Notre-Dame : les contre-vérités de Mgr Ulrich

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Monseigneur Laurent Ulrich
Photo : Didier Rykner
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Peut-on être archevêque et mentir ? Oui manifestement, comme vient de le démontrer Mgr Laurent Ulrich dans une interview donnée au journal Paris Notre-Dame, qui distribue aux fidèles la bonne parole… du diocèse de Paris, c’est-à-dire de Mgr Ulrich.

On y aborde la question des vitraux de Viollet-le-Duc. Et l’on peut constater qu’il s’agit bien de la voix de son maître, car la question fait déjà en elle-même la réponse : « Notre-Dame suscite son lot de polémiques ; beaucoup de fausses informations circulent sur ce que à quoi vont ressembler les vitraux, sur votre prétendu refus de voir revenir la couronne de lumière… Que répondez-vous ? ».

Nous reviendrons un peu plus loin sur la couronne de lumière et le « prétendu refus » ; Sur les « fausses informations sur ce à quoi vont ressembler les vitraux », de quoi s’agit-il ? Certainement pas de ce que les opposants à ce projet, qui ont déjà signé en masse la pétition, dénoncent. Car nous n’avons pas un seul instant parlé de ces vitraux contemporain, ce n’est pas notre sujet. Nous ne sommes pas, nous l’avons déjà dit, hostiles à des vitraux contemporains dans les édifices anciens, mais opposés à l’enlèvement des vitraux de Viollet-le-Duc, ce qui est très différent.
Que des images grotesques circulent sur les réseaux sociaux, essentiellement dues à des complotistes ou à des opposants farouches au président de la République (on voit parfois Emmanuel Macron sur ces soi-disant vitraux dans des positions grotesques) est exact, mais pas une personne sérieuse ne peut penser qu’il s’agisse des véritables projets (qu’on ne connaît d’ailleurs pas encore). Ceux qui veulent déconsidérer notre combat argumenté et raisonné avec les pires bas-fonds de Twitter sont aussi peu honorables que ceux qui diffusent ces montages.

Dans sa réponse, Mgr Ulrich prétend entendre beaucoup de mensonges : « on voudrait détruire les rosaces, des vitraux emblématiques de la cathédrale comme l’Arbre de Jessé. C’est tout à fait faux ». Oui, c’est faux, car ce que dit l’archevêque est également un énorme mensonge. Qui prétend que l’on voudrait détruire les rosaces ? Qui prétend que l’on voudrait détruire l’Arbre de Jessé, qui n’est d’ailleurs pas une rosace, mais le seul vitrail de Viollet-le-Duc des chapelles sud de la nef qui ne sera pas enlevé, et le seul figuratif à cet endroit là ?
Accuser ses adversaires de mentir sur quelque chose qu’ils n’ont jamais dit est un procédé particulièrement détestable car certains pourraient croire celui qui le dit. Après tout, c’est un archevêque, il est donc respectable…

Laurent Ulrich rappelle ensuite qu’il y avait auparavant dans les chapelles des bas-côtés nord et sud de la nef des peintures « voulues par Viollet-le-Duc » qui ont été effacées, il y a soixante ans, et qu’elles l’ont été par l’État à qui la cathédrale appartient.
Là, Mgr Ulrich dit vrai : ces peinture murales, dessinées par Viollet-le-Duc et réalisées sous sa direction (pas seulement voulues par lui) ont été détruites par le service des monuments historiques de l’époque, un crime patrimonial par ceux-là même qui sont censés protéger le patrimoine, alors que ces peintures étaient classées monument historique, qui s’est déroulé dans la plus grande indifférence (et avec le soutien du clergé qui ne rêvait à cette époque que de supprimer tous les décors des églises) car Viollet-le-Duc était encore peu considéré, comme une grande partie du XIXe siècle.
Aujourd’hui tous les spécialistes (y compris ceux du ministère de la Culture) regrettent et déplorent ce vandalisme des années 1960. Et y voir le prétexte pour le parachever en supprimant les vitraux revient à se prévaloir de ses propres turpitudes. Non seulement il faut conserver ces vitraux classés monument historiques, mais il faudra bien un jour s’interroger sur l’opportunité (nous y sommes évidemment favorables) de reconstituer les décors imaginés par Viollet-le-Duc qu’une documentation abondante (dessins, cartons, photos…) permettrait de reconstituer aisément, s’agissant de motifs purement décoratifs, comme la flèche détruite a été reconstituée.

« Quant à la couronne de lumière » ajoute encore Mgr Ulrich, « lorsqu’elle a été retirée de Notre-Dame, il y a vingt ans, et affectée au chœur de la basilique Saint-Denis, il y a dix ans […] c’était bien une décision ferme : il n’a plus été question de son retour à Notre-Dame ». C’est encore faux. L’autorisation de déplacement à Saint-Denis en 2014 précise bien, c’est l’article 2 des trois articles de ce texte, que : « En cas de cessation du dépôt à la demande du clergé affectataire ou de l’État, la couronne de lumière sera déplacée et redéposée dans la cathédrale Notre-Dame de Paris ». Bien conscient de l’anomalie que constituait ce déplacement, le ministère laissait la porte ouverte à un retour dans son édifice d’origine et il ne s’agissait donc pas d’une décision ferme. Nous renvoyons à notre article publié à ce sujet qui démontre amplement que ce retour a bien été envisagé et d’ailleurs proposé par l’architecte en chef des monuments historiques, mais refusé par le diocèse (donc par Mgr Ulrich) avec la complicité de l’établissement public. Ce refus n’est pas « prétendu », il est réel. Il serait par ailleurs facile de savoir quelle est l’opinion des experts à ce sujet, en laissant la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture dire s’il valide ou non ce retour, ce que le ministère s’est bien gardé de faire.

La lecture de Paris Notre-Dame est parfois intéressante : elle nous rappelle (voir cette interview du père Matthieu Villemot) que « le mensonge est contraire au message de l’Évangile » et qu’il s’agit d’une « atteinte à la dignité humaine et à la fraternité ». Il s’agit donc bien d’un péché, même s’il n’est pas mortel, et il est triste de voir un archevêque s’y complaire. En attendant, si vous voulez le rappeler à ses devoirs, vous pouvez toujours signer la pétition qui dépasse désormais les 230 000 signatures.

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