Serge Grouard, député-maire-fleuriste d’Orléans

1. Annonce du fleurissement de la
rue Jeanne d’Arc par la mairie
Il n’y est pas question
de structures « temporaires »
Photo : La Tribune de l’Art
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Si la décentralisation présente incontestablement des avantages dans son principe, force est de constater que, dans la réalité, cette politique commune à la gauche et à la droite qui se poursuit par à coups depuis une trentaine d’années aboutit souvent à des situations que l’on pourrait qualifier de féodales. Les pouvoirs donnés aux élus locaux finissent par laisser croire à certains d’entre eux qu’ils sont maîtres chez eux, dans leur ville, dans leur département ou dans leur région.

Ce symptôme semble frapper Serge Grouard, le maire d’Orléans, déjà tristement fameux dans nos colonnes pour son obstination à vouloir détruire une partie de la rue des Carmes.
L’élu a décidé qu’il fallait embellir la place Saint-Croix et la rue Jeanne d’Arc qui se trouvent devant la cathédrale. A son goût, ces façades néoclassiques, protégées monuments historiques (elles sont inscrites depuis 1945), ne se suffisent pas à elles-mêmes. Il se pique de botanique, il faut donc fleurir (ill. 1), et pour cela accrocher des structures en aluminium sur les bâtiments en y perçant des trous (ill. 2), y installer des pots de fleurs (ill. 3) et les arroser (grâce à un système automatique). Ceci prouve simplement que l’élu ne comprend rien à ce qu’est l’architecture : il cache en partie les écoinçons et leurs sculptures (ill. 4). Quant aux pilastres, il ne se contente pas de les cacher : il les perce (ill. 5). L’absence de formation en histoire de l’art et de l’architecture à l’école fait décidément des ravages.


2. Fixations sur une des façades de la rue Jeanne d’Arc
Photo : La Tribune de l’Art
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3. Façade du 20 rue Jeanne d’Arc en cours
de travaux de « fleurissement vertical »
Photo : La Tribune de l’Art
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La loi exige, pour ce type de structure, la délivrance d’un permis de construire, ainsi que l’obtention d’une autorisation des copropriétaires de chaque immeuble, celle de l’Architecte des Bâtiments de France car la rue et la place se trouvent en ZPPAUP et, enfin, l’accord du Conservateur régional des monuments historiques. Ceci est rappelé par un courrier envoyé par la Direction Régionale des Affaires Culturelles de la Région Centre à l’Association ADMV Jeanne d’Arc, en date du 11 septembre 2011.
Dans cette même lettre, le Directeur Régional des Affaires Culturelles, pour le Préfet de la Région Centre, précise en outre, fort justement, que « la qualité de l’architecture des immeubles concernés se suffit d’elle même et [qu’] un tel « fleurissement » n’est pas adapté dans ce contexte ». Elle ajoute que « les scellements nécessaires, la présence d’humidité permanente et le confinement créé entre la végétation et la paroi paraissent a priori néfastes à la bonne conservation des maçonneries qu’une restauration de qualité vient de mettre à l’honneur » et conclut « mes services donneraient un avis défavorable à ce projet s’il devait leur être présenté ».


4. Un pilastre sur la façade du 20
rue Jeanne d’Arc avant qu’il ne soit caché
par le « fleurissement vertical » de la mairie
Photo : La Tribune de l’Art
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5. Travaux en cours sur la
façade du 6, rue Jeanne d’Arc
On voit que les fleurs vont
en partie cacher les écoinçons
Photo : La Tribune de l’Art
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La situation était donc claire : il fallait, pour installer ces structures et ces pots de fleurs, une autorisation de la DRAC que celle-ci indiquait ne pas vouloir accorder, notamment parce que la pose de ces éléments menacerait la bonne conservation de façades protégées.
Le 20 avril dernier, une nouvelle lettre de la DRAC à l’association ADMV Jeanne-d’Arc lui apprenait que le maire avait été informé de la position de l’administration, et que le préfet du Loiret avait dans un courrier du 3 janvier 2012 rappelé au maire d’Orléans que ce projet nécessitait « l’accord de l’administration des monuments historiques » et plus largement une « autorisation spéciale au titre de la ZPPAUP ». Ce courrier se concluait par « A ce jour et à ma connaissance, ce courrier n’a pas eu de réponse ».

