Pichat et non Gérôme A propos du Saint Georges de Vesoul (1851)

1. Olivier Pichat (1823–1912)
Saint Georges terrassant le dragon, 1851
Photo in situ
Huile sur toile - 180 x 120 cm
Vesoul, église Saint-Georges
Photo : Jean-Louis Langrognet
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Les traditions plus ou moins locales (elles sont parfois beaucoup plus récentes qu’on ne pourrait le penser !) ont la vie dure. On ne se sent pas toujours porté à les soumettre à examen critique. Ainsi un grand tableau représentant Saint Georges terrassant le dragon [1] (ill. 1 et 2), placé comme il convient à l’église du même vocable à Vesoul, est-il curieusement resté jusqu’à ces dernières années sous le nom, forcément tutélaire à Vesoul, de Gérôme, enfant illustre de cette ville comme l’on sait [2], et ce, alors que toutes les pièces d’archives relatives à la commande dudit tableau par l’Etat puis à son envoi à Vesoul, documents au demeurant fort accessibles (dossier dans la série F21 aux Archives nationales, correspondance administrative aux archives départementales de l’endroit [3]) le désignent sans détour comme un travail d’Olivier Pichat [4], artiste certes bien moins connu que Gérôme et surtout spécialiste de chevaux et de cavaliers, féru de Napoléon et du Second Empire, mais sans le moindre rapport de style ni de sujet avec le considérable et considéré Gérôme.
Avait-il suffi que, non signé et non signalé par un cartel sur le cadre (l’habituel cartel « Don de l’Etat » aura disparu, à moins qu’il ne s’agisse d’une inscription, à présent effacée, en lettres dorées à même la toile, autre cas de figure qui se rencontre parfois [5]), ce tableau d’église d’un peintre qui en fit peu se soit retrouvé à Saint-Georges de Vesoul pour devenir une œuvre du très insigne Gérôme ? Et qu’un élève zélé et admirateur du maître, Jules-Alexis Muenier, de Vesoul lui aussi – il sera même le conservateur du musée de l’endroit [6] – brode une sorte de petite légende dorée autour de cet épique tableau de saint en y voyant un original de Gérôme, qui plus est, un cadeau personnel de ce dernier à l’église de son baptême [7] ? Mais, après tout, comme bien des artistes, Muenier n’est en rien un historien d’art qui ne mérite certes ni excès d’honneur et de confiance ni excès inverse d’indignité.


