Le Musée des Tissus est sauvé (et cette fois pour de bon)

Nous avions écrit qu’il fallait désormais sauver le Musée des Tissus malgré la Ville et la Métropole (voir l’article). Cette solution a finalement été retenue. C’est un immense soulagement pour tous les amoureux du patrimoine qui craignaient que l’établissement ne ferme définitivement ses portes.

Il manquait environ 600 000 € par an pour assurer la pérennité de l’établissement, une somme que la Ville et la Métropole auraient dû apporter [1]. Ce seront finalement la Région Auvergne-Rhône-Alpes et la Chambre de Commerce et d’Industrie qui se partageront cette charge. La Région sera donc le principal contributeur, avec environ 1,3 millions d’euros par an (sans compter les 10 millions qu’elle consacrera à la restauration des deux hôtels particuliers), et la CCI amènera 500 000 € [2] par an, au moins jusqu’à début 2022.
Unitex (l’Union Interentreprises Textile Lyon et Région), c’est-à-dire l’association des industries textiles du sud-est de la France, abondera 1 millions d’euros pour la création d’un fond de dotation qui servira de réceptacle au mécénat et à une opération de crowd-funding qui sera lancée dans quelques semaines.
La CCI vendra pour 1€ symbolique les deux hôtels particuliers qui abritent le Musée des Tissus et des Arts décoratifs, et un GIP (Groupement d’Intérêt Public), dont la Région sera chef de file, sera créé.

C’est avec une voix émue qu’Emmanuel Imberton, le président de la Chambre de Commerce et d’Industrie, qui nous a rappelé être petit-fils de soyeux, nous a appris la bonne nouvelle juste avant la conférence de presse qui commençait aujourd’hui à 14 h 30 et qui vient juste de se terminer. Il nous a fait l’honneur de nous dire que le soutien de La Tribune de l’Art depuis le début de ce combat avait fortement joué dans sa décision de ne pas abandonner. Il a souligné le rôle de tous ceux, peu nombreux selon son propre aveu, qui l’on soutenu : la Région, bien sûr, Denis Broliquier, le maire du second arrondissement de Lyon, Daniel Fruman qui a lancé une pétition ayant reçu plus de 130 000 signatures, et des personnalités comme Bernard Pivot et Stéphane Bern [3]...

Beau joueur, il indique qu’il va tendre la main à la Ville et à la Métropole de Lyon s’ils changent d’avis. Pour notre part, nous n’oublierons pas tous ceux qui ont failli laisser mourir ce musée, l’une des plus extraordinaires collections du monde dans son domaine. Lyon d’abord qui a choisi, pour des raisons que nous n’arrivons pas à comprendre, de tourner le dos à son Histoire. Rappelons que Gérard Collomb a déjà tué un musée : celui de l’Hôtel-Dieu. Il a failli en mettre un deuxième à son tableau de chasse, avec l’aide de son successeur Georges Képénékian.

Si le Ministère de la Culture n’a pas été totalement inactif (il mettra 5 millions d’euros dans la restauration des hôtels particuliers [4]), il a agi réellement a minima, en ne promettant que 300 000 € par an pendant seulement trois ans. Il a refusé dès le début de considérer que le Musée des Tissus et des Arts décoratifs était un établissement d’importance nationale (et même internationale), et que l’État, en ponctionnant la CCI de plusieurs millions, était largement responsable de cette situation. Si le salut n’était pas venu de la Région et de la CCI, le ministère aurait laissé mourir le musée, montrant ainsi que la sauvegarde du patrimoine n’est décidément pas sa priorité. Quant au Louvre, qui aurait pu jouer un rôle historique dans cette affaire, il s’est défaussé rapidement de cette question. Ne pas comprendre qu’il aurait pu légitimement décider d’en faire son département des Tissus, délocalisé à Lyon, montre à quel point il manque de vision.

C’est maintenant que tout commence. La Tribune de l’Art continuera bien sûr à informer ses lecteurs sur la renaissance de ce musée (de ces musées devrait-on dire, car il ne faut pas oublier la partie Arts décoratifs) et de ses collections et aidera celui-ci de tous ses moyens possibles à trouver les financements complémentaires. Nous ne voudrions malgré tout pas oublier quelqu’un qui aurait pu faire partie de cette aventure et qui avait amené l’établissement à un haut niveau scientifique, reconnu par ses pairs : Maximilien Durand, son ancien directeur, qui n’a pu rester en place jusqu’au bout. Espérons que la Région trouvera un nouveau conservateur à la hauteur du prochain projet scientifique et culturel.

Didier Rykner

Notes

[1On remarquera, pour donner un ordre d’idée, que 600 000 € par an, cela représente seulement 3 % du budget du Musée des Confluences, porté par la Métropole de Lyon.

[2Contrairement aux chiffres que nous avions cités, la CCI s’était déjà engagé pour 200 000 €, plutôt que 300 000 €.

[3Il s’agissait d’un appel téléphonique informel, il est possible qu’Emmanuel Imberton ait cité d’autres noms, toute omission serait la nôtre.

[4Remarquons que l’hôtel de Lacroix-Laval n’et qu’inscrit, et que l’hôtel de Villeroy n’est pas protégé au titre des monuments historiques ce qui semble incroyable.

Mots-clés

Vos commentaires

Afin de pouvoir débattre des article et lire les contributions des autres abonnés, vous devez vous abonner à La Tribune de l’Art. Les avantages et les conditions de cet abonnement, qui vous permettra par ailleurs de soutenir La Tribune de l’Art, sont décrits sur la page d’abonnement.

Si vous êtes déjà abonné, connectez-vous.