- Attribué à Domenico Piola
Sainte Famille
Huile sur toile - 125 x 98 cm
Roanne, Musée Joseph-Déchelette
(cette œuvre appartenant au musée de Roanne,
ville du député-maire Yves Nicolin sera-t-elle
bientôt à vendre pour un autre musée ?
Photo : Musée Joseph-Déchelette - Voir l´image dans sa page
Faut-il, absolument, accorder de l’importance à toutes les propositions de loi ridicules ou stupides ? Rappelons que contrairement aux projets de loi, celles-ci ne viennent pas du gouvernement mais sont déposées par les parlementaires. On en compte ainsi beaucoup qui n’ont aucune chance d’être votées et ne servent qu’à donner à leurs auteurs l’impression d’exister.
Mais celle qu’ont déposée plusieurs députés « Les Républicains » est, dans le genre, particulièrement absurde et dangereuse. Il s’agirait d’autoriser les vente d’œuvres des musées entre eux ! Sans doute ces élus espèrent-ils ainsi arriver par la bande à remettre en cause l’inaliénabilité des œuvres des musées de France. Telle qu’elle est rédigée, cette proposition ne toucherait pas à l’inaliénabilité stricto sensu puisque les œuvres seraient vendues d’un musée à un autre musée. Mais personne ne peut être dupe : permettre la vente d’une œuvre à un musée rendra plus facile demain l’élargissement à des ventes hors musées. D’ailleurs, la proposition prévoit que les œuvres pourraient également être vendues « à un musée appartenant à une personne morale de droit privé à but non lucratif » : en ignorant volontairement la notion de « musée de France », cette partie autorise donc la vente à une personne morale de droit privé qui peut, même à but non lucratif, revendre l’œuvre à tout moment.
Nous avons donc contacté le député-maire à l’origine de cette proposition, Yves Nicolin. Celui-ci, maire de Roanne [1] n’a pas hésité à confirmer notre analyse, et il n’a pas caché, devant l’insistance de nos questions, que son objectif était bien de remettre en cause l’inaliénabilité des collections publiques, un principe « contre-productif » selon ses mots. Lorsque nous lui avons expliqué - ce qu’il contestait - que cette mesure pouvait aboutir à la vente d’œuvres des musées au privé, il nous a répondu : « C’est possible, très bien »...
Soyons sérieux une minute : imagine-t-on souhaitable qu’un musée bénéficiant d’un budget d’acquisition décide de dépenser cet argent pour acquérir une œuvre qui fait déjà partie du domaine public ? L’enrichissement pour la collectivité serait nul, d’autant qu’évidemment l’argent serait ensuite utilisé par la collectivité vendeuse pour bien autre chose que pour les musées. Rien en effet dans la loi ne permet d’assurer que les fonds récoltés leur soient affecté. Yves Nicolin nous a dit qu’il s’agirait d’un « contrat moral » ! Chacun appréciera.
Il va de soi par ailleurs qu’aucun conservateur digne de ce nom et respectant la déontologie professionnelle n’accepterait d’acheter une œuvre appartenant déjà à un musée de France. Et à supposer que le musée qui souhaiterait quand même vendre des œuvres (comment résister à un élu quand il n’y a pas de conservateur, ou que ce conservateur a peur pour son poste ?) trouve un autre musée (un autre élu) pour l’acquérir, quel serait son avenir après qu’il aura reçu hypothétiquement l’argent ainsi gagné ? Car rien dans la proposition (et le député ne le nie pas) n’affecte l’argent qui serait récolté à des acquisitions. Il s’agit bien de vendre pour pallier les baisses de budget de fonctionnement, la proposition de loi explique même qu’il s’agit « de donner un peu d’air aux établissements en difficulté ».
Bref, tout cela relève du grand n’importe quoi. Les cessions entre musées de France sont possibles à titre gratuit, et elles doivent le rester [2]. Alors que les musées et le patrimoine sont attaqués comme jamais par un gouvernement socialiste, que cette proposition de loi inepte émane de députés du groupe « Les Républicains » prouve une nouvelle fois que la Culture n’est ni de gauche ni de droite. Et que l’inculture est bien des deux côtés...