2. Olivier Pichat (1823–1912)
Saint Georges terrassant le dragon, 1851
Non signé, non daté
Huile sur toile - 180 x 120 cm
Vesoul, église Saint-Georges
Photo : Jean-Louis Langrognet
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Cette aimable fantaisie vésulienne fut tout de même relayée, lapidairement il est vrai, par Victor Guillemin dans son éloge de Gérôme prononcé en 1904 devant l’Académie de Besançon, suivi en 1912 par celui de l’officiel et plutôt prolixe directeur des Beaux-Arts Henri Roujon, lui aussi fervent admirateur du maître [8]. En 1979, l’administration, pour une fois bien inspirée (le XIXe siècle, reconnaissons-le, n’était pas encore tellement considéré à cette époque : ne venait-on pas, en 1965, d’éradiquer tout le décor de Gérôme de l’ancien réfectoire de l’abbaye de Saint-Martin-des-Champs, aux Arts et Métiers, en plein Paris !), l’administration classe le tableau comme Monument historique [9] mais toujours sous le nom (fallacieux) de Gérôme. A vrai dire, l’eût-on protégé comme un (piteux) Pichat ? Poser la question, c’est craindre la réponse … Le fait est qu’un autre beau tableau religieux, envoyé peu après dans la même église de Vesoul, un Baiser de paix de saint Jacques (ill. 3 et 4) dû à un autre obscur, Joseph-Urbain Melin, est resté privé jusqu’à présent de la sacro-sainte estampille M.H. [10]. En 1981, lors de la grande exposition Gérôme, une vraie « première » en France, organisée par le musée de Vesoul, le conservateur d’alors, le Dr Gilles Cugnier expose et catalogue le Saint Georges – il en donne même une reproduction, ce qui n’avait sans doute jamais dû être fait jusqu’alors – non sans juger tout de même cette attribution à Gérôme « douteuse », et d’en appeler prudemment à « une vérification dans les archives paroissiales » [11] (en fait, il fallait plutôt penser : Archives départementales et même nationales). C’est chose faite dans la thèse de Bruno Foucart sur la peinture religieuse du XIXe siècle, publiée chez Arthena en 1987 [12], mais l’information, glissée dans des listes de tableaux en annexe, reste pratiquement inaperçue (et le tableau n’a pas été reproduit à part). De son côté, le spécialiste de Gérôme, Gerald Ackerman, s’il n’a sans doute pas franchement écarté dans un premier temps l’idée d’une attribution à Gérôme (il le situe « vers 1840 », rapporte Cugnier qui juge à raison cette datation beaucoup trop reculée [13]), oublie à dessein, et il fit bien, le Saint Georges dans son décisif Corpus des œuvres de l’artiste (1986) [14]. A présent, tout est en ordre ou presque, pourvu que l’on consulte la base informatique Arcade relevant du ministère de la Culture, plutôt que celle des objets mobiliers (et classés) dite Palissy, du même ministère, laquelle s’en tient toujours – un retard piquant à noter ! – à Gérôme comme auteur de notre Saint Georges


3. Joseph-Urbain Melin (1814–1886)
Saint Jacques le Majeur pardonnant à celui qui l’avait arrêté
et conduit devant les juges
,
dit aussi Le Baiser de paix de saint Jacques
Photo in situ
Huile sur toile
Vesoul, église Saint-Georges
Photo : Jean-Louis Langrognet
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4. Joseph-Urbain Melin (1814–1886)
Saint Jacques le Majeur pardonnant à celui qui l’avait arrêté
et conduit devant les juges
,
dit aussi Le Baiser de paix de saint Jacques
Huile sur toile
Vesoul, église Saint-Georges
Photo : Jean-Louis Langrognet
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5. Olivier Pichat (1823–1912)
Le Prince impérial sur son poney favori
Huile sur toile - 180 x 124 cm
Compiègne, Musée national du château
Photo : RMN
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Mais si l’on perd un distingué et très enviable Gérôme, il n’est pas sans profit de gagner un bel et rare Olivier Pichat ! Certes, le peintre semble n’avoir guère persévéré dans le noble genre religieux, mais il soutient ici la comparaison avec de robustes peintres d’histoire comme Odier [15] ou Ziegler [16]. Et l’on aimerait savoir au passage à quoi peuvent ressembler d’autres peintures religieuses de cet artiste, toutes sans doute assez tôt, comme tel grand Jésus laissant venir à Lui les petits enfants (« Sinite Parvulos ») de 1844 [17], à l’église de Saint-Bris-le-Vineux dans l’Yonne, ou bien le Saint Jérôme dans le désert à l’église de la Madeleine à Bergerac [18]. Signalons encore à cet égard un Christ en croix [19] à l’église Saint-Martin à Nuaillé d’Aunis (Charente-Maritime), don en 1862 d’un sénateur de la région, le baron de Chassiron, ou bien une Vierge à l’église Saint-Paterne à Vannes [20]. Reste que Pichat s’est plutôt exercé – en témoignent ses participations aux Salons [21] – dans de tout autres (et plus faciles !) registres, ceux de la peinture équestre, parfois à tendance historique, et du portrait de qualité, non sans, il faut bien le reconnaître, une certaine habileté (et banalité !) imagière, que ce soit avec des mises en scène historicisantes, traitant notamment, et non sans complaisance, de la légende napoléonienne : L’Empereur traçant un sillon à Sainte-Hélène ; décembre 1815, acquis par l’Etat au Salon de 1868 et envoyé au musée d’Auch [22], voire encore le Napoléon à cheval à Sainte-Hélène du musée de la Malmaison (ill. 6), ou à l’occasion de portraits plus ou moins officiels, assez agréablement traités, comme ceux du Prince impérial montant son poney favori (ill. 5), montré au Salon de 1861 et placé dans le Cabinet du ministre [d’Etat] au Louvre selon l’inventaire de 1863 [23] (Château de Compiègne, acquisition de 1996 [24]) ou du même prince et toujours à cheval, mais cette fois au camp de Châlons, tableau du Salon de 1870 [25] (également à Compiègne). Eclectique au point d’être désordonné, voire inconsistant, Pichat s’est également complu comme tant d’autres de son temps dans l’orientalisme et a pratiqué avec quelque aisance l’art de la photo [26].

