- Jardin de la Pagode après abattage du gingko et du hêtre pleureur
et suppression des arbustes et bambous
Photo : J. Lacaze – Sites & Monuments - Voir l´image dans sa page
Emmanuel Macron, paraît-il, prépare « le monde d’après ». Il consulte tous azimuts, il explore les pistes politiques, il va le concevoir… Nous ne nous engagerons pas sur le reste, mais pour ce qui concerne la protection du patrimoine, il s’agit évidemment d’une vaste plaisanterie. Non seulement celui-ci est toujours menacé, mais il l’est encore davantage que d’habitude comme le démontre la multitude de menaces qui apparaissent. Voici une petite revue des affaires en cours et nous ne pouvons bien entendu être exhaustif. La liste est effrayante.
– démolition (en cours) de la gare Maritime du Havre : nous lui avons consacré deux articles, et The Times s’y intéresse désormais.
– destruction (achevée) du jardin du cinéma La Pagode (ill.). Il s’agit pourtant d’un monument classé et d’un jardin classé. Pour en savoir davantage sur cette affaire, vous pouvez lire l’article du Parisien et celui de Julien Lacaze sur le site de l’association Sites et Monuments dont il est le président ; on voit, par ailleurs, le vrai visage de la Mairie de Paris soit-disant « écologique ».
– coupe (imminente) de nombreux arbres centenaires et destruction (non moins imminente) de plusieurs constructions anciennes sur un site classé, sur le domaine de Sèvres (nous publierons ce soir ou demain un article à ce sujet qui a fait l’objet d’un article dans Le Canard Enchaîné de mercredi).
– destruction d’un bâtiment industriel à Nantes, qui nous a été signalée par Forum Nantes Patrimoine : il s’agit certes d’un monument modeste, mais dont l’intérêt patrimonial est réel comme l’expliqua l’association dans un communiqué.
– démolition (en cours) de l’ancienne piscine de Château-Thierry, qui prouve que même le patrimoine plus récent (qui sort du champ de La Tribune de l’Art) n’est pas épargné. Nous renvoyons à l’article d’Anne de Chérisey paru sur le site de Sites et Monuments.
Nous avions inclus l’affaire de la chapelle de Lille, que nous retirons, nous l’espérons définitivement, de cette liste.
Tous ces dossiers ont des points communs :
– nous n’en avions pas connaissance avant qu’il soit trop tard ou presque ; même si nous ne pouvons tout traiter, plus ce type de scandales est médiatisé tôt, plus ils ont des chances d’être évités.
– ils ont eu lieu pendant ou juste après le déconfinement, comme si l’urgence était de démolir,
– ils ont eu lieu, dans certains cas, entre les deux tours des élections, avec l’assentiment de maires dont la légitimité est pourtant relative avant leur éventuelle réélection,
– certaines DRAC, directions régionales des affaires culturelles, dont les pouvoirs sont de plus en plus importants notamment depuis une « déconcentration » qui a été mise en place au début de l’année, sont d’une terrible inefficacité et d’une complaisance incroyable avec les démolisseurs. Au Havre, elles n’ont pas protégé un monument qui méritait cent fois le classement ; à Paris, elles ont laissé détruire un jardin avec des arbres remarquables dans un site bénéficiant de multiples protections ; à Sèvres, les démolitions concernent également un site classé, sur un domaine national ; à Nantes, le bâtiment aurait au moins mérité une inscription, d’autant que tous les candidats à l’élection sont opposés à sa destruction, à l’exception de la maire sortante ; à Lille, nous avons souligné l’impéritie de la DRAC qui a autorisé la démolition de la chapelle malgré la proximité d’un monument classé dû au même architecte ; à Château-Thierry, là encore, un monument qui méritait une protection monument historique a été abandonné à son sort. À quoi sert un ministère de la Culture et ses émanations régionales qui ne protègent pas ce qui devrait l’être et qui laissent détruire ce qui est protégé ?
La responsabilité est, bien entendu, au plus haut niveau de l’État. Car pendant le confinement, un décret sur lequel nous reviendrons très prochainement a été pris pour affaiblir encore davantage la protection du patrimoine. Et le même président qui déclarait le 24 janvier que « La capacité à développer massivement de l’éolien, il faut être lucide, est réduite » et qui, avec sa ministre de l’Écologie, laissait entendre que le développement anarchique de l’éolien était terminé, valide trois mois plus tard (et là encore, en plein confinement) une programmation pluriannuelle qui prévoit d’accélérer son déploiement incontrôlé.
On a beau y être habitué, les mensonges permanents et le déni de la réalité d’Emmanuel Macron, le champion du « et en même temps », finissent par lasser et par inquiéter. Le monde d’après, pour le président de la République, n’est autre que le monde d’avant. En pire.