Un Vouet relance la question des trésors nationaux

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Il y a moins d’un an, le ministère de la Culture augmentait drastiquement les seuils de prix à partir desquels les œuvres d’art devaient obtenir un certificat d’exportation avant de pouvoir quitter la France (voir l’article). Si pour quelques rares catégories, comme les dessins, cette augmentation était justifiée, elle s’avère comme nous le craignions dramatique pour d’autres. C’est ainsi qu’un tableau (ou plutôt un grand fragment de tableau) de Simon Vouet, qui passe en vente actuellement chez Sotheby’s à Paris [1] (ill. 1), n’a pas eu besoin de certificat d’exportation car son estimation basse est inférieure au nouveau seuil. Celui-ci est en effet passé de 150 000 € à 300 000 €, un montant beaucoup trop élevé alors que les tableaux anciens connaissent une stagnation, voire une baisse de leur cote.


1. Simon Vouet (1590-1649)
Les Anges portant la colonne de la Passion, 1625
Huile sur toile - 131 x 77 cm
Vente Sotheby’s Paris, 5-10/11/21
Photo : Sotheby’s
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2. Simon Vouet (1590-1649)
Les Anges portant les instruments
de la Passion
, 1625
Huile sur toile - 132 x 77 cm
Besançon, Musée des Beaux-Arts
Photo : Musée de Besançon/Charles Coffet
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L’œuvre en question est connue des lecteurs de La Tribune de l’Art puisque elle avait été publiée pour la première fois ici-même (voir la brève du 8/11/06), à peine réapparue à Drouot où elle s’était vendue 255 000 € sur une estimation de 500 à 600 €.

S’agissant d’une toile d’un des plus grands peintres français du XVIIe siècle, un rare témoignage d’une de ses plus importantes commandes italiennes à Rome (pour la basilique Saint-Pierre) et « pendant » d’un autre fragment (ill. 2) représentant également les anges portant les instruments de la Passion déjà conservé dans un musée français, Besançon, elle possède toutes les caractéristiques d’un trésor national. Une demande de certificat d’exportation aurait permis au grand département des peintures de le refuser, donnant deux ans et demi aux musées français et notamment à Besançon pour trouver un mécénat d’entreprise (déductible à 90%) permettant de l’acquérir. S’il est en effet difficile de trouver plusieurs centaines de milliers d’euros en quelques semaines, cette tâche est tout à fait réalisable avec du temps et de la volonté, dès lors que le montant reste relativement modéré pour une acquisition muséale.

Deux hypothèses sont désormais possibles : soit le tableau est vendu moins de 240 000 € marteau [2], c’est-à-dire moins de 300 000 € avec les frais, et il est libre de sortir sans certificat ; il faut alors espérer que les musées français auront réussi à trouver cette somme d’ici là pour le préempter, faute de quoi il pourra sortir de France. Soit l’œuvre se vend 240 000 € ou davantage et l’acheteur, à supposer qu’il veuille lui faire quitter le pays, devra faire une demande de certificat d’exportation. On ne peut imaginer, dans ce cas là, qu’elle lui soit accordée. Cela permettrait à Besançon de réunir l’argent nécessaire. Répétons-le : il ne s’agira pas ici de trouver plusieurs millions d’euros, mais bien quelques centaines de milliers, ce qui n’a rien d’impossible en deux ans et demi et avec 90% de déduction fiscale.

Ce tableau doit rester en France et l’idéal serait qu’il intègre les collections du Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon.

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