Au final, avec cette réhabilitation (au fond, peu risquée !) du puissant Saint Georges de l’église de Vesoul, il y aurait presque de quoi se livrer à un ou même plusieurs constats désenchanteurs. D’abord, de reconnaître la fragilité des attributions, ce qui n’est pas sans entrainer ensuite un certain scepticisme sur la validité de nos admirations et jugements en histoire de l’art. Quoi, sans l’argument preuve d’une commande, comment aller chercher ici le nom de l’inconstant Pichat, et comment avancer des justifications par le style ? Mais, plus encore, pourquoi et comment admirer ce qui n’apparaît que comme une simple œuvre de jeunesse, soit une œuvre parfaitement atypique et un travail sans conséquence ? Surtout, est-il bien légitime – et viable – d’admirer une œuvre pour ce qu’elle n’annonce pas ou ce qu’elle ne peut promettre ? Enserré dans une contrainte chronologique, ce Saint Georges qui date de 1851 et qu’on serait tenté de placer bien avant, dans les années 1830-1840, tel qu’on le verrait chez un Ziegler aux forts accents néo-caravagesques, ce tableau brutal mais savoureux, sans grâce ni correction, va souffrir du discrédit de paraître très peu ou trop peu en avance, voire réactionnaire, comme purement tourné vers le passé. Il n’annonce en rien le réalisme alerte du Second Empire, sucré et décoratif (Galland, Chaplin, Faustin Besson) ou rageur et provocant (Couture, Manet, Courbet), il ne donne ni dans l’évasion orientaliste (Fromentin), ni dans la grande éloquence et sévérité ingriste (Flandrin, Lehmann) ; rien à voir non plus avec Cabanel ou Baudry, Bouguereau, Hamon ou Delaunay, ni bien sûr avec Meissonier ou Gérôme … Et l’histoire de l’art qui régit trop nos engouements après coup, n’aime pas ce qui n’est pas en quelque sorte téléologiquement correct, ce qui n’est pas annoncé et annonçable, prévu et prévisible …


