Roland-Garros : Ségolène Royal rend l’espoir aux protecteurs du patrimoine

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Le jardin des Serres d’Auteuil à l’emplacement
où doit être construit le court de tennis
Photo : Didier Rykner
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Depuis que le projet de la FFT d’agrandir Roland-Garros sur le jardin des Serres d’Auteuil a été lancé et soutenu par la Mairie de Paris et le gouvernement, nous prévoyons qu’à terme les opposants finiront par gagner et empêcher ce vandalisme imbécile. La Fédération et la ville de Paris ont préféré s’obstiner plutôt que de regarder avec les associations comment sortir par le haut de ce dossier. Pourtant, une solution a été très vite proposée par ces dernières avec un contre-projet permettant d’épargner le jardin et d’étendre la surface dévolue au tournoi en couvrant l’autoroute. Cette idée a été balayée dédaigneusement par des responsables totalement obtus et obstinés.

Jusqu’à présent, une coalition politique improbable allant de la mairie de Paris à gauche jusqu’au gouvernement de Nicolas Sarkozy à droite, avait donné toutes les autorisations nécessaires au projet néfaste de la FFT. Plus grave, le ministère de la Culture, en charge de la protection du patrimoine, se déshonorait en ne s’y opposant pas. Inutile de dire que Fleur Pellerin se situe parfaitement dans la ligne de ses prédécesseurs, qu’il s’agisse de Frédéric Mitterrand ou d’Aurélie Filippetti. Se retranchant derrière les décisions prises par ses instances (sous la pression des politiques), le ministère a pour position officielle, nous a-t-on répondu sans aucune honte « qu’il s’agit d’un projet normal comme beaucoup d’autres, et qu’il a été validé car il ne touche pas du tout aux serres classiques ». Pour le ministère de la Culture, « le nouveau bâtiment vient s’implanter sur des serres non protégées et sans intérêt esthétique ; il s’agit d’un projet très correct puisqu’on reconstruit les serres autour du cours, passé par les procédures les plus classiques. » Il conclut sans rire : « Ce qui intéresse le ministère c’est bien la protection des monuments concernés et la qualité architecturale des projets proposés. Ce qui est nécessaire c’est qu’il y ait toutes les garanties au fait de préserver les sites qui sont sous notre garde. » Circulez donc, il n’y a rien à voir, ce projet est magnifique et préserve le patrimoine. Une démission qui ne nous étonne même plus, c’est peut-être cela le plus inquiétant.

Heureusement, un espoir vient de surgir là où on ne l’attendait pas : de Ségolène Royal, ministre de l’Écologie. Celle-ci – elle l’a déjà prouvé avec l’annulation de l’interdiction des feux de cheminée – possède un certain bon sens. Et elle ne comprend pas, pas davantage que les quelque 61 000 signataires de la pétition opposée à la destruction des serres [1], pourquoi le projet des associations a été repoussé depuis le début alors qu’il permet, pour un coût équivalent, d’agrandir Roland-Garros à Paris même (une idée pourtant très discutable en elle-même) sans toucher aux Serres d’Auteuil. Un rapport qu’elle a commandé a conclu que rien, en réalité, ne s’opposait à ce contre-projet qui consiste à couvrir partiellement l’autoroute qui longe Roland-Garros.

Gilbert Ysern, le président de la FFT, explique à Sport.fr dans une interview donnée le 17 février 2015 qu’il a « du mal à comprendre ». Cela n’étonnera personne, cela fait des années qu’il ne comprend pas. Il ne comprend même rien à rien, car il s’inquiète uniquement de ce rapport et des conséquences d’un refus du ministère de l’Écologie alors que, même sans ce nouveau développement, le projet est encore très loin de sa mise en œuvre : les associations ont en effet annoncé qu’elles attaqueraient systématiquement les permis de construire si ceux-ci devaient être délivrés. Quels que soient les prochains développements, il est évident que les travaux ne sont pas près de commencer et que les délais espérés par Gilbert Ysern (une livraison en plusieurs étapes entre 2017 et 2019) sont totalement fantaisistes et relèvent de la méthode Coué [2].

Fort heureusement, Ségolène Royal lui a fermement répondu dans le dernier numéro du Journal du Dimanche « Sur Roland-Garros, la FFT fait un très mauvais calcul ». Elle préconise l’ « examen approfondi du projet alternatif » ajoutant avec beaucoup de justesse : « Ce serait son intérêt. Car que va-t-il se passer ? Il va y avoir des contentieux. Alors ne vaut-il pas mieux bien faire les choses en amont et avoir des bases juridiques solides lorsque les permis seront délivrés plutôt que de les voir annulés par la suite ? » Elle évoque les précédents du barrage de Sivens et du Center Parcs de Roybon. On ne pourrait être davantage d’accord.

Malgré les malheurs qui l’accablent, Gilbert Ysern ne manque pas d’humour puisqu’il ose déclarer (toujours dans le JDD) : « On n’a pas de leçon de démocratie participative à recevoir. La concertation a été exemplaire, et l’enquête publique très claire. » La concertation, en réalité, a été à peu près nulle, ce qui n’a rien d’étonnant avec la mairie de Paris qui tente de passer en force dans tous les dossiers en refusant systématiquement d’écouter les opposants. Cela fait presque trois ans que le contre-projet a été proposé par les associations : si celui-ci avait été pris au sérieux, rien ne s’opposerait plus à un début des travaux qui seraient acceptés par tout le monde. Quant à l’enquête publique, il n’est pas étonnant que le président de la FFT s’en réclame : il aurait pu en écrire les conclusions qui, en réalité, ne reflètent absolument pas l’opinion publique telle qu’elle s’est exprimée auprès du commissaire-enquêteur (nous renvoyons à l’article que nous lui avons consacré).

La FFT et son président ne pourront s’en prendre qu’à eux-mêmes si, à terme, leur projet échoue et si Paris perd le grand chelem au profit de Madrid. Et si, cerise sur le gâteau, l’impossibilité d’étendre Roland-Garros avant 2024 provoquait, comme le craint Gilbert Ysern, la perte des Jeux Olympiques, une manifestation ruineuse et une nouvelle menace contre le patrimoine parisien, ce serait une double victoire des défenseurs de notre capitale.

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