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Salammbô : Fureur ! Passion ! Éléphants !

Rouen, Musée des Beaux-Arts, du 19 mai au 19 Septembre 2021

Mucem du 20 octobre 2021 au 7 février 2022.

Un pignouf. Il n’y avait pas d’autre mot pour qualifier celui qui oserait représenter Salammbô. Gustave Flaubert était catégorique, il refusait que des illustrations sabotent son roman : « Ah ! qu’on me le montre le coco qui me fera le portrait d’Hannibal. – Et le dessin d’un fauteuil carthaginois ! Il me rendra grand service. Ce n’était guère la peine d’employer tant d’art à laisser tout dans le vague, pour qu’un pignouf vienne démolir mon rêve par sa précision inepte. [1] » Mort en 1880, il ne vit pas qu’un coco nommé Antoine Bourdelle choisit de débuter au Salon de 1885 avec la Première Victoire d’Hannibal directement inspirée d’un passage de son roman (ill. 1). Fils d’Hamilcar et frère de Salammbô, Hannibal n’était encore qu’un enfant. Or, tel un petit Hercule, il attrapa un aigle et le traîna. « La bête, furieuse, l’enveloppait du battement de ses ailes ; il l’étreignait contre sa poitrine, et à mesure qu’elle agonisait ses rires redoublaient, éclatants et superbes comme des chocs d’épées. » Mais Hannibal n’est pas le personnage principal de l’histoire et l’intérêt des artistes se porta davantage sur sa sœur, imaginée par Flaubert, et destinée selon lui, à rester dans les imaginations, exclusivement : « Une femme dessinée ressemble à une femme, voilà tout. L’idée est dès lors fermée, complète, et toutes les phrases sont inutiles, tandis qu’une femme écrite fait rêver à mille femmes [2] ». La littérature serait donc supérieure aux beaux-arts ? Dès le Salon de 1882, Jean-Antoine Idrac dévoila - dans tous les sens du terme - une Salammbô toute en courbes qui danse avec son serpent, choisissant d’illustrer ce moment où la jeune femme, psalmodiant, se défait de ses vêtements et laisse son python l’enlacer, s’enrouler autour de ses flancs, sous ses bras, entre ses genoux (ill. 2). Pour les artistes, l’héroïne renouvelait le thème de la figure féminine sensuelle, dont la nudité était justifiée par un sujet puisé dans l’Antiquité ou dans l’Orient ; les deux en l’occurrence.
Georges Rochegrosse, en 1886, chercha moins à traduire l’érotisme de Salammbô que la puissance mystique qui l’auréolait lorsqu’elle apparut devant les mercenaires qui festoyaient et saccageaient les jardins de son père. Dès que Mâtho le Libyen et Narr’Havas le Numide la virent, ils nourrirent pour elle une vive passion (ill. 3).


1. Antoine Bourdelle (1861-1929)
Première Victoire d’Hannibal, 1885
Bronze - 204 x 90 x 75 cm
Paris, Musée Bourdelle
Photo : bbsg
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2. Jean-Antoine Idrac (1849-1884)
Salammbô, 1882
Marbre - 181 x 52 x 71 cm
Saint-Quentin, musée des Beaux-Arts Antoine Lécuyer
Photo : bbsg
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« Je suis sans doute la victime de quelque holocauste, qu’elle aurait promis aux Dieux [...] ? J’ai envie de me vendre pour devenir son esclave. » Ainsi parlait Mâtho, pendant que ses troupes de mercenaires grondaient contre Carthage ; la ville en effet refusait de payer leur solde alors…

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