Place de la Concorde : de Bouchardon à Marcel Campion

Bonne nouvelle : après plusieurs semaines d’occupation illégale, la grande roue que Marcel Campion a installée sur la place de la Concorde est enfin en cours de démontage depuis lundi 12 septembre. Il est possible que le procès-verbal dressé par la DRAC Île-de-France ait joué un rôle dans cette décision, qui vient cependant un peu tard.


1. La place Louis XV, aujourd’hui place de la Concorde
Gravure tirée de Monuments érigés en France à la
gloire de Louis XV
(Paris, 1772)
Photo : D.R.
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2. La grande roue en fonctionnement
Place de la Concorde, 11 septembre 2016
Photo : Didier Rykner
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S’il fallait trouver un symbole de la perte d’autorité de l’État, quel meilleur exemple que la place de la Concorde au moment où la très belle rétrospective Edme Bouchardon s’ouvre au Louvre. La dernière salle est en effet dédiée au monument que le sculpteur a consacré à la figure équestre du roi Louis XV en bronze. La place de la Concorde, alors dénommée place Louis XV, était ainsi ornée d’un chef-d’œuvre de la sculpture française du XVIIIe siècle grâce à l’action de l’État (ill. 1).
Au cours du XIXe siècle, après la tourmente révolutionnaire qui aboutit à la destruction de cette statue, la France s’attacha à aménager la place pour qu’elle demeure l’une des plus belles au monde. Le comblement du vide central par l’obélisque, l’aménagement par Hittorf, qui installa les statues des villes et les fontaines, tout cela allait dans le sens de l’histoire et de l’art. Au XXe siècle, on n’osa pas toucher à cet ensemble, protégé monument historique, que l’on pouvait espérer préservé pour l’éternité de la folie des vandales.


3. Baraques vendant des souvenirs, poubelles
Vous êtes sur l’une des plus belles places du monde
Place de la Concorde, 11 septembre 2016
Photo : Didier Rykner
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C’était compter sans la mairie de Paris, qui se moque comme d’une guigne de la beauté de cette ville et a continué à autoriser Marcel Campion, l’ami des maires de Paris depuis Jacques Chirac, à installer sa grande roue sur la place de la Concorde pendant les fêtes de fin d’année.
Le ministère de la Culture, chargé d’appliquer la législation sur les monuments historiques et de protéger le patrimoine n’y vit rien à redire, s’empressant de donner son autorisation temporaire à cet engin, alors qu’il aurait pu, et qu’il aurait dû, s’y opposer dès le début. Et Marcel Campion, fort du soutien d’Anne Hidalgo, et de l’inertie de l’État, s’enhardissait, au cours des années, ne cachant pas que son but était de garder à demeure la roue sur la place. Ce qu’il a presque réussi à faire en 2016. Alors que la mairie avait autorisé l’installation jusqu’à la fin du mois de septembre sous prétexte de l’organisation de l’Euro, la DRAC n’avait donné son accord que jusqu’au 20 février (voir cet article). Qu’importe, la situation fut régularisée par le préfet ! Mais cette prolongation n’allait que jusqu’au 31 juillet, démontage inclus [1]. Au 1er août, la roue devait avoir disparu. Samedi dernier, elle tournait encore comme le démontre nos photographies (ill. 2). Et elle reviendra dès le 11 novembre, plus tôt encore si on ajoute le temps de remontage, et pour six mois. Accompagnée des baraques à crêpes et à souvenirs, et des poubelles qui vont avec (ill. 3).
De Bouchardon à Marcel Campion, sic transit gloria mundi

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