [2]. Prendre en compte ce réalisme-là, comme s’y emploie par exemple Jérôme Poggi, signale un vrai changement de perspective, que Petra Chu conforte et amplifie avec son nouveau livre. En 1998, lors de l’exposition Courbet artiste et promoteur de son œuvre au musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne, l’auteur tirait les premières conclusions des lettres du peintre, qu’elle venait de traduire et d’éditer. Ce qui s’esquissait alors s’accomplit à travers The Most Arrogant Man in France. Gustave Courbet and the Nineteenth-Century Media Culture. Titre et sous-titre font entendre, par contraste, qu’on ne saurait séparer en Courbet la « grande gueule » et le nouvel espace médiatique qui lui donne son vrai relief. Conjuguer indépendance artistique, célébrité et richesse, tel serait l’enjeu essentiel de la carrière du peintre. Aucun paradoxe dans ces visées…

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