La maquette de Giovanni Battista Gaulli, dit il Baciccio, à l’hôtel Boyer de Fonscolombe d’Aix-en-Provence

1. Giovanni Battista Gaulli, dit il Baciccio (1639-1709)
Le Sang du Christ, maquette
Aix-en-Provence, hôtel Jean-Baptiste Boyer de Fonscolombe
Voir l´image dans sa page

Le dernier numéro de la Revue de l’Art [1] nous a fait découvrir, sous la plume de Marie-Christine Gloton, la maquette [2] inédite de Giovanni-Battista Gaulli pour le décor (non réalisé) de la coupole de l’atrium du baptistère de Saint-Pierre-de-Rome (voir rubrique Nouvelle Brève à la date du 29 août 2003). Nous renvoyons à cet article pour ce qui concerne l’historique et l’importance de ce modello, qualifié par Dieter Graf, le spécialiste de l’artiste, d’œuvre « incomparable ».

Nous souhaitons revenir ici sur la situation dramatique dans laquelle se trouve ce chef-d’œuvre et sur les conditions de sa renaissance. Nous remercions Mme Gloton qui nous a procuré les photos en couleur qui illustrent cet article ainsi que l’essentiel des informations qu’il contient, et qui a accepté de publier ici même (voir plus bas) un bref historique de l’hôtel ainsi qu’un texte précisant les bouleversements subis par le second étage.
Notons que ni le Directeur Régional des Affaires Culturelles de Provence-Côte-d’Azur (Jérôme Bouet), ni le Président de l’Université Aix-Marseille III (Jacques Bourdon) n’ont encore répondu à nos courriers, envoyés par mail le 31 août 2003, qui leur demandaient de préciser leur position sur les mesures à prendre pour la sauvegarde de la maquette. Nous ne manquerons pas de vous les faire connaître si nous les recevons.

2. Giovanni Battista Gaulli, dit il Baciccio (1639-1709)
Le Sang du Christ, maquette (détail)
Aix-en-Provence,
Hôtel Jean-Baptiste Boyer de Fonscolombe
Voir l´image dans sa page
3. Giovanni Battista Gaulli, dit il Baciccio (1639-1709)
Le Sang du Christ, maquette (détail)
Aix-en-Provence,
Hôtel Jean-Baptiste Boyer de Fonscolombe
Voir l´image dans sa page

Le devis de conservation préventive, établi le 27 décembre 2002, précise : "A l’heure actuelle, cette minuscule pièce est percée de quatre portes. Elle sert de vestibule à trois bureaux et est ouverte sur le grand escalier, ce qui n’assure plus à ce précieux et unique modello ni sa bonne conservation ni sa sécurité. En effet, il semble que cette œuvre conservée en un lieu fermé pendant plus de 200 ans, n’ait pas subi trop de dommages. Mais en l’état actuel, l’état de conservation de cette coupolette pourrait très vite se dégrader vu son emplacement mal adapté."
Si l’on en croit ce rapport, qui date déjà de presque un an, l’une des causes principale des menaces qui pèsent sur la coupole est l’ouverture des portes sur la pièce qui la conserve. L’hôtel étant entièrement classé Monument Historique depuis le 29 décembre 1989, on est en droit de se poser la question suivante : ces travaux de percement de porte ont-ils été autorisés par le service des Monuments Historiques. Si non, on attend que la DRAC intervienne en urgence, que des sanctions soient prises et que l’état antérieur soit rétabli. Si oui, on peut légitimement s’étonner qu’une telle autorisation ait pu être donnée.
En réalité, il semble bien que les travaux ont été effectués de manière illicite. En 1993 déjà, lors de l’installation au premier étage de l’immeuble de l’Institut d’Etudes Européennes, la galerie XVIIe-XVIIIe siècle avait été fractionnée, sans autorisation, par une cloison toujours en place en septembre 2003 !

4. Giovanni Battista Gaulli, dit il Baciccio (1639-1709)
Le Sang du Christ, maquette (détail)
Aix-en-Provence,
Hôtel Jean-Baptiste Boyer de Fonscolombe
Voir l´image dans sa page

Plus qu’une conservation sur place, ne faut-il pas plutôt envisager un dépôt de la coupole dans un lieu approprié ? Celle-ci en effet, toujours le devis de restauration préventive, devrait être protégée dans un "endroit qui assurerait sa sécurité, mais surtout sa bonne conservation (hygrométrie, lumière et pollution contrôlée)."
La position des Monuments Historiques semble être de privilégier la conservation sur place. Principe certes respectable et que l’on doit mettre en œuvre le plus souvent possible. Mais il y va ici de sa survie même, menacée à court terme. Ce modèle enfin, s’il fait partie de l’histoire de l’hôtel était avant tout un élément de la collection Boyer de Fonscolombe, et celle-ci est dispersée depuis la fin du XVIIIe siècle.
Avant qu’une solution de bon sens ne prévale, il est indispensable que les portes percées récemment soient condamnées, et que l’accès aux bureaux soit rétabli comme avant leur percement, dans l’enfilade de l’appartement ancien, ce qui protègerait l’œuvre et ne coûterait qu’un peu de gêne. Dans un premier temps, voilà l’engagement minimal que l’on attend du président de l’Université.

