Des œuvres de Michel Bourdin disparues incognito après 1987

8/6/21 - Vol d’œuvre d’art - Saint-Valérien, église Saint-Valérien - Il y a quelques mois, nous avions à l’occasion des journées du patrimoine publié un article sur plusieurs communes du Gâtinais en Bourgogne montrant des monuments et des œuvres parfois peu connues.
À l’église Saint-Valérien de la commune du même nom, nous avions en particulier reproduit le Monument funéraire de Pierre Dauvet du XVIIe siècle (ill. 1), par le sculpteur Michel Bourdin. Les personnes gardant l’église nous avaient alors dit que deux angelots avaient disparu de ce monument (ill. 2), ce qui expliquait pourquoi celui-ci était inaccessible derrière les grilles fermant le chœur.

Inquiet de cette disparition, nous avions contacté la DRAC. Michaël Vottero, conservateur des monuments historiques, n’était pas au courant de cette disparition et nous avait promis d’aller voir l’église. On lui avait alors dit que lors de travaux effectués en 1987, les putti allongés situés aux pieds du Christ à sa droite et à sa gauche, ainsi que la tête de mort et les os au centre, avaient été déposés « en lieu sûr », et finalement oubliés. Ils devaient donc être remis en place.
Malheureusement, après des recherches infructueuses, il a bien fallu se rendre à l’évidence : les trois sculptures, ainsi d’ailleurs que le fronton brisé qui supportait ce groupe, ont bel et bien disparu, très certainement volées (ill. 3 et 4). Si nous ne l’avions pas signalé, il est probable que personne ne s’en serait encore aperçu avant des années.


1. Michel Bourdin (vers 1585-1645)
Monument funéraire de Pierre Dauvet
État avant 1987
Marbre
Saint-Valérien, église Saint-Valérien
Photo : Henri Heuzé
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2. Michel Bourdin (vers 1585-1645)
Monument funéraire de Pierre Dauvet
État en 2020, après la dépose et le vol des putti, du crâne et du fronton en 1987
Marbre
Saint-Valérien, église Saint-Valérien
Photo : Didier Rykner
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Constatant donc ce vandalisme, la DRAC a porté plainte pour vol. Soyons clair : nous ne pouvons mettre en cause ici les conservateurs. En sous-effectif permanent, il leur est impossible de contrôler tout et de s’apercevoir de toutes les disparitions, d’autant que celle-ci a certainement eu lieu peu après 1987, alors qu’aucune des personnes en poste n’était encore là, et qu’une simple visite de l’église, où le monument n’apparaît pas incomplet si l’on ne connaissait pas son état antérieur - qui a cependant eu lieu au moins en 2016, date d’une photographie sur la base Mémoire - ne permet pas forcément de voir que des éléments ont disparu. S’il y avait des fonctionnaires à mettre en cause, ce sont ceux qui, à l’époque, étaient en charge de suivre le chantier de restauration, à condition d’ailleurs qu’ils aient été avertis de celui-ci et qu’il n’ait pas été mené sans qu’ils en soient prévenus.


3. Michel Bourdin (vers 1585-1645)
Putti et fronton brisé, groupe volé du Monument funéraire de Pierre Dauvet
Le crâne et sa base, à l’époque de la prise de cette photo, semblent donc avoir déjà disparu
Marbre
Saint-Valérien, église Saint-Valérien
Photo : CAOA Yonne
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4. Michel Bourdin (vers 1585-1645)
Putti, crâne et fronton brisé, groupe volé du Monument funéraire de Pierre Dauvet (mauvaise photo, mais la seule où l’on voit le crâne)
Marbre
Saint-Valérien, église Saint-Valérien
Photo : Henri Heuzé
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Il reste que cela pose plus largement la question de la formation du clergé et des maires à la gestion de leur patrimoine. C’était bien en effet à ceux-ci, d’abord, de veiller sur ce patrimoine, et de porter plainte immédiatement en cas de disparition. Localement, le vol était connu puisque c’était l’explication qui nous avait été donnée lors de notre visite à l’inaccessibilité de ce monument. Il est absolument anormal que celui-ci n’ait jamais été signalé à la DRAC, qu’il n’ait pas fait l’objet immédiatement d’une plainte et qu’il n’ait jamais été médiatisé.

L’inaliénabilité et l’imprescriptibilité du patrimoine public permet, au moins, d’espérer un jour un retour de ces putti et de ce crâne - et espérons-le, du fronton - à leur emplacement d’origine. Nous publions ici les meilleures photos de cet ensemble dont nous disposons. Elles ne sont pas très bonnes, mais elles devraient permettre leur identification si ces éléments passent un jour en vente, ou s’ils sont conservés aujourd’hui, en toute bonne foi, dans une collection privée, voire un musée, qui les aurait acquis sans connaître leur origine frauduleuse. Si un lecteur de La Tribune de l’Art les connaît ou les voit passer, qu’il n’hésite pas à nous prévenir ou directement l’OCBC. Ce vandalisme doit être réparé.

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