Menaces sur le château de La Barben (2/13) : un survol rapide de l’affaire

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1. Le château de La Barben en juin 2019
Photo : La Tribune de l’Art
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Nous avons succinctement présenté le château de La Barben avec son parc à la française, son potager, ses terrasses, son escalier en fer à cheval, ses écuries et ses décors classés (voir notre premier article). Riche d’un mobilier exceptionnel dont une grande partie a été livrée pour ces lieux, il est aujourd’hui menacé par un projet comprenant un parc d’attraction situé dans le château et ses dépendances, et sur ses abords.

Le nouveau propriétaire Vianney d’Alançon, qui l’a acquis il y a moins de deux ans, associé à Vincent Montagne (famille Michelin), Benoît [1] Habert (famille Dassault) et la famille Deniau dans une société commerciale nommée Rocher Mistral, le nouveau nom donné à ces lieux, affirme qu’il s’agit d’un projet protégeant le patrimoine et l’environnement. Ses déclarations en ce sens sont innombrables, et il arrive ainsi à persuader ses interlocuteurs.

Dans une vidéo du site sochateaux.com diffusée sur Youtube, Frédéric de Lanouvelle, le bras droit de Vianney d’Alançon [2] explique qu’un des objectifs de celui-ci est de « sauver le patrimoine », ainsi que l’environnement : « On a aujourd’hui forcément une mission de conservation de la faune, de la flore et de préservation de l’environnement et ça c’est quelque chose qui tient vraiment à cœur de Vianney d’Alançon et du projet avec le château de La Barben et Rocher Mistral plus globalement ».

Un article du Figaro du 29 juin 2019 est titré « Vianney d’Alançon, chevalier du patrimoine » ! Rien que cela. Le projet de Rocher Mistral n’était pas encore concrétisé et l’article parle essentiellement du château de Saint-Vidal, en Haute-Loire, où l’entrepreneur s’est déjà distingué et dont il faudra que nous parlions une autre fois. Toujours dans Le Figaro il affirme dans un article du 29 juin 2021 intitulé « Pour l’amour du patrimoine », à propos de La Barben : « Nous défendons un projet lié à l’environnement » le 29 juin 2021.

La presse régionale et nationale est remplie de ces déclarations d’amour pour l’environnement et le patrimoine de Vianney d’Alançon, jusque, il y a trois jours, dans La Provence, qui l’interviewe comme une personnalité qui compte dans ce domaine, et où il se déclare très inquiet et très combatif : « il faut une mobilisation de tous pour sauver la culture et le patrimoine », « si on n’entretient plus un monument, il s’abîme irrémédiablement », « il y a une urgence patrimoniale »... Et Vianney d’Alançon n’aime pas seulement le patrimoine. Il l’aime « 100% authentique » comme il l’explique à La Marseillaise du 17 juin 2020 !

Comme notre enquête le prouve, la réalité est pourtant bien différente. Les prochains articles que nous publierons démontreront que le monument historique a été maltraité, que son environnement est gravement menacé et a subi déjà de nombreuses atteintes alors qu’une grande partie des autorisations nécessaires n’ont pas été accordées. Un document interne envoyé par la DRAC au préfet pour répondre à nos questions, que nous publierons dans notre prochain article, le démontre amplement.

Mais il y a plus grave encore : ce projet bénéficie de multiples soutiens politiques et d’un financement important de la part des collectivités territoriales : Renaud Muselier, président du Conseil régional, présent lors de l’inauguration, a déjà promis 3,7 millions d’euros, tandis que le Conseil général des Bouches-du-Rhône présidé par Martine Vassal (qui dirige également la métropole), a pour sa part prévu de financer 2,9 millions d’un projet qui, dans sa totalité (et en incluant l’achat du domaine), devrait coûter entre 30 et 37 millions d’euros (les chiffres varient…). L’État n’est pas en reste. Le gouvernement, par la voix de Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État au Tourisme, et par l’intermédiaire du sous-préfet Bruno Cassette, est également venu en renfort. La position du préfet des Bouches-du-Rhône, Christophe Mirmand, est pour l’instant plus ambiguë - comme nous le verrons - mais tout donne à croire qu’il prévoit d’ores et déjà de régulariser certains travaux déjà réalisés sans autorisation et de valider ceux à venir. La Direction Régionale des Affaires Culturelles a pour sa part donné certaines autorisations qu’elle n’aurait pas dû accorder, tout en en refusant beaucoup d’autres, en vain.

Mieux encore : héraut du patrimoine et de l’environnement, Vianney d’Alançon est parvenu à mettre de son côté - temporairement, probablement, après les articles que nous allons publier - certaines associations de protection du patrimoine. Même Stéphane Bern, qui de toute bonne foi pensait que le château allait être restauré, était monté au créneau pour soutenir le « Rocher Mistral ». Mais il ne souhaite plus être présenté comme un partisan de ce projet.


2. Le jardin à la française du château de La Barben
Photo : La Tribune de l’Art (2019)
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Nous verrons donc successivement dans les articles qui suivront :

 comment les abords de ce monument, son potager notamment, qui se trouve dans le prolongement immédiat du jardin à la française, ont été déjà fortement impactés par des travaux menés pour une large part sans autorisation, ou d’une manière non conforme aux prescriptions.
 quelles ont été les atteintes à l’environnement à la suite de travaux non autorisés, qui donnent déjà lieu à une plainte au pénal de l’association France Nature Environnement des Bouches-du-Rhône.
 de quelle manière a été traité le château - pourtant classé monument historique dans toutes ses composantes (rampe d’accès, jardin à la française, écuries, façades, intérieurs…),
 comment la suite du projet menace de parachever la dénaturation du domaine, par des constructions en zones inconstructibles et menacées tant par les inondations que par les incendies,
 comment les soutiens financiers et politiques sont venus appuyer ce projet,
 le manque de rigueur et la pauvreté d’inspiration du contenu historique et artistique du parc d’attraction en lui-même.

Nous conclurons enfin en décrivant autant que faire se peut le mobilier historique du château, qui n’est pas protégé, et qui n’est donc pas à l’abri d’une dispersion, au risque de venir ainsi s’ajouter au démantèlement des grandes demeures que nous ne cessons de dénoncer sur ce site.

Onze articles encore à venir donc, dans lesquels nous ne pourrons malheureusement pas, ou presque pas, faire part des arguments des promoteurs et des soutiens de ce projet que nous avons tous interrogés, ceux-ci ayant décidé, d’une manière presque unanime, de ne pas donner suite à nos questions ou de n’y répondre qu’à la marge. Seul le préfet, et par son intermédiaire la DRAC, nous ont répondu et ont fait preuve d’une vraie transparence.

Quant à Vianney d’Alançon, qui n’a à aucun moment répondu à nos questions précises, il nous a déjà envoyé depuis la parution de notre premier article un courrier d’avocat qui se conclut ainsi : « La société Rocher Mistral et son dirigeant contestent toute atteinte délibérée au patrimoine et à l’environnement de ce monument historique. J’ai reçu pour instruction d’initier les voies de droit de nature à sauvegarder leurs intérêts ». Il va de soi que nos propos sont mesurés, que nous n’avons pas de conflit personnel avec Vianney d’Alançon, que nous avons mené une enquête sérieuse (avec moult arguments, documents et photographies) et que celle-ci a un but légitime : informer le public sur un scandale patrimonial et environnemental. Nous la publierons donc entièrement sans nous laisser impressionner par de telles tentatives d’intimidation.

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