Les travaux visant à installer les Antiquités étrusques entre la salle des Bronzes et la salle des Sept Cheminées, dont nous avions déjà parlé pour en dénoncer le caractère destructeur (voir l’article), révèlent tous les jours de nouvelles surprises, toutes plus confondantes les unes que les autres.
1. La portance du sol de la salle des Sept Cheminées
Construite à l’emplacement de l’ancien appartement du roi, la salle des Sept Cheminées (ill. 1) est née de la fusion du premier et du second étage, créant ainsi une grande salle qui répond, en quelque sorte, au Salon Carré de l’autre côté de la galerie d’Apollon. Aménagée par Duban, elle était dès l’origine, et est restée depuis consacrée aux peintures qui ont toujours orné ses cimaises. Nous avons vu que cela était désormais terminé, les tringles anciennes ayant même été supprimées, histoire de ne pas pouvoir revenir en arrière, et les grands tableaux du XVIIIe siècle qui en ornaient les murs ont été envoyés à Liévin (voir l’article).
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- 1. La Salle des Sept Cheminées au début des travaux
Photo : Didier Rykner - Voir l´image dans sa page
Mais la volonté d’installer dans cette salle une partie des Antiquités étrusques se heurte à un petit problème, qui n’avait pas été anticipé : la portance des sols n’est pas suffisante pour supporter le poids des vitrines et des œuvres qui doivent y être installées. C’est ballot. Du coup, les travaux ont été interrompus, le temps de réfléchir à ce qu’il convient de faire. Le marché est en cours de réécriture pour alléger le poids des vitrines en aluminium, mais même cela ne suffira probablement pas. La question est désormais d’installer un plateau qui permette de répartir le poids sur toute la surface. Avec de nombreux inconvénients : refaire un parquet, et prévoir l’accès des personnes à mobilité réduite puisqu’il y aurait désormais une ou deux marches entre le sol de cette salle et le reste de l’étage, ce qui entrainera la nécessité de mettre en place une rampe, ou un système d’accès.
2. La salle des Verres
Il s’agit de l’ancien cabinet du roi, qui se trouve après la rotonde d’Apollon, avant de pénétrer, en sortant, à droite dans la salle des Sept Cheminées, et à gauche dans la salle Henri II où se trouve le plafond de Braque. Le plafond fut peint en 1822 par Jean-Baptiste Mauzaisse qui y représenta Le Temps montrant les ruines qu’il amène et les chefs-d’œuvre qu’il laisse ensuite découvrir. Cette salle fut décorée par Fontaine qui y installa, du côté de la galerie d’Apollon, la cheminée provenant de la salle des Nobles de Marie-Antoinette à Versailles. Cette cheminée est retournée à son emplacement d’origine à Versailles dans les années 1950 (ill. 2).
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- 2. Cheminée du Salon des Nobles de la Reine à Versailles
Photo : Château de Versailles/C. Fouin - Voir l´image dans sa page
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- 3. Premier essai de copie de la cheminée, en résine (non concluante, elle sera finalement en résine et poudre de marbre)
Photo : La Tribune de l’Art - Voir l´image dans sa page
Cela ne pouvait convenir à Jean-Luc Martinez. On ne sait exactement à quel état du Louvre celui-ci veut revenir, mais il est manifestement obsédé par la monarchie. Cela explique que l’on parle désormais pour ces pièces d’« appartement du roi », même si l’appartement du roi n’existe plus depuis longtemps. Même si la cheminée ne fut installée ici que sous la Restauration, il fallait selon lui la faire revenir. Comme il n’était pas question de reprendre l’original à Versailles, il a donc été décidé d’en faire une copie ! Le Louvre se met donc, comme Versailles, à faire du faux.
