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Mondes souterrains. 20 000 lieux sous la terre
Louvre-Lens, du 27 mars au 22 juillet 2024.
Mieux vaut ne pas trop se pencher, prévient Nietzsche, car « si tu plonges longtemps ton regard dans l’abîme, l’abîme te regarde aussi » . Et pourtant, le Louvre-Lens nous propose de sauter à pieds joints dans les ténèbres, à la suite d’Orphée, de Dante et de Platon, des travailleurs de la mine et des passagers du métro. Le musée a le don de susciter la curiosité de ses visiteurs avec des sujets iconographiques séduisants et pointus à la fois : après les « animaux fantastiques » (voir l’article), voilà qu’il consacre une exposition aux « mondes souterrains ».
- 1. Just Becquet (1829-1907)
La Vouivre du Puits Noir, 1899
Terre cuite - 51 x 48,5 cm
Besançon, Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie
Photo : Besançon, Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie - Voir l´image dans sa page
Sept sections thématiques, elles-mêmes divisées en plusieurs parties, confrontent des œuvres de toutes les époques et de toutes les civilisations. Malheureusement, les titres sibyllins de ces différents chapitres ne facilitent pas la compréhension d’une discours riche et dense qui aurait nécessité un développement plus clair, et peut-être une scénographie moins sage. Difficile de deviner quelles œuvres sont réunies dans les salles intitulées « Enfouir l’effroi dans les ténèbres », « S’apaiser dans un monde enchanteur », ou encore « Vivre dans un monde inspirant ».
Les œuvres extra-européennes essaimées dans l’exposition surchargent le propos de digressions qui ne font qu’évoquer la perception de l’au-delà par d’autres civilisations. La question trop vaste de la mort, selon les pays et les époques, est donc survolée, ou pas assez creusée, tout est question de point de vue et d’espérance. C’est ainsi qu’une divinité squelettique Maya côtoie à la fois l’affreuse Vouivre de Franche-Comté (ill. 1) et un gardien de tombeau chinois aux cornes torsadées et aux dents aiguisées. Plus loin, un sarcophage égyptien est disposé dans la perspective du grand triptyque de Devambez, Pensée aux absents (ill. 2), qui évoque la Grande Guerre à travers trois femmes en deuil - fille, mère épouse - assises au-dessus d’un champ de croix blanches où marchent des ombres de soldats.
- 2. André Devambez (1867-1944)
La Pensée aux absents, 1927
Huile sur toile et carton - 130x 110 cm et 47 x 53 cm
Tourcoing, Musée des Beaux-Arts Eugène Leroy
Dépôt à Péronne, Historial de la Grande Guerre
Photo : bbsg - Voir l´image dans sa page
Si le parcours n’est pas chronologique, il suit malgré tout une évolution : de l’angoisse jusqu’à l’émerveillement, des funèbres tréfonds de la terre jusqu’aux trésors que celle-ci renferme. Cette volonté un peu manichéenne de séparer deux visions du monde souterrain - terrible au début de l’exposition, enchanteresse à la fin, pour laisser partir les visiteurs heureux - rend le propos confus, car elle provoque la dissémination dans les salles de figures mythologiques, religieuses et littéraires qui sont pourtant liées. L’enlèvement de…