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Munch, l’œil moderne
Paris, Centre Georges Pompidou, du 21 septembre 2011 au 9 janvier 2012.
La très belle exposition Edvard Munch qui vient de s’ouvrir à Beaubourg ne prétend pas à la rétrospective mais revendique un point de vue nouveau qui insiste sur la production du peintre au XXe siècle et, de ce fait, minimise à dessein (en nombre d’œuvres) son activité antérieure à 1900.
Divers thèmes structurent ainsi le parcours de l’exposition, tout comme le plan du catalogue, dans une démonstration de la « modernité » du peintre, une modernité qui serait identifiable, donc, au XXe siècle. L’importance du corpus réuni (140 numéros toutes techniques confondues) sa qualité, la présence de nombres d’œuvres peu vues jusqu’ici font indubitablement de cette présentation un événement que tout amateur de peinture ne saurait manquer. Il s’agit aussi du premier consacré à l’artiste dans notre pays depuis l’exposition du Musée d’Orsay dévolue à sa relation avec la France (1991), sachant qu’il faut remonter à 1974 et à 1952 pour des présentations d’ampleur au Musée national d’art moderne et au Petit Palais (passons sur une exposition lacunaire beaucoup plus récente, au propos alambiqué autant que racoleur et hébergée entre deux célèbres épiceries parisiennes). Personne ne saurait donc bouder le plaisir que nous offre le Centre Georges Pompidou dans l’hommage rendu à cet artiste phare avec l’aide considérable des musées norvégiens.
Il n’est cependant pas interdit de se demander si le propos qui en fournit l’occasion n’est pas, par moment, un peu simplificateur ou plutôt s’il ne peut prêter à confusion (il s’agit bien de « l’œil moderne » et non d’un « art moderne »). Que Munch ait été en effet un acteur majeur des années 1890 et du moment symboliste n’a jamais été en contradiction avec la modernité de son œuvre, bien au contraire. Montrer des toiles et des dessins des années 1910 à 1940 est une excellente chose ; défendre l’idée selon laquelle il y aurait rupture entre une production symboliste ou expressionniste et la suite de son travail semblerait plus contestable et ce n’est d’ailleurs pas le postulat de l’exposition : dans leur introduction louable par sa clarté et sa liberté de pensée, les commissaires Angéla Lampe et Clément Chéroux défendent en effet plutôt la notion d’intensification que de « nouveauté », récusant l’idée même de rupture et l’on ne peut que se réjouir, enfin, de ce progrès considérable dans l’historiographie française. La réévaluation assez récente du symbolisme comme source essentielle de l’art du XXe siècle, rompant avec l’idée périmée d’un mouvement qui serait une parenthèse marginale entre les impressionnistes et les « avant-gardes », doit en effet dispenser dorénavant de telles argumentations. Il s’agit donc bien ici d’évoquer un « œil moderne » au sens où l’on explore l’influence de la vie contemporaine sur le regard de l’artiste (photographie, cinéma, découvertes scientifiques, théâtre, presse, vie urbaine, actualité etc..) plutôt qu’un jugement esthétique inscrit dans les taxinomies de l’histoire de l’art, mais on…