Le Louvre installe dans ses salles une boutique de bimbeloterie

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La marchandisation des musées, néologisme signifiant que les musées ne sont plus considérés que comme des sources de revenus, vient au Louvre de franchir un pas de plus.



Le Salon Denon, qui fait la transition entre les galeries dédiées aux tableaux français du XIXe siècle de grand format, les néoclassiques et David d’une part (salle Daru), les romantiques, Géricault et Delacroix d’autre part (salle Mollien), vient d’être transformé sur plus d’un tiers de sa surface en une boutique qu’on aurait peine à qualifier « de musée » tant les produits qui s’y vendent relèvent de la pire camelote.


1. La boutique du Louvre installée
dans le Salon Denon
Photo : Didier Rykner
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2. Rayon «Livres d’Art»
Boutique du Louvre, Salon Denon
Photo : Didier Rykner
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Quelques photos suffisent à montrer l’étendue du scandale et l’excellent dessin d’Alain Korkos - qui illustrera désormais de temps en temps des articles de La Tribune de l’Art - n’est finalement pas si loin de la réalité. On n’y trouve certes pas – pas encore ? – des préservatifs aux couleurs de la Joconde, mais on peut effectivement y acheter des Rubik’s Cube, des magnets, des T-Shirts, des mugs, mais aussi des puzzles ou des parapluies...


3. Rubik’Cube (avec, entre autre La Joconde)
Boutique du Louvre, Salon Denon
Photo : Didier Rykner
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3. Nounours et tours Eiffel
Boutique du Louvre, Salon Denon
Photo : Didier Rykner
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Nous avons interrogé le Louvre pour savoir si cette boutique était temporaire. Elle ne l’est pas et selon le vocabulaire employé il s’agit d’une « mini-boutique ». Les photos permettent d’apprécier son caractère « mini ». Il s’agit, nous a dit le musée « de répondre aux attentes du public en créant de véritables prolongements à la visite ». Si les livres d’art y sont « minoritaires » (un pléonasme, les livres d’art en sont complètement absents, hors quelques guides grand public), c’est parce que – « les différents tests faits sur les comptoirs » l’ont montré – « les visiteurs ne souhaitent pas s’encombrer ». C’est vrai, quoi, les livres d’art, c’est drôlement gênant.


4. Parapluies
Boutique du Louvre, Salon Denon
Photo : Didier Rykner
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5. Broches ou magnets (?)
Boutique du Louvre, Salon Denon
Photo : Didier Rykner
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On nous explique, dans cette même réponse, que cet espace [1] vient remplacer celui qui se trouvait escalier Mollien. Pour ceux qui s’en rappellent il ne s’agissait que d’un comptoir réduit qui ne prenait pas la place d’œuvres et qu’on ne peut en aucun cas comparer à ce qui vient d’être installé dans les salles. On compare également avec ce qui existerait dans d’autres musées, en France (Orsay, Versailles, le Centre Pompidou) et l’étranger (Met et MOMA). Sauf erreur – qui ne changerait rien, les dérives d’un musée ne justifiant pas celles d’un autre – ni à Versailles, ni à Orsay, ni au Centre Pompidou une boutique n’a pris la place de salles d’expositions.


6. Plein de gadgets très utiles «répondant
à l’attente des visiteurs du Louvre»
Boutique du Louvre, Salon Denon
Photo : Didier Rykner
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7. Brocs «eau de Paris»
Boutique du Louvre, Salon Denon
Les brocs ont remplacé un Gros
Photo : Didier Rykner
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Quant au Metropolitan Museum – nous en revenons – les quelques comptoirs de vente qui se trouvent dans le musée sont beaucoup plus petits, ne se substituent pas aux œuvres, et on y retrouve essentiellement des livres en rapport avec les expositions (c’était, par exemple, le cas pour la rétrospective « Bartholomeus Spranger » qui vient de se terminer).



8. Charles Gleyre
Les Illusions perdues
Huile sur toile - 156 x 238 cm
Paris, Musée du Louvre
Photo : RMN-GP
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Vendre de la camelote au lieu de présenter les œuvres d’art qu’il conserve, en réalité voilà une innovation du Louvre dont on peut craindre hélas qu’elle fera école. La seule nouvelle amusante, c’est qu’il paraît que la fauche y est déjà importante. Preuve que le Louvre répond bien, ainsi, «aux attentes du public».

Signalons qu’une boutique géante, celle-ci temporaire mais d’un goût douteux, a été installée à proximité de la pyramide pendant les travaux de réfection de l’entrée. On y trouve exactement la même bimbeloterie minable que dans le pavillon Denon.
Même s’il s’agissait de vendre des livres d’art, remplacer une salle du musée par une boutique est inacceptable. Quatre toiles de grand format ont ainsi été enlevées des salles pour faire place aux reproductions en plâtre de la Victoire de Samothrace et aux casques audio La Joconde. Elles ont donc rejoint les réserves, ce qui signifie dans un terme assez proche partir pour Liévin puisque les réserves y seront bientôt déménagées, si les projets du Louvre suivent leur cours. Parmi ces tableaux [2] se trouvent Les Illusions perdues de Charles Gleyre (ill. 8). Les illusions perdues ? Quel symbole !

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