Anne Hidalgo rejoint notre combat contre la grande roue de Paris

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Grande roue installée sur la place de la Concorde
Septembre 2016
Photo : Didier Rykner
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Le 20 octobre dernier, le référé suspension contre l’autorisation de la DRAC pour l’installation de la grande roue a été rejeté. Contrairement à ce qu’on a pu lire ici ou là, cette décision ne conteste que l’urgence du jugement, et ne porte en aucun cas sur le fond comme le rappelle ici même Julien Lacaze (voir l’article) qui explique par ailleurs pourquoi la violation du PLU rend l’irrégularité de cette installation indiscutable.

Mais la fin de la grande roue sur la place de la Concorde pourrait bien, avant même que la justice administrative ne prononce son jugement (ce qui pourrait intervenir après son démontage, raison pour laquelle l’urgence était selon nous avérée), venir de… Anne Hidalgo elle-même. L’étau judiciaire qui se resserre sur Marcel Campion, pour lequel la Ville de Paris avait toujours eu les plus délicates attentions, rend celui-ci moins fréquentable. Ses tentatives récentes d’installer en force son marché de Noël et de bloquer Paris ont achevé de convaincre la maire que celui-ci n’était plus recommandable. Non, contrairement à ce que dit fort élégamment le « roi des forains », Anne Hidalgo n’est pas « dérangée mentalement ». Elle se protège et par la même occasion, exceptionnellement, va peut-être protéger Paris. On ne peut que s’en réjouir.

Quand on lit ce que déclare désormais Anne Hidalgo à propos de la grande roue, ou ce que déclare Bruno Julliard au Parisien ce n’est plus le sourire qui vient aux lèvres, on en vient à se pincer pour s’assurer qu’on ne rêve pas. « Pour Anne Hidalgo, la grande roue s’accorde mal dans le paysage architectural du centre de Paris, entre l’Arc de Triomphe et le musée du Louvre » lit-on dans Le Point. Pour Bruno Juilliard : « Paris veut […] mettre un terme à ce qui contribue à dégrader la perspective entre l’Arc de Triomphe et le Louvre » (voir aussi par exemple, cette vidéo, vers 1’). La ville reprend ainsi les arguments des associations SOS Paris et Sites et Monuments, cette dernière menant depuis plusieurs mois une bataille judiciaire au long cours, ainsi que ceux de La Tribune de l’Art !

Rappelons que chaque année, la Ville de Paris accordait son autorisation pour installer une grande roue toujours plus haute et toujours plus longtemps, que l’an dernier la Ville de Paris n’hésitait pas à la faire figurer plusieurs fois dans un film promotionnel destiné à faire revenir les touristes dans la capitale et que - pour ne prendre qu’un exemple - Bruno Juilliard déclarait devant le Conseil de Paris le 29 septembre 2015 : « Nous souhaitons une grande roue dès cet hiver et pour l’Euro 2015 […]. J’admets des avis esthétiques [négatifs] sur la présence d’une grande roue à cet endroit là de Paris, je ne partage pas ces avis esthétiques ». Il y affirmait également « Nous souhaitons qu’il y ait sur les Champs-Élysées et la place de la Concorde des attractions populaires comme le marché de Noël et la grande roue et nous l’assumons pleinement ». Manifestement, ils ne l’assument plus.

On a beau connaître l’évangile selon Saint-Luc : « il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent, que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de repentance », le revirement de la Ville de Paris fait sourire. Il est dommage cependant que certains journalistes se laissent berner. Dans un article par ailleurs particulièrement indigne publié par M le Monde, Laurent Telo va même jusqu’à compter Marcel Campion au nombre des « bashers » de la maire de Paris en le le mettant sur le même plan qu’Alexandre Gady, le président de Sites et Monuments, qui combat à la fois la grande roue de Marcel Campion et la politique patrimoniale désastreuse d’Anne Hidalgo ! Même RTL, qui a révélé l’information de la volonté toute nouvelle d’Anne Hidalgo d’enlever la grande roue, écrit que celle-ci « n’aime pas l’imposant manège » !

Marcel Campion n’a donc plus désormais comme défenseur que le ministère de la Culture et la DRAC Île-de-France, et cette dernière va se retrouver toute désemparée de ne plus pouvoir soutenir la grande roue... Il lui restera peut-être encore les deux baraquements pour exercer son action « régularisatrice » ?

Peu importe après tout. Si la roue quittte définitivement la place de la Concorde, et si son installation prochaine (pour six mois…) s’avère être la dernière, ce sera une nouvelle victoire non pas de la mairie de Paris, encore moins du ministère de la Culture, mais bien de Sites et Monuments et de La Tribune de l’Art. Car si une véritable opposition à celle-ci ne s’était pas manifestée fermement depuis au moins deux ans (voir nos articles), jamais l’installation de cette verrue au cœur de Paris n’aurait pu être remise en cause.

Didier Rykner

P.-S.

Notre article est à peine mis en ligne que l’on apprend par plusieurs journaux (voir par exemple ici) que la Ville de Paris vient d’être mise en examen pour favoritisme dans l’affaire de la grande roue. Ce qui confirme, s’il en était besoin, que les relations entre Anne Hidalgo et Marcel Campion ont longtemps été excellentes, et que la grande roue plaisait beaucoup à la maire de Paris.

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