Les nouveaux statuts de Versailles publiés au Journal Officiel

Château de Versailles vu des jardins
Photo : Didier Rykner
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14/11/10 - Musées - Versailles, Etablissement public du château, du musée et du domaine national - Le conseil des ministres a examiné, mercredi dernier, le nouveau statut de l’établissement public de Versailles, préparé par son actuel président Jean-Jacques Aillagon.
Nous avions pu nous procurer le projet il y a quelques mois, que nous avions décrit dans un article publié le 10 avril 2010. Le décret, daté du 11 novembre 2010, et publié dans le Journal Officiel du 13 novembre, confirme l’effacement définitif du directeur général de l’établissement public (qui perd ce titre) au profit d’un administrateur général qui sera désormais le numéro 2 de l’établissement, après un président doté désormais de tous les pouvoirs ou presque. Le directeur général est rétrogradé et devient simplement directeur du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, ce qui signifie qu’il n’aura plus aucune responsabilité sur l’établissement en dehors du musée.
Jean-Jacques Aillagon nous avait affirmé (voir brève du 23 juillet 2009) que cela ne changerait rien aux prérogatives du directeur ni à ses missions, et qu’il s’agissait simplement d’adapter le titre à la réalité de la fonction. C’était, bien sûr, entièrement faux.

Certes, des améliorations mineures ont été apportées par rapport au projet, qui ne changent cependant rien au fond du problème. Ainsi, il était prévu, ce que nous dénoncions, que le directeur général ne soit nommé que pour trois ans, renouvelables seulement deux fois, alors que le président l’était pour cinq ans, renouvelables pour trois ans sans limitation. Désormais, les deux le seront selon cette dernière modalité.

Tout le reste est confirmé.

Théoriquement, le président peut encore déléguer (sauf pour trois missions) sa signature au directeur. Mais une délégation de signature n’est pas une délégation de pouvoir. Auparavant, le directeur « assist[ait] le président dans ses fonctions et, à ce titre, p[ouvait] recevoir de lui toute délégation pour assurer la direction des services de l’établissement ». Le nouveau statut prévoit maintenant (art. 19) que c’est l’administrateur et seulement lui qui peut « assurer, par délégation du président, la direction des services de l’établissement ». Le directeur n’assiste plus le président dans ses fonctions.

Le président « préside et dirige » (comme si quelqu’un pouvait penser que ce n’était pas le cas). Le directeur n’a plus aucune possibilité de faire réunir ou de présider le conseil d’administration. Le président a tout pouvoir, puisqu’auparavant ce conseil d’administration pouvait être réuni à la demande du directeur général des patrimoines, du directeur du patrimoine, du directeur général de l’établissement ou du quart au moins de ses membres. Seul le directeur des patrimoines peut maintenant demander sa réunion, ou le tiers de ses membres (art. 14).
Désormais (art. 17), le président « arrête, dans le respect de la politique définie par le conseil d’administration et après avis du conseil scientifique, la programmation des activités culturelles et scientifiques et des publications de l’établissement ». Le directeur, ne pouvant demander la réunion du conseil d’administration, ne peut plus s’opposer à une politique qui ne respecterait pas l’éthique des musées.
Auparavant le directeur proposait le programme des expositions et des manifestations culturelles du musée. Demain (art. 18), il ne fera plus que « concourir à l’élaboration » de ce programme. Normal, puisque le président fait tout. Plus grave encore : le directeur n’est plus responsable « de la gestion, de la mise en valeur » des collections. Plus personne ne l’est. C’est encore, probablement, la responsabilité du président…

L’administrateur n’est plus, même pour « les matières relevant de [la] compétence [du directeur] », placé sous l’autorité de ce dernier, comme c’était le cas auparavant ; en revanche l’administrateur préside le conseil d’administration en cas d’absence ou d’empêchement du président. Il est désormais le vrai numéro deux. L’organigramme devient bien celui que nous avions dessiné dans notre précédent article.

Enfin, comme cela était prévu, le conseil scientifique (art. 20) n’a plus de scientifique que le nom puisque la moitié de ses membres pourront n’avoir aucune compétence en histoire de l’art.

Voilà donc comment Jean-Jacques Aillagon, avec la complicité du ministère de la Culture, vient de diminuer encore le pouvoir des historiens de l’art à Versailles, en privant le conservateur en chef de l’essentiel de ses prérogatives. Il n’y a pas vraiment lieu de s’en étonner puisqu’il l’avait déjà fait au Musée national d’art moderne lorsqu’il était président du Centre Pompidou. Demain, deux administrateurs, énarques ou non, pourront diriger Versailles comme ils le voudront, sans véritable contre-pouvoir scientifique.

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