- La roue à aubes du rouet Lyonnet
dans la Vallée des Rouets à Thiers
Photo : Lethiernois (CC BY-SA 4.0) - See the image in its page
Qui seront les prochains ministres de la Culture et de l’Environnement dans le gouvernement que nous prépare le nouveau Premier ministre Jean Castex ? Cette question a-t-elle seulement un intérêt ? Car quels qu’ils soient, on sait déjà ce qu’ils laisseront faire, comme c’est le cas depuis maintenant trop longtemps. La destruction méthodique de nos paysages, de nos campagnes, de notre patrimoine est en marche, et rien ne saurait l’arrêter. Au contraire, elle s’accélère depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron qui s’avère le plus grand destructeur que ce pays ait jamais eu à sa tête.
Nous ne reviendrons pas ici sur la loi Élan qui a encore affaibli le contrôle déjà limité des Architectes des Bâtiments de France, ni sur le développement anarchique de l’éolien dont il vient de conforter les bases, ni sur le décret permettant de déroger aux codes du Patrimoine, de l’Environnement et de l’Urbanisme (voir l’article), ni sur les multiples attaques contre le ministère de la Culture qui se voit régulièrement déposséder des maigres pouvoirs qu’il conservait encore (nous y reviendrons dans un nouvel article cette semaine). Non, nous allons évoquer ici un sujet que nous n’avions pas encore abordé, qui touche à la fois à l’environnement et au patrimoine et qui va s’avérer à nouveau destructeur pour l’un et pour l’autre. Là où Macron passe, la nature et le patrimoine trépassent.
Il s’agit une fois encore d’un décret (à lire ici, article 3 h) complété d’un arrêté (à lire ici : quand il le peut, Macron passe des décrets, en douce, et forcément sans que le Parlement (dont il n’a pourtant rien à craindre tant ses députés sont des godillots) ait son mot à dire. Il concerne les cours d’eau, et c’est le blog Hydrauxois, tenu par l’association éponyme qui a pour objet la protection des rivières, qui nous le révèle dans cet article qu’il faut absolument lire pour comprendre précisément de quoi il s’agit.
Pour le résumer : tous travaux ayant pour uniquement pour objet «la restauration des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques» pourront être menés sans autorisation, sur simple déclaration. Comme l’article l’explique parfaitement, cela concerne un très grand nombre de travaux, notamment des dérivations de lits de cours d’eau. Il s’agit, comme l’écrit l’association, d’« une machine de guerre pour tuer la démocratie des rivières et des bassins versants, faciliter la destruction de tous les milieux aquatiques façonnés par l’humain au cours de l’histoire [1] (biefs, canaux, étangs, plans d’eau), destruction qui sera réduite à une simple formalité interne aux administrations, sans lien au public. ».
Et cela concerne, bien entendu, non seulement l’environnement, mais aussi les constructions en lien avec ces cours d’eau, comme les moulins. Car les moulins, ont forcément, à un moment donné de l’histoire, perturbé les «fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques» dont la restauration est bien l’objet du décret. Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’il a été façonné par l’homme au cours de l’histoire (on peut parler ici d’étangs créés au Moyen Âge, ou de lits de rivière coulant depuis le XVIIIe siècle…) qu’un biotope ne s’est pas créé et qu’il ne sera pas détruit par ces travaux. Quant aux moulins, privés du cours d’eau qui les justifiait, ils seront condamnés à terme. C’est une nouvelle fois, sans même compter les problèmes écologiques, le petit patrimoine qui est menacé.
Le prétexte avancé « restauration des fonctions naturelles », est évidemment absurde. Car qui va décider que telle fonction est naturelle ou non, sans étude d’impact, sans enquête publique, sans information ? Et que veut dire même une « fonction naturelle » dans un lieu dont l’histoire a été forgée à la fois par la nature et par l’homme et a abouti à un équilibre qui va désormais être profondément remis en question ? Même s’ils n’avaient pas besoin de ce décret pour être menés, des travaux en cours concernant les étangs de Ville-d’Avray, peints par Corot, montrent la fragilité et l’importance de ce type de biotope (voir l’article sur le site de Sites & Monuments).
On reste désarmé face à une telle volonté de destruction. Une nouvelle fois, les associations vont devoir se battre pied à pied en saisissant la justice, en engorgeant les tribunaux et pour des résultats aléatoires. Dans les deux ans qui restent à venir, combien de décrets vont venir encore davantage menacer notre pays ?