Chronologie sommaire de l’hôtel Boyer de Fonscolombe (établie par M.C. Gloton)

Hôtel datant à l’origine du XVIe siècle, reconstruit au XVIIe siècle par Charles de Grimaldi-Régusse (vers 1654-1655)

Début XVIIIe siècle, vendu au marquis de Forbin La Barben
Premiers remaniements (grand escalier datant de 1733)

Revendu en 1743 aux Boyer de Fonscolombe.
Nouveaux remaniements : façade (classée MH le 18/4/1944), décors du premier étage et aménagements du 2e étage (inscrit à l’Inventaire Supplémentaire des MH le 25/3/1929)

XIXe siècle : passe par héritage à la famille de Saporta.

Après 1923 : Vendu aux de Vitrolles.

1950 : Acquis par l’Etat et affecté au Ministère de l’Education Nationale en 1955.
Le premier étage est affecté au service d’Orientation professionnelle puis à l’Institut d’Art (U1) de 1965 à 1993.
Le second étage à l’Institut de Sciences Pénales et de Criminologie (U3) jusqu’en 2001

1989 : L’hôtel est classé Monument Historique dans sa totalité le 29 décembre 1989

1993 : L’Institut d’Etudes Européennes remplace l’Institut d’Art. Des travaux ont été réalisés sans autorisation du Ministère de la Culture. En septembre 2003, la cloison qui a fractionné arbitrairement le décor de la galerie XVII-XVIII° et dont la démolition avait été demandée en 1994 est toujours en place.
A la suite de travaux réalisés par l’ISPEC au 2° étage, après 1994 ? et avant 1996, (avec ou sans autorisation ?) l’ancien petit oratoire privé couronné par le modello, est devenu, au sommet du grand escalier, un vestibule-couloir pour trois bureaux [3].

2002 : Le second étage est occupé par les bureaux et les salles de cours de l’Institut Universitaire Professionnalisé de Management Public (rattaché à l’Institut d’Etudes Politiques).

Note complémentaire sur le second étage (par M.C. Gloton)

Le désordre des espaces, qui semble évident aux historiens qui ont "vécu" dans cet hôtel (au temps de l’Institut d’Art) peut surprendre de nouveaux visiteurs. Un bref et schématique historique aide à remettre, virtuellement du moins, les choses en place.
En 1757, Jean-Baptiste Foyer de Fonscolombe procède à de larges remaniements du vieil hôtel des Grimaldi-Régusse. Il fait mettre au goût du jour le décor des salles du premier étage. A l’exception des deux chambres sur cour dont il conserve le décor XVIIe et qu’il réunit en galerie.
Il aménage et fait décorer de stucs raffinés les chambres en enfilade sur rue du second étage. Ces chambres de maîtres au second étage correspondaient sans doute au besoin de gagner en hauteur un espace limité au sol par les contraintes mitoyennes anciennes de ce vieux et prestigieux quartier. Ces pièces sont aménagées au-dessus des demi-étages des salles en façade au premier. D’où leur accès surélevé qui ne manque pas de surprendre. Pour accéder à ces chambres, un immense escalier se déploie jusqu’au second étage (l’ample volume de la cage dépasse de manière surprenante le toit de l’hôtel).
Une nouvelle façade est construite, probablement plus haute que l’ancienne. De la même hauteur exactement que celle de l’hôtel voisin (Maynier d’Oppède), construite la même année 1757 [4].
L’accès à l’enfilade en façade du second étage se faisait par le sud, en fond de palier. Tout au bout de l’enfilade, à côté de l’alcôve de la dernière chambre, avait été aménagé - avant ou après l’acquisition du modello par Jean-Baptiste Boyer de Fonscolombe ? - un petit oratoire fermé.
A une date qui reste à déterminer, avant ou après 1950 (date de la vente à l’Etat), le seond étage a été bouleversé (voir la partie sud). On a conservé les trois chambres décorées de stucs sur la rue mais l’installation de locaux publics (bureaux des Contributions puis Université) ont rendu nécessaire le percement d’une issue de secours sur le grand escalier, au nord de l’enfilade des pièces, avec construction d’un petit escalier pour accéder au palier en contrebas. La porte en bois relativement ancienne (XVIIIe ou XIXe siècle ?) a été, probablement, récupérée dans le bouleversement des cloisons et des ouvertures, côté sud du second étage, à ce même moment.
Durant les années où nous avons fréquenté quotidiennement le 1° étage de l’hôtel (jusqu’en 1993), l’accès aux bureaux du 2° étage (dévolu jusqu’en 2001 à l’Institut de Criminologie) continuait de se faire par l’enfilade des portes côté rue. Et la porte sur l’escalier était normalement fermée. Jusqu’aux travaux réalisés par l’ISPEC entre 1994 ? et 1996 [5].
Depuis et jusqu’à ce mois de septembre 2003, cette porte se trouvait ouverte en permanence pour donner accès aux trois bureaux en façade. Au détriment du précieux modello.

Vos commentaires

Afin de pouvoir débattre des article et lire les contributions des autres abonnés, vous devez vous abonner à La Tribune de l’Art. Les avantages et les conditions de cet abonnement, qui vous permettra par ailleurs de soutenir La Tribune de l’Art, sont décrits sur la page d’abonnement.

Si vous êtes déjà abonné, connectez-vous.