6. Olivier Pichat (1823 – 1912)
Napoléon à Sainte-Hélène
Huile sur toile - 195 x 130 cm
Rueil-Malmaison, Musée national des châteaux
de Malmaison et de Bois-Préau
Photo : RMN
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Mal vu et tard venu, incompréhensible, ce Pichat qui ne cède pas encore aux sirènes du progrès réaliste et qui peint de l’histoire religieuse avec un sacré… retard stylistique. Ce pourquoi justement nous apprécierons maintenant son Saint Georges : en ce que, paradoxalement, il n’est point en avance ! – Variations, inconstances, illogismes du goût, mais notre conception du Beau a-t-elle forcément tort ? La chronologie est-elle jamais un impératif absolu ? On peut comprendre en tout cas que notre peintre n’ait pas voulu continuer dans sa première voie, celle, exigeante, de la peinture d’histoire, qu’il ait préféré les cavaliers d’opérette néo-Louis XV (le tableau récemment revenu de Montargis au Musée d’Orsay) ou les grands Napoléon à cheval très bien détaillés du musée de la Malmaison (ill. 6) ou tel flatteur Prince impérial sur un charmant poney déjà cité. Qu’il se soit bientôt lassé de la rudesse historicisante d’un saint de légende entre Moyen Age et Renaissance, superbement bardé comme ici d’armure et tout empreint d’Orient (la crudité d’un pur ciel azur, les terrains rocheux à la Guignet, à la Decamps) autant que marqué par le somptueux souvenir pictural de Giorgione et de Titien (reflets de la cuirasse, superbe justaucorps en rouge et noir), qu’il ait bientôt jugé incrédible le fantastique ridicule d’un dragon de carton-pâte. La juste revanche sur l’air du temps et la facile convenance de l’époque, c’est que Pichat méritera à nos yeux et risque bien de survivre par le côté attardé de son Saint Georges, disons hors du temps – ce qui justement lui confère toute sa résonance poétique. De se maintenir et prolonger grâce à un tableau sans lendemain, hors d’actualité, pure prouesse de sujet (un saint héroïsé !) et de style tournée vers le passé, en somme tout ce qui paraît dénier le charme du Napoléon III aux plaisantes et aimables évasions. Comme quoi, selon l’adage, nul n’est prophète en son pays …

Encore une fois, comme il nous serait plus facile de l’admirer, ce tableau s’il était à la fois anonyme et de dix à quinze ans plus ancien ! Méfions-nous des admirations pré-contraintes, fondées sur des présupposés d’évolution stylistique, toujours rivées à l’obsédante et fatigante litanie des : d’où cela vient-il, qu’est-ce que cela annonce ? – Mais nous, où allons-nous ! Révisons, il est plus que temps, nos savoirs et nos avoirs …

Jacques Foucart

Notes

[1T. H. 1,80 ; L. 1,20 (dimensions données par la base Palissy). Le catalogue de l’exposition Gérôme (Vesoul, 1981, op. cit. à la note 6) indique : H. 2,60 ; L. 1,75. Ce doit être des dimensions prises avec le cadre car elles s’accordent avec celles – 2,63 X 1,76 – du mémoire relatif à la bordure dorée fournie au ministère de l’Intérieur par la maison Souty pour ce tableau, dépense réglée par la fabrique de l’église Saint-Georges de Vesoul où fut envoyée l’œuvre en question (mémoire du 3 octobre 1851, réglé le 28 novembre suivant, Archives départementales de la Haute-Saône, à Vesoul, voir infra, note 3). – Pas de cartel visible sur le cadre, lequel semble pourtant bien d’origine (il est exactement de même façon que le cadre du tableau de Melin envoyé à la même époque à Vesoul – voir infra, note 10).

[2Jean-Léon Gérôme (Vesoul, 1824 – Paris, 1904).

[3Pour la série F21 aux Archives nationales, voir la base Arcade (dossier Pichat, avec la localisation du Saint Georges à l’église de Vesoul). Le tableau est également mentionné, mais sans sa localisation, dans les listes des achats et commandes de l’Etat pour les années 1848-1852, établies par Dominique Lobstein à partir du dépouillement des dossiers des Archives nationales et publiées en annexe dans Chantal Georgel, 1848, La République et l’art vivant, Paris, Fayard, 1998, p. 195 (commande d’août 1850). – Voir aux Archives départementales de la Haute-Saône à Vesoul (dossier 34 J 368), la lettre du ministre de l’Intérieur [Léon Faucher (1803-1854), en fonction du 10 avril au 26 octobre 1851] au curé de l’église paroissiale de Vesoul, en date du 8 août 1851, le tableau étant signalé « en cours d’exécution en ce moment », ainsi que la lettre du préfet de la Haute-Saône [Hippolyte Dieu (1812-1887), en poste à Vesoul de 1850 à 1860] au curé, en date du 12 août 1851, ce préfet formulant dans le langage administratif policé de l’époque le vœu que l’œuvre d’art dont il s’agit « sera convenable et deviendra pour votre église un ornement précieux ». Autre lettre, presque identique, du ministre au préfet, 8 août 1851, dossier 178 T.1. Remercions M. Jean-Louis Langrognet, conservateur des Antiquités et Objets d’art du département, de nous avoir signalé ces documents et procuré des photographies des tableaux de l’église de Vesoul. A noter qu’il prépare pour le bulletin de la Salsa (Société d’Agriculture, Lettres, Sciences et Arts) de Vesoul un article sur les Envois de l’Etat en Haute-Saône aux XIXe et XXe siècles. Exprimons également notre reconnaissance à Mme Sabine Gangi, conservateur du musée Georges Garret de Vesoul, pour l’aide qu’elle nous a apportée.

