Sculptures du jubé de Notre-Dame : l’obstruction de l’INRAP

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France, deuxième tiers du XIIIe siècle
Fragment du jubé de Notre-Dame
Photo : Didier Rykner
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On sait que les fouilles de sauvetage à la croisée du transept de Notre-Dame ont permis de trouver, comme on pouvait s’y attendre, quelques-unes des sculptures du jubé du XIIIe siècle détruit au XVIIIe. Nous avions pu publier des photos inédites de certaines de ces œuvres alors qu’elles n’étaient pas encore complètement sorties du sol (voir la brève du 25/3/22). Cela avait été possible grâce à l’autorisation de l’établissement public chargé de la conservation et de la restauration de Notre-Dame qui s’est toujours montré ouvert à nos demandes, tant pour les articles que nous avons écrits que pour le livre que nous publierons bientôt sur ce sujet [1].

On ne peut hélas en dire autant de l’Institut National de Recherche Archéologique Préventive, un autre établissement public, qui a été en charge de ces fouilles et qui dépend du ministère de la Culture. À la demande que nous lui avons faite de voir tous les fragments du jubé mis au jour et actuellement conservés pour étude dans un lieu inconnu, son président Dominique Garcia nous a répondu : « Malheureusement, après la fouille et jusqu’à la fin de l’étude cela ne sera pas possible. J’espère pouvoir vous répondre favorablement en début d’année ». Une réponse donc possible (mais pas certaine) au début de l’année 2024, soit au mieux deux ans après la découverte des sculptures et trois mois après la sortie de notre livre.

Ces œuvres, retrouvées par un établissement public, financé par de l’argent public, n’appartiennent pas à cet établissement public dont le rôle est aussi de diffuser la connaissance. Il serait légitime que nous puissions préciser exactement dans notre livre, mais aussi sur notre site, le nombre, la taille, la qualité et les sujets de ces sculptures dont on ne sait pour l’instant à peu près rien.
Il est probable que des demandes faites par d’autres journalistes seraient traitées de la même manière, nous ne prétendons pas du tout être discriminé par l’INRAP. En revanche, cela pose une fois de plus la question de la rétention d’informations de la part des institutions publiques. De bonnes raisons, par exemple liées à leur conservation préventive, peuvent-elles être avancées pour nous interdire l’accès à ces œuvres ? Cela ne semble pas le cas : l’INRAP, à qui nous avons demandé une explication à ce refus, ne nous a cette fois pas répondu.

À moins qu’il s’agisse d’une volonté affirmée de ne pas communiquer quoi que ce soit à ce sujet ? On sait en effet que le ministère de la Culture estime qu’il n’y a pas de débat au sujet de la poursuite des fouilles au niveau du chœur, un chantier qu’il refuse de mener à son terme (voir cet article). Or l’importance de ces sculptures, si elle devait être largement connue et révélée par des photographies diffusées au grand public, pousserait certainement l’opinion à exiger que l’on mette au jour celles qui restent à retrouver (entre le tiers et la moitié, selon les archéologues que nous avons interrogés).

Le président de la République veut organiser en septembre des États généraux de l’information dont l’un des objectifs est de « donner aux journalistes le meilleur cadre pour remplir leur mission essentielle ». Or, jamais, dans la communication faite autour de cet événement, n’est indiqué l’un des obstacles les plus forts au travail journalistique : les rétentions d’informations des administrations, de l’État et des collectivités territoriales. Nous pourrions ajouter à celui-ci deux exemples parmi d’autres : le refus de communiquer les dossiers des trésors nationaux par le ministère de la Culture, et l’impossibilité d’obtenir de la mairie de Paris le cahier des charges du concours pour le réaménagement des abords de Notre-Dame.

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