Dans un premier temps, une cheminée en résine a été créée (ill. 3). Mais l’effet n’a pas semblé satisfaisant, et comme le Louvre croule sous l’agent, il a décidé de se payer une nouvelle cheminée en résine et poudre de marbre. Les travaux sont en cours…
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- 4. Muséographie de la salle des Verres actuellement en travaux au Louvre
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Ajoutons que cette salle est destinée à recevoir « des outils de médiation variés » comme le dit un document interne présentant les travaux. Un visuel (ill. 4) permet d’imaginer l’énorme et peu gracieux dispositif qui va se trouver au centre de la salle. Il y a quelque chose de paradoxal à vouloir remettre en place une (fausse) cheminée du XVIIIe dans cette pièce tout en y installant une machine aussi laide en son centre. Mais la cohérence n’est pas la qualité première de la direction du Louvre.
3. La salle des bronzes
Là encore, nous avons décrit les travaux en cours et regretté à la fois leur inutilité, leur coût, et la destruction de l’état existant. Celui-ci (ill. 5), datait des années 30, à l’exception du plafond de Twombly. Les vitrines et le sol en marbre (ill. 6) ont disparu, les chambranles des fenêtres ont été inventés à la manière du XIXe siècle... Les murs ont été repeints en rouge, l’objectif étant de retrouver un état correspondant à celui peint par Charles Giraud (ill. 7), quand la salle abritait une partie de la collection Campana. Idée absurde car plus rien n’est pareil : les fenêtre n’existaient pas, les vitrines ont disparu et le plafond a été rabaissé et, depuis, a été peint par Cy Twombly. À l’exception de cette peinture murale, l’état historique était celui des années 30, pas celui Campana ! Quant à la muséographie, elle n’aura pas grand chose non plus à voir avec l’époque Napoléon III (ill. 8).
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- 5. Salle des bronzes grecs au Louvre avant le début des travaux
Photo : Jean-Pierre Dalbéra (CC BY 2.0) - Voir l´image dans sa page
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- 6. Ancienne salle des bronzes, pendant les travaux actuels, avant la pose du plancher
Photo : La Tribune de l’Art - Voir l´image dans sa page
On s’interroge réellement sur la raison de ces travaux : rien dans la muséographie des années 30, parfaitement élégante et fonctionnelle, ne justifiait un changement si radical qui ignore, par ailleurs, la déontologie des monuments historiques. Rappelons que l’objectif avoué du Louvre est d’installer ici, à la place des bronzes grecs, une partie des antiquités étrusques. Nous nous étonnions déjà du changement de destination alors que le plafond de Cy Twombly, qui évoque le monde grec, avait été créé pour répondre aux œuvres qui y étaient exposées. Nous soulignions également que le changement de couleur des murs et du sol posait un problème puisque cela avait été pris en compte par l’artiste pour peindre son plafond.
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- 7. Charles Giraud (1819-1892)
Musée Napoléon III, salle des terres cuites au Louvre, 1866
Huile sur toile - 97 x 130 cm
Paris, Musée du Louvre
Photo : Musée du Louvre/A. Dequier-M. Bard - Voir l´image dans sa page
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- 8. Future muséographie de l’ancienne salle des Bronzes au Louvre
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Nous ne croyions pas si bien dire : la galerie Gagosian, et la Fondation Cy Twombly, qui n’ont pas été contactées et à qui l’autorisation n’a pas été demandée, s’en sont inquiétées, et demandent la remise en état de la salle. Rappelons que le droit moral s’applique ici, et qu’elles auraient dû être consultées.
Le Monde, dans l’article cité en introduction, cite les termes de la Fondation Cy Twombly : il s’agit pour eux d’« un dommage sérieux infligé à l’œuvre de Twombly, en violation des droits moraux de l’artiste ».
Cela risque de coûter cher au Louvre, d’une manière ou d’une autre, car les travaux sont déjà très avancés comme on peut le voir sur notre photo (ill. 6), prise avant que le parquet de chêne ne soit posé. Nous pouvons aussi publier la muséographie prévue, que l’on pourra comparer avec la même salle avant les travaux. On comprend que la Fondation Twombly soit furieuse : non seulement cela n’a plus rien à voir avec la salle telle qu’elle était au moment où l’artiste est intervenu, mais c’est un ratage esthétique complet. Certains, au sein du Louvre, comparent désormais le décor avec celui d’une pizzeria…