[4Olivier Pichat (Paris, 1823 – Paris, 1912). La date de naissance de l’artiste – exactement le 5 mai 1823 – n’est pas toujours bien indiquée dans la littérature (Gérald Schurr, Les petits maîtres de la peinture / Valeur de demain, Paris, t. IV, 1988, p. 85, donne : vers 1825, tandis que les catalogues de Malmaison (1989) et de Versailles (1995) font carrément l’impasse là-dessus, tout comme les habituels dictionnaires d’artistes, Bellier-Auvray et Thieme-Becker). Les bases Joconde et Palissy du ministère de la Culture ne sont pas mieux informées. En revanche, celle des décorés de la Légion d’honneur – base Léonore – et celle de l’agence photographique de la Réunion des Musées nationaux donnent la juste date (1823).

[5De fait, M. Langrognet relève, toujours à propos de notre tableau de Pichat, un document des Archives départementales de la Haute-Saône (34 J 425) relatif à la « peinture et dorure de l’inscription du tableau par Garret, entrepreneur peintre de Vesoul pour 6 francs », à la date du 31 décembre 1851, le cadre ayant été fourni au départ de Paris, voir supra note 1.

[6Jules-Alexis Muenier (Vesoul, 1963 – Coulevon, Haute-Saône, 1948). – Muenier, s’il peint très différemment de Gérôme (bien plus jeune, il est proche des Réalistes contemporains des Impressionnistes comme Bastien-Lepage), s’entendait très bien avec lui : quand le père de Gérôme décède en 1884, Gérôme vend à Muenier la maison de campagne de Coulevon qu’il avait lui-même acquise en 1860 pour y installer ses parents, une maison où il s’était aménagé un atelier que Muenier continua d’utiliser (la maison existe toujours). Vers 1900 (correspondance de Gérôme conservée dans sa descendance et citée par Gerald Ackerman, La vie et l’œuvre de Jean-Léon Gérôme, A C R Edition, Courbevoie, 1986, p. 156), Muenier apprend à Gérôme que la ville de Vesoul dispose enfin des fonds nécessaires à la création d’un Musée Gérôme dont il sera, écrit-il, conservateur. En fait, le projet ne vit jamais le jour. Un musée municipal toutefois avait été ouvert en 1884 à l’Hôtel de Ville, auquel Gérôme donna d’ailleurs quelques œuvres en 1885 et 1886, et ce n’est qu’en 1981 que fut inauguré l’actuel musée, plus commodément installé dans l’ancien couvent des Ursulines.

