Le ministère de la Culture demande la dépose d’une installation non conforme

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La demande faite avant-hier jeudi 18 avril par la ministre de la Culture Rachida Dati à la Société foncière lyonnaise (SFL), si elle est suivie d’effets, est réjouissante. Ce promoteur est en charge de la restructuration de l’ancien Louvre des Antiquaires où s’installera bientôt la Fondation Cartier. Or, beaucoup ont découvert avec stupeur, il y a quelques jours, l’installation rue Saint-Honoré d’un auvent en verre particulièrement laid (ill. , venu dégrader la façade de ce bâtiment à deux pas du Louvre et du Palais-Royal.


1. L’auvent installé rue Saint-Honoré
(état actuel)
Photo : Didier Rykner
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2. La résille installée en 2004 sur l’immeuble de Georges Vaudoyer rue Saint-Honoré par l’architecte Francis Soler avec la bénédiction du ministère de la Culture
Photo : Jean-Pierre Dalbéra / CC BY-NC-SA 2.0
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3. Le projet tel qu’il était présenté
par les ateliers Jean Nouvel
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Juste en face, il y a vingt ans, c’était le ministère lui-même qui vandalisait l’édifice où il s’apprêtait à installer une partie de ses services, dont la direction des Patrimoines. Le beau bâtiment de Georges Vaudoyer était ainsi dégradé par l’administration théoriquement en charge de le protéger. Le ministre responsable était Renaud Donnedieu de Vabres.
Comment comprendre que les architectes des bâtiments de France parisiens aient pu à nouveau autoriser un tel saccage presque au même endroit ? L’architecte de ce projet n’est autre que les ateliers Jean Nouvel, et on sait que celui-ci, est capable du meilleur - le Louvre Abu Dhabi - comme du pire, notamment lorsqu’il s’attaque aux monuments historiques (il suffit de penser à l’Opéra de Lyon, superbe édifice du XIXe siècle complètement massacré au début des années 1990).

La ministre de la Culture a donc envoyé un courrier au président de la SFL afin de lui indiquer qu’alertée sur ces travaux, qui se sont déroulés presque sous ses fenêtres, elle avait demandé à ses services de vérifier si les autorisations données lors du dépôt du permis de construire en juillet 2018 avaient été respectées. Le visuel que nous avons pu trouver sur internet, montrant ce projet, n’était déjà pas très beau et aurait dû être retoqué. Françoise Nyssen était alors la ministre en titre. Ce qui a été réalisé est objectivement bien pire.


4. L’auvent installé rue Saint-Honoré
(état actuel)
Photo : Didier Rykner
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Car le constat du ministère est accablant : trois « points de divergence et de non-conformité » entre le projet et le résultat ont été relevés.
D’une part, la transparence de l’auvent, affirmée dans le permis de construire, n’est pas au rendez-vous. On pouvait s’en douter : le verre, répétons-le, et nous l’avons dit récemment encore à propos du projet d’extension de l’orgue de chœur de Notre-Dame (voir l’article), ou de la construction de la tour Triangle (voir l’article), n’est pas transparent, il est encore moins invisible. Il est tout au mieux translucide, ce qui est très différent. Croire qu’on ne verrait pratiquement pas cet auvent (dont on peine à comprendre l’intérêt) témoigne d’une naïveté assez navrante.


5. L’auvent installé rue Saint-Honoré
(état actuel)
Photo : La Tribune de l’Art
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6. Détail de l’auvent
Photo : La Tribune de l’Art
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D’autre part, « l’épaisseur des profils support du verre réalisés est supérieur aux sections annoncées dans le dossier », et « les gouttières posées en partie basse sur la verrière » sont beaucoup plus importantes que dans le permis de construire, ce qui crée « une ligne horizontale continue qui perturbe la lecture de l’immeuble ». Ces constats effectués par le ministère de la Culture sont factuels : ce qui a été construit ne respecte pas ce qui a été autorisé.

Enfin, l’ABF avait précisé dans son avis (qui, rappelons-le, est conforme, c’est-à-dire qu’il s’impose à l’aménageur), que « au regard de l’impact du projet dans son environnement, un prototype des menuiseries et de l’auvent, ainsi que des échantillons de matériaux, seront présentés avant mise en œuvre ». Si les prototypes des menuiseries ont bien été présentés, cela n’a pas été le cas de l’auvent, que l’ABF a découvert presque par hasard alors qu’il était en cours d’installation.

Pour toutes ces raisons (une seule suffirait d’ailleurs), la ministre demande donc expressément la dépose de l’ouvrage dans les meilleurs délais. Nous nous permettons de conseiller à la Société foncière lyonnaise, mais aussi à la Fondation Cartier, de renoncer à cet auvent inutile et disgracieux, même sur le visuel du projet. Ils feront ainsi des économies et gagneront du temps, et ils épargneront aux Parisiens une nouvelle verrue.
Faisons également une suggestion au ministère de la Culture : vingt ans après l’installation de cette horrible résille sur l’immeuble des Bons-Enfants, ne serait-il pas temps de l’enlever et de rendre à l’immeuble dans lequel ses services sont censés veiller au patrimoine son caractère... patrimonial.

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