- Les bâtiments en meulière des Serres d’Auteuil
après le début des travaux pour les transformer
en annexe de Roland-Garros
Photo : D. R. - Voir l´image dans sa page
20/12/15 - Patrimoine - Paris, Serres et Opéra - Deux décisions de justice concernant des référés, l’une du tribunal de grande instance, l’autre du tribunal administratif de Paris, ont été prononcées cette semaine.
La première, devant le Tribunal de Grande Instance, a été favorable aux descendants de Jean-Camille Formigé qui se battent aux côtés des associations afin d’empêcher une grave dénaturation des Serres d’Auteuil pour y étendre Roland-Garros. Les travaux ont déjà commencé et les destructions des serres chaudes étaient imminentes.
Il s’agissait de défendre le droit moral (perpétuel, inaliénable et imprescriptible) de l’architecte qui a conçu les Serres d’Auteuil comme un tout et qui a aussi dessiné les serres chaudes comme cela apparaît sur des plans anciens (voir aussi cette brève et sa vidéo). Le tribunal a jugé, en l’occurrence, qu’il ne peut être contesté que les travaux sont susceptibles de causer un dommage irréversible et que l’urgence était caractérisée par l’imminence des travaux. Il a donc ordonné la suspension des travaux engagés pendant trois mois jusqu’à ce que le jugement soit rendu sur le fond. Les amendes prévues sont de 10 000 € par infraction constatée, avec un maximum d’une infraction par jour. La FFT a fait appel de cette décision qui ne préjuge pas de la décision sur le fond. Il reste qu’un sursis est accordé aux serres et que cette première décision est encourageante.
Le second jugement concerne l’Opéra de Paris. Le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la SPPEF, en référé, de suspension de l’autorisation de la DRAC donnée à l’Opéra de déposer les anciennes cloisons des 1er et 2ème niveaux de loges de la salle de concert de l’Opéra Garnier et à les remplacer par des cloisons amovibles coulissantes sur rail et d’obliger l’Opéra à rétablir les anciennes cloisons.
Pour mieux comprendre, il convient de rappeler qu’un référé ne concerne pas le fond. Le juge doit trancher sur l’urgence et le doute sérieux qui porterait sur la légalité de l’autorisation donnée. Il a, en l’espèce, estimé qu’aucun des arguments apportés par la SPPEF (les moyens invoqués) n’est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision d’autorisation. Cela étant considéré comme suffisant, il n’était pas nécessaire de se prononcer sur la condition d’urgence.
Cette décision, rendue par un seul juge sur la forme, ne préjuge pas des conclusions de l’audience sur le fond. Nous estimons, comme la SPPEF, que l’autorisation donnée a posteriori, est illégale pour plusieurs raisons, et ce sera au tribunal administratif de décider.
Il est amusant de lire dans les attendus du jugement l’affirmation par l’Opéra que « les cloisons déposées sont dans un état de conservation relativement médiocre ». Bel euphémisme quand on sait que l’Opéra les a pour une grande partie détruites ! Il est vrai qu’il avait, dans un premier temps, menti en affirmant qu’elles avaient été déposées et étaient conservées (ou même « en restauration » comme on avait osé nous le dire).
Ce qui reste pour nous à retenir, quelle que soit la légalité ou non de l’autorisation donnée par la DRAC, c’est que celle-ci, c’est-à-dire le ministère de la Culture, l’a effectivement donnée. Et que le ministère a osé prétendre devant le tribunal que la SPPEF n’avait pas vocation à agir : ainsi, le ministère pense que la SPPEF n’a pas pour vocation de défendre le patrimoine, c’est assez original.
Deux menaces sur le patrimoine différentes, deux instances judiciaires différentes, deux jugements en référé inverses. Mais, dans les deux cas, l’attitude du ministère de la Culture qui a autorisé les travaux est la même : lamentable (voir aussi notre éditorial).