- 1. Arcades rouvertes de la cour d’Honneur de l’hôtel de la Marine
Photo : Didier Rykner - Voir l´image dans sa page
Le chantier de l’hôtel de la Marine bat son plein et nous avons pu le visiter. Incontestablement, et même s’il faut regretter la publicité géante qui s’affiche sur la place de la Concorde, ces travaux sont menés d’une manière très satisfaisante, en respectant l’histoire du monument et en suivant des principes qu’on aimerait voir appliquer ailleurs (voir aussi cet article). L’hôtel de la Marine, c’est un peu l’anti-Versailles, car la maîtrise d’ouvrage, le Centre des Monuments Nationaux, joue son rôle en imposant à l’architecte en chef des monuments historiques Christophe Bottineau (pourtant associé à Frédéric Didier et Jacques Moulin, les deux ACMH de Versailles…) des prescriptions strictes : minimum de réintégration des peintures originales découvertes, pas de réinvention inutiles, conservation au maximum des parties anciennes (notamment les huisseries), etc.
Il est amusant de lire (sur un blog du Huffington Post du 30 mars 2018) l’ancien candidat à la reprise de l’hôtel de la Marine Alexandre Allard, qui voulait le transformer notamment en hôtel de luxe (voir cet article, se plaindre du projet actuel sous prétexte qu’il démembrerait 250 années d’unité. Or, bien au contraire d’un démembrement, le projet actuel vise bien au contraire à maintenir son unité, sous la houlette du CMN.
Une grande partie du monument sera largement ouverte au public, et sur l’extérieur. Ainsi, les arcades et les deux cours du rez-de-chaussée seront librement accessibles aux visiteurs. Dans la cour d’Honneur, les arcades du côté ouest, qui avaient été bouchées tardivement alors que Gabriel souhaitait donner l’aspect d’une galerie de cloître, ont été dégagées (ill. 1).
La cour d’Honneur restera à l’air libre, contrairement au projet Allard qui prévoyait sa couverture par Jean Nouvel [1]. Un restaurant sera installé au rez-de-chaussée et à l’entresol, sur le côté nord de la cour d’Honneur, et un café sur les mêmes niveaux du côté sud. Ces espaces ne comportent aucun décor. Un salon de thé occupera les pièces du premier étage situées dans le pavillon ouest (sur la rue Royale) qui abritaient jusqu’en 2015 le cabinet du chef d’État-major de la Marine. Ces espaces, en revanche, comportent des décors qui seront bien sûr entièrement préservés et mis en valeur (ill. 2).
- 2. Pièce de l’ancien cabinet du chef d’État-major de la Marine qui abritera le salon de thé
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- 3. Ancien centre opérationnel de la Marine où seront les salles d’exposition
Le reste de plafond que l’on voit est le seul élément de décor retrouvé (il sera conservé mais sous un coffrage)
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- 4. Élément de décor en cours de dégagement
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Au premier étage, trois circuits de visite seront possibles en accès libres : soit uniquement les grands salons d’apparat, soit les appartements de Thierry de Ville-d’Avray suivis des grands salons, soit enfin les salles d’exposition qui seront créées dans des pièces ne comportant plus aucun décor, et où se trouvait l’ancien centre opérationnel de la Marine (ill. 3). Ces expositions, comme nous l’expliquait Philippe Bélaval dans l’interview qu’il nous a récemment accordée, auront des sujets variés, pas uniquement en rapport avec l’hôtel de la Marine.
Certaines pièces, trop petites pour permettre la libre circulation, seront ouvertes dans le cadre de visites guidées. Dans l’une d’entre elles, à l’entresol, a été découvert un joli décor mural du XVIIIe siècle à motifs floraux dont le dégagement est en cours (ill. 4). Là encore, il n’est pas question de le restaurer outrageusement mais de le laisser dans l’état un peu défraichi et authentique dans lequel il réapparaît aujourd’hui. L’une des caractéristiques de l’hôtel de la Marine est la conservation des couloirs et passages qui servaient au service et se trouvent cachés derrière les pièces principales (un peu comme à Versailles). Ces espaces pourront aussi être inclus dans les visites guidées.
- 5. Décors du deuxième étage qui sera loué
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- 6. Décors du deuxième étage qui sera loué
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À l’entresol, l’appartement de Mme de Ville-d’Avray, qui conserve des boiseries et cheminées d’époque, mais plus simples, et sans mobilier, sera remeublé et ouvert au public, mais également privatisable. Enfin, si le reste du bâtiment sera loué à deux ou trois entreprises (au maximum) pour y établir leurs bureaux, le cahier des charges est extrêmement sévère dans les parties où des boiseries et cheminées existent encore. Non seulement tous ces décors devront être conservés, mais les luminaires et les tissus des rideaux seront imposés par le CMN pour rester cohérents avec le reste du monument. On peut certes regretter que quelques pièces (ill. 5 et 6) ne soient pas incluses dans le parcours de visite, mais il est vrai que leur intérêt, réel, est beaucoup moins fort que celui des niveaux inférieurs. L’essentiel est que leur préservation soit actée intégralement.
- 7. Ancien cabinet doré, reste de corniche
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- 8. Ancien cabinet doré, restes de boiseries
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La restauration en cours a permis certaines découvertes, notamment les boiseries et la corniche encore particulièrement bien préservées de l’ancien cabinet doré qui avait été transformé en office au XIXe siècle puis en cuisine au XXe. Nous avions pu y jeter un œil il y a quelques années, et l’ensemble était recouvert de parois en inox. Dessous, se trouvaient donc encore les restes des décors (ill. 7 et 8). Par exception, les parties manquantes seront refaites, ce qui s’explique car il n’y a ici aucune invention d’un état qui serait hypothétique ; laisser le cabinet dans cet état, avec un décor partiel, n’aurait pas grand sens. Il s’agit bien ici d’une restauration, pas d’une reconstitution à partir de rien, comme nous les dénonçons régulièrement. Par ailleurs, la pièce pourra retrouver les deux cheminées, une factice et une vraie, qui ont été retrouvées déplacées dans d’autres parties du monument (ill. 9).
- 9. Cheminée de l’ancien cabinet doré
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- 10. Ascenseur bientôt supprimé
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L’objectif du CMN est de permettre la déambulation la plus naturelle possible dans les appartements. Pour la visite du cabinet des glaces, petit chef-d’œuvre rococo aménagé par Thierry de Ville-d’Avray, la seule solution possible pour y parvenir sans risque est de protéger par du verre les deux portes d’entrée et de sortie qui seront ouvertes. La solution sera - forcément - peu esthétique, mais il serait impossible de permettre la visite sans ce type de protection, qui sera néanmoins totalement amovible. En revanche, certaines adjonctions malheureuses pourront être retirées comme cet ascenseur (ill. 10) qui venait défigurer un escalier du XVIIIe siècle.
L’ouverture large d’un monument historique au public pose toujours des questions extrêmement complexes qui s’apparentent à la quadrature du cercle. Il est parfois nécessaire de choisir des solutions de compromis, sans mettre en péril la conservation et l’authenticité de l’édifice. Nous jugerons des travaux une fois terminés, mais les principes qui guident le CMN nous semblent les bons. Bien meilleurs, en tout cas, que si Alexandre Allard et Renaud Donnedieu de Vabres avaient mis la main sur l’hôtel de la Marine.