La vente du mobilier du Train bleu : un scandale légal

1. France, vers 1900
Porte-manteaux
Bois verni, laiton - H. 218 cm
Photo : Jacobowicz et associés
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Le 30 juin, la SVV Jacobowicz et Associés vendra une partie des meubles du célèbre Train Bleu, le restaurant de la gare de Lyon. Ce lieu magnifique, typique de l’art 1900, est pourtant entièrement protégé au titre des monuments historiques. Mais son mobilier, créé spécialement pour lui et qui fait partie intégrante de son décor, n’est pas inclus dans cette protection, rien ne permettant d’ailleurs, en l’état actuel de la législation, son classement comme ensemble ni sa conservation in situ.
Comme le signale Julien Lacaze dans un article paru sur le site de la SPPEF, des dispositions en ce sens sont prévues dans la loi patrimoine (c’est un de ses aspects positifs) dont on ne sait ni quand ni même si elle verra finalement le jour. Le projet de loi tel que nous en avons connaissance ne prévoit le maintien in situ que si le propriétaire est d’accord, ce qui ne serait évidemment pas le cas ici. Mais si le classement d’office comme ensemble était permis, cela limiterait fortement l’enthousiasme des acheteurs.

Le Train Bleu va perdre ainsi une grande partie de son charme, ce qui nuira forcément à terme à sa fréquentation. Un mauvais calcul de son propriétaire [1] qui s’apprête littéralement à brader son patrimoine. Individuellement en effet, ce mobilier ne vaut pas cher : le total de l’estimation haute de la vente se monte seulement à 52 490 € pour 120 lots, soit en moyenne 537 € par lot (qui comprend aussi de la vaisselle portant la marque du célèbre restaurant) ! Pour 52 490 €, Paris s’apprête à voir dénaturer un de ses plus beaux décors 1900, une période que l’on célèbre en ce moment même au Musée du Petit Palais !


2. France, vers 1900
Saint-Hubert (d’une paire)
Bois - 205 x 324 x 60 cm
Mobilier d’origine du Train Bleu
Photo : Jacobowicz et associés
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3. France, vers 1900
Encoignure (d’une paire)
Bois, marbre - 175 x 121 cm
Photo : Jacobowicz et associés
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L’État n’est pourtant pas totalement dépourvu de moyens : plusieurs solutions seraient possibles pour limiter les dégâts. D’une part le ministère de la Culture devrait se rapprocher rapidement du vendeur pour lui expliquer l’erreur qu’il commet. Si cela n’était pas suffisant, rien n’empêche l’État de préempter systématiquement tout le mobilier : la somme est modeste, et cela permettrait d’attendre des jours meilleurs, quand le propriétaire (ou son successeur) se rendra compte de l’erreur majeure qu’il est en train de commettre. Ou encore, au cas où l’État (ou la Ville de Paris, également concernée) serait trop pauvre pour dépenser 50 000 € afin de sauver un élément du patrimoine, il devrait être possible de classer monument historique un par un les 120 lots de la vente (ou au minimum les meubles, s’il est trop complexe et peut-être excessif de protéger également la vaisselle) à défaut de pouvoir le faire pour l’ensemble : cela empêcherait la dispersion des objets hors de France et le ministère connaîtrait à chaque instant leur lieu de conservation. L’avenir serait ainsi préservé a minima.

Cette vente constitue une autre forme de vandalisme qu’il est encore possible de limiter. Elle témoigne en tout cas de la nécessité, loi patrimoine ou pas, de légiférer de manière urgente sur la protection des ensembles mobiliers historiques.

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