[7Dans son catalogue de l’exposition J. L. Gérôme 1824-1904 / peintre, sculpteur et graveur / ses œuvres conservées dans les collections françaises publiques et privées, Vesoul, Musée Georges Garret, juillet – septembre 1981, notice du tableau de Saint Georges, n° 128, p. 113, repr. p. 112, Gilles Cugnier présente ainsi la chose : « Le peintre J. A. Muenier, ancien élève et ami de Gérôme auquel il acheta la maison de Coulevon attribue au maître vésulien cette toile qu’il aurait offerte à l’église où il fut baptisé. V. Guillemin et H. Roujon le confirment, peut-être du reste en reprenant la même source, mais cette attribution nous paraît douteuse et demande une vérification dans les archives paroissiales. »

[8Victor Guillemin, Etude sur le peintre et le sculpteur Jean-Léon Gérôme (1824-1904), séance du 16 juin 1904, p. 187 (simple mention du tableau à l’église de Vesoul). L’article, assez documenté, court de la p. 134 à la p. 188.

[9Classement du 20 novembre 1979, voir la base Palissy et la notice de G. Cugnier, op. cit. à la note 7.

[10Joseph-Urbain Melin (Paris, 1814 – Paris, 1886). Tableau signé et daté de 1843, montré au Salon de Paris la même année (n° 863), peut-être acquis par l’Etat à la suite du Salon sans être pour autant immédiatement affecté (s’il valut au peintre une médaille de 3e classe, il ne semble pas figurer dans les listes des achats et commandes de l’Etat telles que les dresse Dominique Lobstein à partir des dossiers des Archives Nationales, op. cit. à la note 3), il fait enfin l’objet d’un « don » du Ministère de l’Intérieur à l’église Saint-Georges de Vesoul en 1852, sous le titre de Baiser de paix de saint Jacques, cette fois à la demande d’un député du département, le marquis d’Andelarre, exactement Jules Jacquot Rouhier d’Andelarre (1803 – 1885, député de la Haute Saône de 1852 à 1876), le ministre de l’Intérieur concerné étant le fameux Morny et Auguste Romieu, directeur des Beaux-Arts (depuis 1852). A noter que la correspondance relative au tableau de Pichat (op. cit. aux notes 1 et 3) ne fait pas état de l’intervention de ce député (il ne sera élu qu’en 1852 mais, conseiller général, il s’occupait déjà des intérêts de la Haute-Saône), même si on ne peut l’exclure vu les habitudes de l’époque. Visiblement, on tint en haut lieu à embellir l’église de Vesoul et l’envoi du Pichat ne reste ainsi nullement un acte isolé. Sur l’envoi du Melin, M. Langrognet nous communique les références suivantes aux Archives départementales de la Haute-Saône : 34 J 368 et 425, ainsi qu’une citation du Journal de la Haute-Saône en date du 10 juillet 1852. Il publiera ce tableau avec le Pichat dans le bulletin de la Salsa, cité à note 3. Le cadre du tableau de Melin est exactement semblable à celui du Pichat, ce qui fait penser qu’il s’agit chaque fois du cadre doré d’origine, fabriqué à l’époque par Souty. On trouvera symptomatique que le Saint Georges ait été seul classé en 1979, au fond pour des raisons presque extérieures à l’histoire de l’art – parlons de patriotisme local ! – , alors que le tableau de Melin, tout aussi rare et comme incongru dans son œuvre (Melin sera surtout un peintre animalier, sans grande qualité il faut l’avouer, encore une frappante symétrie avec Pichat, lui aussi bon peintre religieux et falot artiste pour le reste), mais tout à fait recommandable ici par son puissant et correct ingrisme, mérite évidemment d’être protégé (ce genre de grand tableau d’église est tellement menacé de nos jours …). Souhaitons que, grâce à M. Langrognet, cet injuste oubli soit bientôt réparé. Les seuls autres tableaux religieux connus de Melin sont un Jésus-Christ rendant la vue à un aveugle (Salon de 1845, n° 1194), une Sainte Famille (Salon de 1846, n° 1294) et une Vierge (Salon de 1880, n° 2582). Selon le dossier F21 des Archives nationales (base Arcade), le maire de Lesparre (Gironde) demanda l’achat du tableau du Salon de 1845 (ou son envoi ?), mais la demande fut ajournée.

[11G. Cugnier, op. cit. à la note 7.

