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Masques, de Carpeaux à Picasso
Paris, Musée d’Orsay, du 21 octobre 2008 au 1er février 2009.
Organiser une exposition thématique est un exercice périlleux. Si le recours au thème, iconographique, formel ou historique, permet d’échapper au carcan monographique et aux limites d’une chronologie étroite, il peut aussi, et c’est souvent le cas, diluer le propos et aboutir à un fastidieux inventaire sans queue ni tête. Combien de livres ou d’expositions qui, hélas, alignent œuvres et considérations oiseuses au point que l’on se demande s’il est vraiment profitable d’étudier « l’image du papillon de la Grèce archaïque à nos jours », ou légitime d’envisager « l’enfance dans la peinture à travers les âges et les cultures »… Rien de tout cela, fort heureusement, au Musée d’Orsay où le thème du masque, passionnant à tous égards, a mobilisé les énergies depuis quatre ans pour produire une des très belles expositions de cette rentrée pourtant fort riche en événements.
- 1. Emmanuel Fremiet (1824-1910)
Emile Vaudremer (1829-1914)
Lustre : boa offrant une pomme à un masque
Bronze, doré patiné - 105 x 64 cm
Paris, musée d’Orsay
Photo : RMN/Hervé Lewandowski - Voir l´image dans sa page
Le masque, qui cache ou qui dévoile, est un artefact majeur de toute civilisation. L’exposition d’Orsay montre l’extraordinaire fortune du thème au XIXe siècle, depuis l’accessoire scénique, héritier du masque de la Tragédie et de la Commedia dell arte jusqu’à l’expérimentation plastique du début du XXe siècle qui ramène le masque à sa seule identité formelle. Entretemps, les métamorphoses du masque, infinies, sont abordées par de riches ensembles, des œuvres majeures ou d’insignes raretés, depuis le masque mortuaire, le masque comme typologie humaine, comme portrait sacralisé, comme exercice à part entière de la sculpture ou comme vision déréalisée du visage. Une scénographie intime et précieuse, des couleurs profondes et des aménagements au poli métallique subtil, mettent le visiteur dans l’ambiance, comme si des conditions très particulières étaient requises pour accéder à la magie de ces « faces », peintes, gravées, sculptées, sorte de galerie initiatique, et les éclairages (dans une note plutôt sombre mais très réussie contrairement à nombre d’expositions) concourent à « l’animation » de ces êtres ; en parcourant l’exposition, on pense par moment à tel ou tel chef d’œuvre du cinéma, L’homme au masque de cire, le Phantom of the paradise de Brian de Palma ou encore les Yeux sans visage de Franju.
Accueilli par le charmant Arlequin de Saint Marceaux, dont le sourire mutin annonce surprises et facéties, le visiteur pénètre dans une première salle synthétique qui permet d’aborder le thème. Saluons les panneaux didactiques, extrêmement bien conçus, denses mais clairs et parfaitement en phase avec le contenu des salles. Quelques pièces antiques de référence, un masque décoratif médiéval, plusieurs masques mortuaires (Dante, Napoléon, Géricault) mais aussi l’Allégorie de la simulation de Lorenzo Lippi, une gravure de Rops, un mascaron de Dalpayrat, le…