Mélangeons tout, ce sera plus lisible !

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Salles des armes
Louvre, département des Objets d’Art
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Nous préparons, actuellement, une grande enquête sur le Louvre et le bilan de Jean-Luc Martinez près de trois ans après sa nomination. Mais nous ne pouvons rester muet, en attendant de publier cet article, sur le nouveau projet du président-directeur du Louvre dont il s’était bien gardé de parler dans les entretiens qu’il nous avait accordés il y a un an et demi. Celui-ci vient d’annoncer en effet dans La Croix ce qui revient à la mort des départements, au moins des départements des Peintures, des Sculptures et des Objets d’Art.
Que dit-il en effet dans cet article ? « Nos collections du Moyen Âge, éclatées entre les différents départements (peintures, sculptures, objets d’art) ne sont pas du tout lisibles. Elles doivent être regroupées dans un parcours embrassant tout le Moyen Âge européen. Il faut consacrer de même des salles spécifiques à la Renaissance et à ses innovations, tout en conservant notre grande galerie des peintures italiennes qui a son efficacité. »

Qu’une présentation d’un musée par époque, toutes techniques confondues, soit possible, nul n’en disconviendra. Chaque solution a ses avantages, et ses inconvénients. Que le Louvre puisse, ponctuellement, mêler objets d’art, peintures et sculptures, rien ne l’empêche. C’est par exemple déjà le cas à certains endroits du parcours du département des Objets d’Art ou dans certaines de ses expositions. Mais prétendre mélanger complètement ces trois arts dans un parcours qui serait complètement renouvelé, c’est ne rien comprendre au Louvre, dont l’histoire même est à l’origine de la création de ces départements et de cette présentation par techniques.

D’où Jean-Luc Martinez décide-t-il que les collections du Moyen Âge ne sont plus du tout lisibles, un point qui selon lui ne semble pas souffrir de discussion ? L’histoire de la peinture au Moyen Âge a une cohérence et une lisibilité évidente, que le Louvre a pour tâche de mettre en œuvre le plus clairement possible. L’organisation par écoles, qu’il veut manifestement également supprimer, a aussi une logique en histoire de l’art. Tout cela doit évidemment être complété par une connaissance des autres formes artistiques, mais elle peut-être apportée par une médiation (un terme qu’affectionne particulièrement le président-directeur) bien faite, par la visite des autres départements, par des expositions, par des publications… Comment peut-on imaginer qu’un mélange d’œuvres d’art de toutes les techniques et de toutes les écoles rendra plus intelligible un propos par nature complexe pour des visiteurs non informés ?

On se demande d’ailleurs pourquoi le Moyen Âge et la Renaissance, également citée, seraient seuls concernés. Il n’y a là aucune cohérence, et on comprend bien que le reste coule de source : le XVIIe, le XVIIIe, le XIXe siècle devront à leur tour faire l’objet d’une présentation mélangée pour être plus « lisibles »… On imagine le coût des réaménagements que causerait une telle révolution de l’organisation du Louvre. De l’argent qui serait bien mieux utilisé pour d’autres projets comme par exemple mener à nouveau une politique d’acquisitions digne de ce nom... Jean-Luc Martinez prétend par ailleurs que « des discussions sont en cours au Louvre sur ces sujets ». Les quelques conservateurs que nous avons contactés ont déclaré ignorer l’existence de telles discussions, même si ce n’est pas la première fois que cette idée est évoquée (Henri Loyrette y songeait, mais n’a pas osé mener ce projet à bien). La seule fois où ce sujet a été récemment abordé, c’était lors d’un séminaire interne, en juin dernier, quand un chef de département était intervenu pour expliquer qu’une telle organisation, pour le Moyen Âge, ne se justifiait pas.

On appréciera par ailleurs la conclusion : « tout en conservant notre grande galerie des peintures italiennes qui a son efficacité ». « Qui a son efficacité » ! La grande galerie du Louvre n’est pas belle, elle ne représente pas une histoire de la peinture italienne au XVIe et au XVIIe siècle, elle n’est pas une des galeries de chefs-d’œuvre les plus importantes des musées occidentaux, elle n’est pas une source de plaisir... Elle « a son efficacité » . C’est tout dire de la manière dont Jean-Luc Martinez voit le Louvre.

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