[12Bruno Foucart, Le renouveau de la peinture religieuse en France (1800-1860), Paris, 1987, p. 416 (dans l’annexe D : « liste des tableaux religieux déposés dans les églises de province entre 1800 et 1860, présentée par ordre alphabétique des communes »). L’auteur n’a pas manqué de noter également dans cette annexe la présence à Vesoul du tableau de Melin cité supra à la note 10.

[13Cf. Cugnier, op. cit. : « Gerald Ackerman la situe [la peinture de Saint Georges] vers 1840, ce qui nous paraît beaucoup trop tôt. Elle nous fait penser, elle aussi, à Roger délivrant Angélique d’Ingres (1819 et 1840) ». Cugnier ne fait pas ici de référence précise à Ackerman. En ont-ils débattu oralement avant ou vers 1981 ? Quant au rapport avec Ingres, il reste assez vague, d’autant que Ingres représente Roger dans la posture d’un cavalier (juché sur un hippogriffe). Seul, le monstre vaincu par Roger peut rappeler d’une certaine façon le dragon terrifique, imaginé avec beaucoup d’ampleur, il est vrai, par Pichat.

[14Op. cit. à la note 6. Cet ouvrage comporte un catalogue raisonné des peintures et sculptures. Les rééditions successives (1992, 2002) ne font bien sûr pas plus allusion au Saint Georges.

[15Edouard Odier (Paris, 1800 – Paris, 1887). – Sur Odier, signalons une édition de ses Mémoires familiers (1800-1859) accompagnée de trois articles de Marcel Röthlisberger (1988), Jacques Foucart (1989) et Corinne Gianno-Dollfuss, Slatkine, Genève, 2006, avec 32 reproductions de ses œuvres. Signalons particulièrement, pour comparaison avec le Saint Georges de Pichat, le tableau d’Odier repr. p. 254 (Le Génie de Venise sur les ruines de sa ville, Salon de 1837, Shepherd Gallery, New York, en 1980). A Odier l’on pourrait encore associer, dans ce courant historiciste lourd, sombre et puissant qui intéresse un temps Pichat, les noms de Lehmann et de Robert-Fleury.

[16Jules Ziegler (Langres, 1804 – Paris, 1856). On attend avec intérêt la monographie annoncée de Stéphane Guégan. Au musée de Langres se voient de nombreux – et excellents – tableaux de l’artiste (cf. le Catalogue des peintures de ce musée publié par Roland May, Langres, 1983, nos 232-241 avec 8 œuvres de l’artiste reproduites).

[17Tableau signalé par Sylvain Laveissière dans le dossier Pichat, à la documentation du Musée d’Orsay, Paris, mais sans photographie malheureusement. Nous n’avons pu obtenir aucune renseignement sur ce tableau auprès de la conservation des Antiquités et Objets d’art de l’Yonne, et l’œuvre n’est pas classée monument historique.

[18Tableau mentionné – sans localisation – dans les listes de D. Lobstein pour les années 1848 – 1852, op. cit. à la note 3, p. 210 (commande de juin 1852) et, avec localisation, dans la base Arcade. Il est en revanche omis dans l’annexe du livre de Bruno Foucart (op. cit. à la note 12).

[19Tableau repéré par les services de l’Inventaire général en 1995, et signalé dans la base Palissy en 2005. Pas de photo disponible ; tableau non classé.

[20Tableau signalé dans la base Arcade. Même chose.

[21Pas une seule peinture religieuse de Pichat n’apparaît dans la liste de ses tableaux de Salon (Salons de Paris), telle que la dressent Emile Bellier de la Chavignerie puis Louis Auvray dans leur Dictionnaire général des artistes de l’école française …, Paris, 1882, t. II, p. 265.

