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- Alfred Gérente (1821-1868)
sous la direction d’Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc (1814-1869)
Vitrail de la chapelle Saint-Joseph, 1865, quatrième chapelle du bas-côté droit
Paris, cathédrale Notre-Dame
Photo : La Tribune de l’Art - Voir l´image dans sa page
La loi du 29 juillet 2019 pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame a l’avantage d’être claire sur un point, qui est contenu dans son titre : il s’agit de conservation et de restauration. Pas de création. Et la souscription nationale pour Notre-Dame enfonçait le clou, n’ajoutant qu’un autre usage pour l’argent récolté grâce à la générosité des donateurs, la formation des professionnels en charge du chantier [1].
La loi ajoutait par ailleurs que ces travaux de conservation et de restauration : « préservent l’intérêt historique, artistique et architectural du monument ».
Quant à l’établissement public créé par cette même loi, il n’a qu’une mission : « assurer la conduite, la coordination et la réalisation des études et des opérations concourant à la conservation et à la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris ». Là encore : conservation et restauration. Uniquement cela, et rien d’autre.
Que celui-ci ait organisé le concours pour la création des nouveaux vitraux et le remplacement des anciens toujours en place et classés est donc hors la loi à plusieurs titres :
– ce n’est pas dans la mission définie par la loi,
– c’est même contraire à cette mission qui est de restaurer et de conserver Notre-Dame, puisqu’il s’agit justement d’enlever des vitraux classés, donc de ne pas les conserver,
– le temps passé à ce projet de nouveaux vitraux est rémunéré par le budget de l’établissement public, qui est abondé par les dons provenant de la souscription : or il s’agit d’argent qui doit être exclusivement réservé à la restauration et à la conservation de l’édifice.
Le marché public et la procédure - notamment le concours qui a été organisé - pour ce projet sont donc totalement illégaux. La première phase, de candidature, impliquait une remise des plis le 24/5/2024. Le règlement de consultation était ainsi intitulé : « Conception, réalisation et pose de vitraux contemporains dans les baies de six chapelles du bas-côté sud de la nef de la cathédrale Notre-Dame de Paris ». On y cherche en vain en quoi il est question ici de « conservation et restauration ». Le pouvoir adjudicateur est clairement nommé : il s’agit de l’établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Toute la procédure ayant mené à la désignation de Claire Tabouret est donc nulle.
Ce n’est d’ailleurs que le 26 novembre 2024 que le Conseil d’administration a donné « délégation au président [de l’établissement public] pour passer le marché de conception, réalisation et pose de vitraux contemporains dans les baies de six chapelles du bas-côté Sud de la nef ». Il est amusant de voir un conseil d’administration donner une délégation d’un pouvoir qu’il n’a pas.
Le marché a été finalement conclu le 30 décembre 2024 et l’avis d’attribution a été publié le 26 janvier 2025 (on y apprend que la seule fabrication de ces vitraux coûtera 3,1 millions d’euros, le tout, avec la dépose et l’installation, dépassant les 4 millions comme nous l’avions déjà appris).
Si l’on en doutait encore, ces actes sont révélateurs d’une procédure irrégulière. C’est pourquoi, sans même attendre la délivrance de l’autorisation de travaux par le préfet - si celle-ci a lieu un jour - qui sera également attaquable, cette fois sur le fond du projet, l’association Sites & Monuments a décidé de faire un recours devant le tribunal administratif de la décision du 26 novembre 2024, et par voie de conséquence de toute la procédure en cours. L’avocat en charge du dossier est Francis Monamy, spécialiste du droit administratif et particulièrement des questions patrimoniales et environnementales. Il s’agit ici d’attaquer la forme de ce projet puisque l’établissement public n’a aucune légitimité pour passer ce marché. En revanche, l’association a intérêt à agir puisque la défense du patrimoine, et notamment la conservation et la restauration des monuments historiques sont au cœur de ses statuts. Par ailleurs, un donateur de la souscription nationale s’est associé à cette action, celui-ci ayant également intérêt à agir puisque l’argent donné par la souscription ne peut en aucun cas être employé à autre chose qu’à la conservation et à la restauration de la cathédrale, et encore moins aller contre la conservation d’éléments classés de ce monument.
Ce donateur, qui représentera donc les autres, innombrables, qui refusent l’enlèvement des vitraux de Viollet-le-Duc, est Jean-David Jumeau-Lafond, historien d’art et collaborateur occasionnel de La Tribune de l’Art.
Alors que la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture a, à l’unanimité, voté contre le projet, alors que la majorité des fonctionnaires du ministère de la Culture y sont opposés comme nous le constatons régulièrement et comme l’a rappelé récemment Stéphane Bern, et alors que la pétition dépasse désormais les 277 000 signatures, le président de la République, la ministre de la Culture et l’archevêque de Paris persistent dans leur projet et ils ne sont même pas capables de mener cela dans les règles. Il est encore temps d’arrêter les frais (pas seulement au sens figuré). Et s’ils ne les arrêtent pas, il y aura plusieurs occasions pour les tribunaux de le faire.