Interrogé par nos soins, la mairie d’Orléans nous a confirmé qu’elle n’avait demandé et reçu aucune autorisation. Voici sa réponse :

« Comme il n’est probablement pas nécessaire de le rappeler à un professionnel de votre rang, le fleurissement en cours de la rue Jeanne d’Arc et de la place Sainte-Croix, est conçu comme un mobilier urbain mobile, élément non-permanent et installé sur le domaine public communal, ne relevant par conséquent d’aucun permis de construire, ni même d’une autorisation quelconque de la DRAC.
C’est en réalité aux riverains propriétaires de donner leurs consentements ou non à ce projet et pour leurs façades uniquement. Seuls les propriétaires favorables à l’installation de colonnes verront leurs façades fleuries.
 »

Nous remercions sincèrement le maire d’Orléans de reconnaître notre professionnalisme, nous n’en dirons cependant pas forcément autant de ses services car il semble bien mal conseillé. Ce mobilier urbain n’est pas mobile comme le prouvent nos photos. Il est fixé sur un monument historique, et comme l’ont dit le préfet et la DRAC, il faut à la fois un permis de construire et une autorisation des monuments historiques.
Par ailleurs, la mairie n’a jamais prétendu auparavant qu’il s’agissait d’un élément « non-permanent », bien au contraire. D’ailleurs, comment explique-t-elle, puisqu’il s’agirait selon elle d’une installation temporaire, qu’elle prévoit de renouveler le fleurissement « deux à trois fois par an » (ill. 1) ?
Enfin, il est non moins faux de dire que « seuls les propriétaires favorables à l’installation de colonnes verront leurs façades fleuries » puisque ceux qui n’ont pas répondu au courrier simple envoyé par la mairie ont tout de même été gratifiés de cet « embellissement ». Qui ne dit mot consent, apparemment, selon le maire d’Orléans [1]. Il ferait mieux de méditer un autre adage : « Nul n’est censé ignorer la loi ».


6. Façade du 10, rue Jeanne d’Arc en cours de travaux
Photo : La Tribune de l’Art
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7. Vue de la rue Jeanne d’Arc vers la cathédrale
Sur cette photo, qui date de quelques jours,
le « fleurissement vertical » n’est pas encore installé
Photo : La Tribune de l’Art
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Les travaux sont aujourd’hui presque terminés. Avec sa rue Jeanne d’Arc merveilleusement décorée (ill. 7), ses beaux drapeaux, ses petits tas de buis au milieu de la rue et ses pots de fleurs, nul doute que le maire pourra participer à un concours organisé par Mon joli village fleuri.
Devant cette politique du fait accompli, l’association ADMV Jeanne d’Arc a déposé une demande de référé au Tribunal Administratif le 30 avril 2012 afin d’obtenir l’arrêt des travaux. On espère que le préfet et la DRAC, constatant que le maire n’a demandé aucune autorisation, feront également intervenir la justice.

Nos articles le prouvent en permanence, les menaces sur le patrimoine sont, hélas, dues autant à des élus de gauche (Paris, Poitiers…) qu’à des élus de droite (Aix-en-Provence, Versailles…). Ce qui est certain en revanche, c’est que Serge Grouard, très proche politiquement du gouvernement sortant, semblait se croire tout permis. On espère que ce sentiment touche à sa fin.

Didier Rykner

P.-S.

Très peu de temps après la publication de notre article, la Mairie d’Orléans nous a envoyé le complément d’information suivant : « ce fleurissement est temporaire et interviendra au printemps et en été. En dehors de ces périodes les structures seront démontées ».
Il s’agit donc, si l’on en croit ces précisions, qu’il s’agit d’une installation « temporaire permanente ». Les Orléanais apprécieront le coût que ce démontage-remontage régulier occasionnera. Nous maintenons par ailleurs toutes nos informations sur l’irrégularité de cette installation.

Notes

[1Nous avons également interrogé la mairie sur les risques que feront courir ces fixations couplées à l’arrosage, risques que nous n’avons pas inventés et qui sont soulignés par la DRAC, la mairie nous a écrit un long laïus à côté de la question à l’exception de la dernière phrase : « la conservation des façades est préservée notamment par l’écartement existant entre l’immeuble et les colonnes, permettant l’aération entre les deux éléments. De plus, l’arrosage n’étant pas permanent, il n’existe aucun risque d’humidité pour les façades ». Inutile de dire que l’écartement de 14 cm n’est évidemment pas suffisant pour empêcher la végétation de toucher la façade, et que l’humidité d’une telle masse de végétaux ne se limite pas aux moments de l’arrosage...

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