Un musée sans histoire de l’art

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1. Ouvrage publié pour accompagner l’exposition « Les chevaux de Géricault »
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Qu’il n’y ait, dans le catalogue de l’exposition « Les Chevaux de Géricault » (ill. 1), aucun texte relatif aux œuvres exposées n’est pas le seul problème de cette scandaleuse rétrospective, mais il est essentiel. À aucun moment les attributions des œuvres, dont pourtant beaucoup sont totalement inédites, ne sont justifiées, ni même abordées. En l’absence de notices, celles-ci pourraient au moins être développées dans les essais, mais ce n’est jamais le cas. Nous avons déjà eu l’occasion de l’écrire (voir l’article), mais l’explication de la directrice du musée à ce sujet, qu’elle a données à Sabine Gignoux pour l’article publié par cette dernière dans La Croix, est ahurissante. Elle ose en effet affirmer « Nous ne sommes pas le Louvre pour publier un énorme volume avec des notices détaillées ».

Pour Gaëlle Rio donc, l’histoire de l’art dans son musée est une option car il serait à l’en croire trop petit. Faut-il lui rappeler qu’elle dépend d’un établissement public, Paris Musées, qui dispose de quelques moyens ? Faut-il lui rappeler que d’autres musées de la Ville, par exemple la Maison de Victor Hugo, parfaitement comparables au sien, publient régulièrement de vrais catalogues, scientifiques, où les œuvres sont décrites et expliquées ? Faut-il lui rappeler qu’avant qu’elle prenne la direction de ce musée, celui-ci avait produit beaucoup de catalogues avec ou sans notices détaillées mais à l’érudition impeccable (ill. 2) et qui sont encore aujourd’hui des références pour les historiens de l’art ? Faut-il lui rappeler enfin que de très nombreux musées de province, qui « ne sont pas le Louvre », publient également régulièrement des catalogues d’exposition en tous points exemplaires ?

2. Catalogue de l’exposition « Dessins romantiques français » au Musée de la Vie Romantique en 2001
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« Nous avons fait le choix d’un ouvrage qui s’adresse au grand public » ajoute-t-elle. Nous invitons le lecteur à feuilleter (l’acheter n’est pas forcément nécessaire) le livre qui accompagne l’exposition pour constater que les quelques courts essais qui l’émaillent ne s’adressent évidemment pas au « grand public ». Le « grand public », en réalité, est méprisé dans cette exposition qui prétend lui montrer des œuvres de Géricault qui n’en sont pas. Pour Philippe Grunchec, spécialiste reconnu de l’artiste, à qui les grandes maisons de vente font désormais appel, environ la moitié des œuvres présentées dans l’exposition ne sont pas du peintre.

Mettons-nous en effet un instant dans la peau d’un de ces visiteurs. Celui-ci vient au musée de la Vie Romantique pour voir des œuvres authentiques. Comment, n’y connaissant à priori rien, pourrait-il remettre en cause les attributions ? Pour lui, dans un musée, tout est bon, et c’est normal. Les historiens de l’art, les amateurs éclairés comprennent pour la plupart à quoi ils ont à faire, mais le « grand public » se fait berner - il suffit d’ailleurs de lire le livre d’or et ses commentaires élogieux pour s’en persuader.

À Éric Biétry-Rivierre du Figaro, les deux commissaires osent affirmer que cent pour cent des œuvres, tant dans l’exposition que dans le catalogue, sont autographes, qu’ils ont « écarté tout ce qui [leur] semblait problématique » et que s’ils avaient douté de leurs conclusions, ils auraient mis le mot « attribué » dans les notices (notices qui, rappelons-le, n’existent pas !).
Dans La Croix, la directrice explique que « cette exposition a le mérite d’ouvrir le débat avec audace ». Mais quel débat, puisqu’ils ne posent jamais les éléments de celui-ci en refusant d’apporter aucun élément pour les attributions ?

3. Léon Cogniet (1794-1880)
Étude de cheval
Pas dans l’exposition, mais reproduit dans le catalogue comme de Théodore Géricault...
Crayon noir avec rehauts de gouache blanche - 44.5 x 26.5 cm
Orléans, Musée des Beaux-Arts
Photo : Musée des Beaux-Arts d’Orléans
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Il est vrai que nous sommes trop impatients, puisque, nous dit le co-commissaire : « Le temps des preuves viendra, avec le catalogue raisonné » (en préparation depuis 2003...). On est très curieux de le voir venir, et de savoir comment il justifiera l’attribution de tel dessin qui est évidemment un faux récent fait pour tromper, de tel autre qu’on n’achèterait pas pour 100 € dans une brocante (il est vrai qu’il n’est pas à vendre, puisqu’il appartient au Musée d’Ixelles), de tel ou tel tableau dans une collection particulière, si médiocre que le présenter sous le nom de Géricault est une véritable insulte au peintre, ou encore d’une feuille indiscutablement de Léon Cogniet (ill. 3) appartenant au Musée d’Orléans qui devient magiquement un « Géricault » dans le catalogue. Ce dernier musée n’était d’ailleurs pas au courant que cette œuvre (et une autre) y serait publiée comme de Géricault et c’est de nous qu’il l’a appris. Il a demandé à ce qu’un erratum soit publié, pour l’instant en vain.

Signalons enfin que Le Figaro confirme qu’un tableau que nous avions reproduit dans notre premier article et qui était donné comme conservé dans une collection particulière appartient en réalité à « un galeriste » dont nous savons par ailleurs qu’il aurait une dizaine d’œuvres accrochées aux cimaises. Toutes sont pourtant indiquées comme en « collection particulière ». Rien que cette méthode devrait discréditer toute l’opération car elle pourrait apparaître comme une façon de donner injustement un pedigree à des œuvres qui sont pour certaines sur le marché.

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