- Catherine Pégard
Photo : Nicolas Duprey/CD 78 (CC BY-ND 2.0) - See the image in its page
C’est une nouvelle fois La Lettre A qui révèle le pot aux roses un peu avant qu’il ne soit mis en œuvre : après le décret Pégard, voilà maintenant l’amendement Pégard. Une histoire tellement rocambolesque depuis quelques mois qu’elle pourrait faire l’objet d’un volume des aventures de Catherine, qui s’intitulerait : « Catherine aux jeux Olympiques ». Nous renvoyons aux épisodes précédents de cette affaire fascinante qui révèle tellement de choses sur la véritable nature de notre République, une démocratie certes, mais une démocratie malade, faite de passe-droits, de petites combines et de courtisanerie. Qu’elle concerne Versailles, lieu du pouvoir royal, est en soi éclairant.
L’amendement nécessaire pour maintenir la présidente intérimaire de Versailles (qui n’a plus ce titre en réalité depuis plusieurs semaines et se trouve actuellement dans des limbes administratifs) a été déposé par François Patriat, sénateur de la Côte-d’Or. Voici son texte, qui tient sur une feuille de papier à cigarette, mais un bon amendement n’a pas besoin de trop de mots : « Les personnes exerçant des fonctions de président ou de directeur d’établissement public à la date de l’attribution des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 à Paris et qui participent directement à l’organisation de ces jeux peuvent, nonobstant toute disposition contraire, exercer lesdites fonctions jusqu’au 31 décembre 2024. »
Et comme tout texte de loi doit justifier de sa pertinence, voici comment François Pétriat, sénateur travaillant en parfaite indépendance de l’Élysée - la séparation des pouvoirs n’est tout de même pas un vain mot - justifie son amour soudain pour les présidents d’établissements publics (nous devrions écrire évidemment « présidentes ») : « L’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 requiert de mobiliser l’ensemble des structures, personnels et compétences disponibles, pour assurer leur réussite et permettre ainsi à cet évènement majeur de contribuer pleinement au rayonnement de notre pays. Dans cette perspective, il est essentiel d’assurer pendant la période à venir la continuité de l’action des organismes mobilisés. Aussi, cet amendement a pour objet de permettre aux dirigeants d’établissements publics en fonctions à la date d’attribution des jeux Olympiques et Paralympiques et participant directement à leur organisation de pouvoir continuer à exercer ces fonctions jusqu’à la fin de l’année 2024, nonobstant toute disposition contraire. »
On appréciera la manière dont se termine cet « exposé sommaire », en reprenant exactement le texte de l’amendement, dans une sorte d’auto-plagiat, qui fera sûrement la délectation des historiens futurs. « Ils doivent pouvoir exercer leur fonction, nonobstant toute disposition contraire, parce qu’ils doivent pouvoir continuer à exercer leur fonction, nonobstant toute disposition contraire ». Avouons que c’est imparable.
Il est en effet évident, et nous nous étonnons de ne pas l’avoir compris plus tôt, que nulle autre que Catherine Pégard, ancienne journaliste politique et conseillère de Nicolas Sarkozy, nommée à Versailles sans aucun titre ni compétence dans le domaine des musées et monuments historiques, n’était en mesure d’assurer le bon déroulement des épreuves olympiques : elle n’a en effet aucun titre ni compétence dans le domaine du sport et des grandes compétitions internationales. Elle était donc toute désignée pour assurer cette mission.
Un amendement présenté à la sauvette dans une loi dont nous avons déjà écrit qu’elle était remplie de ce genre de cavaliers législatifs (voir notamment cet article) - car même s’il s’agit officiellement d’une mesure en lien avec les jeux Olympiques, on comprend bien qu’il n’en est rien - voilà qui vient une fois de plus démontrer de quoi il retourne.
Mais ce nouveau tour de passe-passe semble contenir, comme pour le décret qui était envisagé, une faille juridique : Catherine Pégard n’exerçant plus actuellement la présidence de Versailles - même si on veut nous le faire croire, ayant dépassé toutes les limites légales, comment pourrait-elle être prolongée grâce à cet amendement ? Il est donc fort probable que, si la loi était votée telle quelle, elle resterait à la merci de n’importe quel recours juridique.
Les groupes parlementaires de l’opposition, au Sénat et à l’Assemblée nationale, qui ont le pouvoir d’empêcher ce nouveau fait du prince vont-ils prendre leurs responsabilités ? On aimerait croire que oui, mais sans trop d’illusions. S’agissant d’une nomination effectuée sous la présidence de Nicolas Sarkozy, renouvelée par François Hollande et désormais soutenue contre vents et marées par Emmanuel Macron, rien n’est moins sûr. On attend, notre boîte de pop-corn calée sur les genoux et avec une impatience non dissimulée, la suite de cette série à côté de laquelle House of Cards n’est qu’un soap sirupeux.