Quelques précisions sur la salle des bronzes grecs du Louvre

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Salle des bronzes du Louvre avant les travaux
Photo : Jean-Pierre Dalbéra (CC BY 2.0)
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Que Le Monde ait enfin publié un article sur l’un des nombreux dysfonctionnements du Louvre, quand la presse est généralement tellement complaisante pour ce musée malgré ses dérives incessantes, est plutôt une bonne nouvelle. En revanche, les nombreux commentaires de cet article, majoritairement hostiles au plafond de Twombly et ne comprenant pas que le scandale est bien plus important que ce qui est écrit par Philippe Dagen, nécessitent que nous revenions sur cette affaire.

Qu’on aime ou pas l’œuvre de Cy Twombly, force est de reconnaître qu’il est incontestablement un des artistes majeurs de la seconde moitié du XXe siècle. La visite de la Cy Twombly Gallery à Houston, que nous avons pu admirer il y a quelques années, est à cet égard très convaincante.
Ce n’est d’ailleurs pas la question. Pour notre part, nous ne sommes pas persuadé qu’il fallait lui faire peindre un plafond au Louvre, et sans doute pas à la fin de sa vie, celui-ci étant sans doute une de ses œuvres les plus faibles. Mais le Louvre a commandé ce décor il y a une dizaine d’années et à ce titre il doit l’assumer et le respecter. La loi est la loi.

Incontestablement, le changement drastique, seulement dix ans après son exécution, de l’environnement qui l’a vu naître, constitue une atteinte au droit moral du peintre, inaliénable, quel que soit le contrat signé entre celui-ci et le Louvre. Le droit moral dans les salles d’un musée peut être considéré comme discutable, car il empêche théoriquement toute évolution de la muséographie non acceptée par l’artiste ou ses descendants, mais il existe. On peut estimer abusif que cela empêche les changements de présentation du musée, mais concernant cette salle précisément, cela n’était pas très gênant puisque le décor entier a été créé en 1936-1938 par l’architecte Albert Ferran. Celui-ci avait un véritable intérêt historique, et aucun argument valable n’imposait de le casser presque entièrement comme cela a été le cas. Revenir à l’état historique antérieur était impossible, mais il était en revanche possible d’y exposer des objets étrusques au lieu des bronzes grecs, sans tout bouleverser, et il est peu probable que ce seul changement d’affectation (même s’il rompait la cohérence avec le thème du plafond) aurait suffi à déclencher l’ire des héritiers de Cy Twombly.

Le Louvre explique dans l’article du Monde que « cet ensemble de salles qui faisaient partie de l’appartement du roi avait auparavant été réaménagé dans les années 1950, période qui, faute de moyens, a malmené les décors historiques, badigeonnant en beige les plafonds et les stucs sans les restaurer, supprimant les portes, les volets ou les boiseries ». Mais c’est absolument faux, et volontairement dépréciateur envers une création Art déco - la seule au Louvre - d’une grande qualité. On peut d’ailleurs lire sur le site internet du musée (nul doute que ce sera bientôt enlevé) l’explication suivante : « L’architecture actuelle [de la salle des bronzes] respecte les transformations apportées par Albert Ferran en 1936-38 tandis que la salle est destinée à abriter maintenant la collection de bronzes antiques du musée. »

Le Louvre, cité par Le Monde, se défend également en se retranchant derrière l’avis de la Direction régionale des affaires culturelles : « Le dossier a été autorisé par la conservation régionale des Monuments historiques et a été suivi tout au long de sa mise en œuvre par une commission scientifique ad hoc. » Ce n’est en réalité qu’une preuve de plus que celle-ci ne joue pas son rôle qui, en l’occurrence, aurait été de rappeler que le décor d’Albert Ferran est historique, et qu’il aurait dû connaître un meilleur sort que celui qu’on lui a fait subir. Désormais, cette salle ne ressemble plus à grand chose : le plafond, qui depuis longtemps n’est plus au niveau d’origine, ne s’accorde plus avec elle et les fenêtres sont entourées de chambranles qui n’ont plus rien d’historique... Quant aux vitrines anciennes qui occupaient cette salle des bronzes, elles ont été définitivement enlevées. Seule satisfaction : celle, octogonale, que l’on voyait au centre, retrouvera la salle des Colonnes, au sein du Musée Charles X, où elle se trouvait à l’origine et où les bronzes grecs seront désormais exposés. Maigre consolation.

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