Les Jeux Olympiques contre le patrimoine et les musées

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La cérémonie d’attribution des JO 2024 avec la réaction incrédule et si émouvante d’Anne Hidalgo que cela nous donne presque envie de pleurer... de rage
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La Tribune de l’Art, qui pratique un journalisme engagé en faveur du patrimoine, n’a jamais caché son opposition farouche à l’organisation des Jeux Olympiques à Paris (voir nos articles). Un combat perdu, l’union sacrée des politiques ayant permis cette victoire à la Pyrrhus. Celle-ci était acquise d’avance grâce à l’absence d’autres candidatures, à l’exception de Los Angeles qui avait annoncé préférer la date de 2028. On se rappelle encore la grotesque comédie d’Anne Hidalgo feignant de découvrir ce que tout le monde savait : l’attribution des Jeux au seul candidat restant.

Nous avons à plusieurs reprises dénoncé les effets désastreux de cette décision. Ils sont innombrables hors de notre champ. Certains, concernant le patrimoine parisien, se sont fait jour récemment. Une décision inique a été abondamment commentée : la suppression d’une partie des boites des bouquinistes pendant la durée des Jeux (et même au-delà). Nous renvoyons aux innombrables articles parus chez nos confrères et à la pétition qui connaît un énorme succès. Ajoutons que le prétexte absurde de la sécurité de la cérémonie d’ouverture (qui aura lieu sur la Seine) a été démenti par cet article du Parisien. On y lit en effet que certaines boites pourraient être soustraites à cette injonction car elles « sont installées devant des rangées des arbres et les retirer ne dégagerait pas la vue pour les spectateurs pour autant ». C’est bien donc pour libérer la vue sur la Seine et la cérémonie que l’on veut supprimer ces boites, pas pour des raisons de sécurité [1].

Un autre effet induit est connu depuis peu : le déplacement du concours des conservateurs du patrimoine. Celui-ci a normalement lieu fin août. L’année prochaine, ce sera début juillet, avant le début des Jeux Olympiques. Quel rapport entre ce concours et les Jeux Olympiques ? Voilà une excellente question. Interrogé, l’Institut national du patrimoine nous a fait les réponses suivantes, indiquant d’ailleurs qu’ils répondaient ainsi à une demande de la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) aux organisateurs de concours. L’objectif est de « prévenir les difficultés d’hébergement (disponibilité et coût) et de transport des candidats », « la disponibilité des espaces propres à accueillir 660 inscrits n’étant pas assurée ». L’INP souligne que « l’annonce de ce changement a été faite le plus tôt possible, qu’elle s’applique également à tous les candidats et que rien ne définit sinon l’habitude une date de concours. Le seul impératif prévu par les textes est que le délai entre la date d’ouverture des inscriptions à un concours et la date de clôture ne peut être inférieur à un mois et que nous assurions une publicité suffisante ».

Difficile donc d’accuser l’Institut de ce report. Et puis quelle importance direz-vous ? Pour certains, bien préparés et qui disposent de temps d’ici l’année prochaine, ce n’est pas très grave. Ils pourront partir en vacances pendant l’été plutôt que de réviser. L’Institut explique par ailleurs que cette anticipation de la date du concours correspond à « une demande récurrente des lauréats et de l’administration de pouvoir connaître leurs résultats plus tôt afin de s’organiser avant de commencer leur formation le 2 janvier de l’année suivante (logements, employeurs éventuels, questions familiales) ». Ils disposeront ainsi de deux mois et non d’un mois pour trouver à se loger .

Cet avance de la date peut néanmoins constituer un réel problème pour certains candidats, notamment parmi les moins aisés. Tous les étudiants n’ont pas la chance de pouvoir faire financer leurs études par leur famille, d’autant que le concours de conservateur du patrimoine, très difficile, peut être passé à un âge assez avancé. Certains doivent travailler pendant l’année, et ont besoin de juillet et août, non pour prendre des vacances, mais pour pouvoir réviser de manière intensive. Ça sera impossible pour certains d’entre eux qui vont ainsi être défavorisés. Et si la date devait être changée, cela aurait dû se faire indépendamment de toute pression liée à un événement qui n’a aucun rapport avec ce concours.
On sait que les Jeux Olympiques n’aiment pas les étudiants (sauf peut-être s’ils acceptent de faire du bénévolat pour eux ?) : le CROUS voulait réquisitionner leurs logements à partir du 1er juillet, une décision scandaleuse pour le moment suspendue par la justice (voir cet article).

Autre conséquence dont nous avons aujourd’hui encore du mal à connaître l’importance : il est de plus en plus question que certains musées parisiens - on parle même du Louvre - ferment pendant la durée des Jeux Olympiques, pour des raisons d’accessibilité (tout Paris sera paralysé), de sécurité, et probablement d’autres encore, tout aussi bonnes, ou plutôt tout aussi mauvaises. Le sport roi, contrairement à ce qu’on veut nous faire croire, signifie le sacrifice de la culture. Les Jeux Olympiques, dont nous paierons longtemps encore le coût, sont une plaie.

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