- Rembrandt van Rijn (1606-1669)
Le Porte-Étendard, 1636
Huile sur toile - 118,8 x 96,8 cm
Amsterdam, Rijksmuseum
Photo : Rijksmuseum - Voir l´image dans sa page
Le don par LVMH du Canotier de Gustave Caillebotte au Musée d’Orsay (voir la brève du 29/1/23) est un très beau geste qui mérite d’être salué en dépit de la chasse aux riches que certains aimeraient mener. La France est championne de ce sport, pratiqué par de petits politiciens aigris et jaloux.
Nous ne pouvons pas être accusé d’être tendre avec Bernard Arnault lorsqu’il ne l’est pas avec le patrimoine comme ce fut le cas à la Samaritaine (voir les articles) ou aujourd’hui avec l’ancien site de l’École polytechnique sur la montagne Sainte-Geneviève à Paris - un sujet que nous n’avons pas encore traité mais qui est résumé par exemple ici.
Mais lorsqu’il donne 200 millions d’euros (sans déduction fiscale d’ailleurs !) pour la restauration de Notre-Dame, ou qu’il permet l’achat d’un chef-d’œuvre de Gustave Caillebotte, des dons qui sont faits à tous, nous faisons ce que notre éducation nous a appris. Nous remercions. Sincèrement et sans arrière-pensées.
Il reste que ce système des trésors nationaux donnant 90 % de déduction fiscale démontre s’il le fallait l’absurdité de nos gouvernants. Car il est exact que dans tous les cas, à la fin du processus, c’est l’État, donc le contribuable, qui paie l’essentiel du coût pour conserver en France ce qui ne doit pas en sortir. Pourtant, il est clair que jamais celui-ci n’aurait sorti directement 43 millions d’euros de sa poche. C’est bien la volonté de Bernard Arnault qui a débloqué la situation. Si celui-ci n’avait pas accepté, le tableau serait sorti de France.
La meilleure preuve est fournie par l’autre Caillebotte classé trésor national en même temps que le Canotier et qui pourtant n’a trouvé personne pour l’offrir : il échappera probablement définitivement aux musées français, alors qu’il ne faisait en aucun cas double emploi avec celui-ci - il est d’un sujet et d’une veine très différents - et qu’il aurait pu enrichir un musée de province, l’un de ceux à qui l’on va finalement accorder avec un peu de condescendance un petit tour en bateau avec le Canotier avant que l’œuvre ne revienne définitivement à Orsay.
Si un mécène s’était déclaré prêt à l’acquérir pour un musée, il aurait été acheté et l’État aurait alors déboursé 90 % de sa valeur ! Même chose d’ailleurs pour le Rembrandt : si une entreprise s’était déclarée prête à l’acquérir, puisqu’il était classé trésor national, il aurait été acheté pour le Louvre et l’État aurait payé 150 millions d’euros (en moins-value fiscale) pour un don réel de 15 millions d’euros (rappelons que son prix était de 165 millions d’euros, déboursés sans coup férir par les Pays-Bas, et même un peu plus cher puisqu’ils l’ont finalement payé 175 millions d’euros.
On voit donc bien le comique de la chose, d’un État qui serait prêt à acquérir un tableau pour 150 millions d’euros mais ne le pourrait pas pour 165 [1] !
Cela est d’autant plus vrai pour les trésors nationaux aux valeurs plus faibles : une œuvre à un million ne peut pas être acquise si aucun mécène n’est trouvé, mais elle pourrait l’être pour 900 000 euros ? Tout cela est d’un ridicule achevé.
Soyons clair : nous ne demandons évidemment pas la suppression de l’avantage fiscal de 90 % pour un mécène qui offrirait un trésor national à la France. Nous demandons simplement que l’État soit cohérent : s’il ne trouve pas d’entreprise mécène, il doit acquérir toutes les œuvres qu’il classe trésor national car il les a reconnues comme suffisamment importante pour devoir rester en France et être présentées au plus grand nombre. En définitive, ceux qui sont les plus pénalisés par ce système qui laisse partir souvent à l’étranger des œuvres majeures, ce ne sont pas les Français qui peuvent facilement se rendre à New York ou à Amsterdam, mais bien ceux, parmi les moins aisés qui ne voyagent que difficilement car cela coûte cher. Un tableau dans un musée français le rend plus accessible pour tous les Français.