[22Le tableau fut acquis à la suite du Salon de 1868 (n° 1989) et envoyé à Auch (dossier du Musée d’Orsay et base Arcade). Sa présence à Auch est également indiquée par le Dictionnaire des peintres d’Edouard Bénézit (édition de 1999, t. 10, p. 884) : une des rares œuvres de l’artiste signalées dans les collections publiques. – Voir encore au musée de La Malmaison deux grandes évocations équestres de Napoléon (Le Général Bonaparte à Malmaison et Napoléon à Sainte-Hélène), de provenance inconnue et inventoriées seulement au début des années 1980, cf. Nicole Hubert et Alain Pougetoux, Châteaux de Malmaison et de Bois-Préau […] Catalogue sommaire illustré des peintures et dessins, Paris, R.M.N., 1989, nos I 63 et 64, p. 40 avec repr. (comme déposées au musée de la Légion d’honneur à Paris) ; en fait, depuis 1986, à la Maison d’éducation de la Légion d’honneur aux Loges en forêt de Saint-Germain-en-Laye, d’où est revenu avant 2002 le Napoléon à Sainte-Hélène (ill. 6), à présent dans les réserves de La Malmaison à Bois-Préau, tandis que l’autre tableau devrait rentrer sous peu (communication d’Alain Pougetoux, 25 février 2010, qui nous signale encore, en date du 4 juin, un Portrait équestre de Napoléon au camp de Boulogne par Pichat, ancienne collection Pierre de Souzy, passé en vente publique à Tours le 22 novembre 2004, et une aquarelle de Pichat, en relation directe avec ce tableau, au musée de Blois). Dans ce même genre mi-équestre, mi-rétrospectif, notons aussi un important Portrait du Général Davy-Dumas (le père de l’écrivain représenté à l’époque de la Révolution) au Musée Alexandre Dumas à Villers-Cotterêts, sans doute le tableau du Salon de 1849 (Pichat a plusieurs fois travaillé pour Alexandre Dumas), et, cette fois dans une tonalité nettement dix-huitième siècle, une Leçon d’équitation sous Louis XV, ou « Rendez la main, Monseigneur » acquise par l’Etat en 1869 et envoyée à Montargis pour être réaffectée depuis peu au Musée d’Orsay à Paris. Mais Pichat a donné aussi dans les sujets médiévaux (Assassinat de Louis d’Orléans, Salon de 1847 ; Jeanne d’Arc, tableau vendu à Bordeaux en 2006, etc.).

[23Cf. Anne Dion-Tenenbaum, Les appartements de Napoléon III du musée du Louvre, Paris, R.M.N., 1993, p. 127. – Tableau cité également mais sans discussion suffisante dans Catherine Granger, L’Empereur et les arts / La liste civile de Napoléon III, Paris, Ecole des Chartes, 2005, p. 607.

[24Cf. Jean-Marie Moulin dans Revue du Louvre / La revue des musées de France, 1996/5-6, p. 108-109, avec repr.

[25Salon de 1870, n° 2255 (« Appartient à S.M. l’Empereur »). Au château de Compiègne depuis 1951 (donation Ferrand à la ville de Compiègne). Le tableau est cité comme relevant du Domaine privé de Napoléon III en décembre 1869, cf. Catherine Granger, op. cit. à la note 23, p. 607 (l’auteur cite une pièce d’archives de 1870 sans la rapporter explicitement au tableau Ferrand). Mentionnons en outre un troisième portrait du Prince impérial par Pichat (le prince en reconnaissance au Zululand en 1879, cf. Moulin, op. cit. à la note 24, p. 109), également à Compiègne (don Navacelles, 1946). – Le portraitiste, souvent intéressé par le monde des écrivains et des gens de théâtre, se distingue encore avec tel Henri Houssaye en officier à cheval, de 1871, alertement peint à la Pils - Regnault (Paris, Musée Carnavalet).

[26Voir sa vue générale de Jérusalem, 1880 (aquarelle dans une vente à Paris, Hôtel Drouot, en 1994, ou bien ses photographies de soldats algériens et de Marocains, au Musée d’Orsay.

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