Salles fermées : le Louvre enquête

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Plan d’ouverture garanti
(En réalité Plan de fermeture garanti…)
du 22 octobre au 16 novembre 2025
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La question des effectifs de surveillance au Musée du Louvre est cruciale, pas uniquement pour la sécurité des œuvres, mais également pour l’ouverture des salles. Comme nous l’avons souvent écrit, en effet, le Louvre est un musée largement fermé. Le taux d’ouverture des salles, actuellement, n’a sans doute jamais été aussi bas. Car le « plan d’ouverture garanti » (terme utilisé en interne, et connu sous l’acronyme POG) qui prévoit déjà des fermetures conséquentes chaque jour, n’est même pas respecté. Il s’agit plutôt d’un « plan de fermeture garanti » : les salles indiquées comme fermées le sont effectivement, et certaines de celles censées être ouvertes sont, en réalité, fermées.

Cette question de la fermeture des salles a été abordée le lundi 20 octobre, lors de la réunion à l’auditorium où Laurence des Cars est venue s’exprimer devant les agents du Louvre. Celle-ci a commencé à parler des effectifs pour affirmer, comme elle l’a fait devant le Sénat, que ceux-ci, s’ils étaient en baisse depuis 2010, avaient recommencé à augmenter depuis son arrivée en 2021, non sans occasionner quelques réactions d’incrédulité dans le public (celui de l’auditorium du Louvre). Laurence des Cars renvoyait alors aux « bilans sociaux du Louvre » « disponibles sur le site ».
Oui, mais ces bilans, que l’on trouve sur le serveur du musée, ne vont que jusqu’en 2023. 2024 n’a pas été encore présenté aux organisations syndicales, alors que cela doit normalement être fait en mars. Il ne le sera qu’en décembre. Laurence des Cars a donc cité des chiffres qui ne sont visibles par personne, sauf par la direction.

Surtout, ces bilans sont difficilement exploitables. Jamais, en effet, on n’y voit la ventilation des effectifs « accueil et surveillance » entre les fonctions « accueil » et les fonctions « surveillance », alors qu’on sait exactement celle entre les hommes et les femmes, entre les catégories d’agent ou entre les statuts. Mieux encore, d’un rapport à l’autre, les périmètres peuvent changer, un phénomène classique dans ce type de bilans, qui empêche toute comparaison d’une année sur l’autre.
Il est donc difficile de vérifier qui a raison : des agents ou du Sénat qui soulignent une baisse des effectifs, ou de Laurence des Cars qui affirme que, depuis son arrivée, les effectifs « de surveillance et de sûreté » (une appellation qui n’existe pas dans les bilans sociaux) ont augmenté « de 5,5% grâce au recrutement direct permis par le ministère de la Culture ».

Indépendamment de cette question, celle de savoir pourquoi le nombre de salles fermées est toujours plus important a été posée par les agents lors de la réunion du 20 octobre. Ceux-ci ne comprennent pas - à juste titre - comment des effectifs en augmentation peuvent aboutir à des fermetures de salles plus nombreuses.
La réponse de la direction est absolument lunaire, et démontre, s’il le fallait, la gestion erratique de ce musée. Nous retranscrivons ici les réponses faites, sous le contrôle de Laurence des Cars, par ses collaborateurs.

On apprend ainsi que « la semaine dernière », ils étaient en train de travailler sur cette question.
« C’est vraiment un point que nous sommes en train d’expertiser, sur lequel nous avons besoin vraiment d’être précis […] il peut y avoir des problématiques d’absentéisme, mais il peut y avoir d’autres problématiques. Et ça, c’est ce que nous sommes en train de travailler. […] Ça fait déjà quelques temps qu’on est dessus. Mais pourquoi est-ce qu’on n’arrive pas à faire coïncider un POG qui, en surface, au nombre de salles, n’a pas tellement évolué, face à des effectifs qui, comme on vient de vous le dire, n’ont pas beaucoup évolué non plus ? C’est un vrai sujet pour nous ? »

La direction du Louvre, qui ferme des salles tous les jours au public, s’interroge donc : mais pourquoi ferme-t-elle ces salles ? Elle serait donc en train de s’interroger sur les raisons de ses actions. On pourrait croire à un gag.
Ils avancent néanmoins une hypothèse : « quand on regarde, jour par jour, les motivations, les raisons qui expliquent que certaines salles ne sont pas ouvertes, ce n’est pas qu’une question d’effectifs. C’est aussi une question de travaux, d’opérations qui ont pris du retard, soit des travaux lourds, soit des travaux sur les collections. » Rappelons, ce que nous avons constaté à maintes reprises (c’était déjà le cas sous la présidence de Jean-Luc Martinez), que souvent des salles sont fermées sous prétexte de travaux purement imaginaires, ce que les gardiens que nous interrogeons lors de nos visites, nous confirment régulièrement.
Cette explication n’a pas semblé satisfaire les agents. L’un d’eux a pris la parole : « Vous nous dites que si des secteurs sont fermés, c’est généralement parce qu’il y a des travaux. C’est une explication qui est assez peu recevable : s’il y a des travaux, ce sont des secteurs fermés, ce sont donc des agents libres pour ouvrir d’autres parties du musée. Donc ça ne me semble vraiment pas logique ».
Cet agent envisage une autre explication (en plus du manque de personnel) : l’absentéisme. « II faudrait peut-être prendre en compte l’absentéisme, qui a dû exploser, je pense, ces dernières années, compte tenu de la dégradation des conditions de travail. »

L’absentéisme semble effectivement particulièrement important au Louvre... Il s’agit, évidemment, d’une question managériale. La motivation des agents, et leur remplacement en cas d’absence, sont des sujets que toute organisation doit savoir gérer. Manifestement, cela n’est pas le cas au Louvre où les agents ne cessent d’alerter sur la dégradation de leurs conditions de travail.
Quoi qu’il en soit, les résultats sont là : ces derniers jours, le nombre de salles fermées, en plus de celles prévues dans le « plan d’ouverture garanti » est en hausse constante, au point qu’il devient impossible d’être assuré de voir tel ou tel objet pour lequel on se déplace spécifiquement. Le nombre insuffisant de gardiens est un problème pour la lutte contre le vol, il l’est aussi pour le service rendu aux visiteurs.

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